22ème journée du Livre Politique

Mesdames et Messieurs,

Bienvenue dans le cœur battant de la démocratie, pour cette 22e édition de la Journée du Livre politique ; ma première comme président de l’Assemblée nationale.

22 ans… C’est bien jeune… Mais à l’heure du zapping frénétique, du culte du tout-jetable et de l’éphémère, pour une telle manifestation, 22 ans, c’est déjà une tradition.

La Journée du Livre politique existe depuis 1991. C’est dire si elle est devenue une tradition dans ces lieux. Presque un rituel. Le rituel d’une réunion entre femmes et hommes de lettres, de convictions et de curiosité. Le rituel d’une réflexion, sur des réalités passées, présentes, et sur des horizons.

Je veux ici remercier, chaleureusement et au nom de l’Assemblée nationale, Madame Luce Perrot pour sa fougue à transmettre, édition après édition, le même message : celui que seule la valorisation des idées politiques permettra de susciter l’amour de la République. Merci donc à vous, chère Luce, d’être cette « entremetteuse » entre les Français et leurs représentants. C’est peu dire que nous en avons immensément besoin en cette période troublée…

Merci aussi à Gérard Leclerc, président de « La chaîne parlementaire Assemblée nationale », de permettre l’ouverture la plus large de cette manifestation aux Français en la diffusant sur LCP.

Mesdames et Messieurs, quel meilleur lieu que l’Assemblée nationale pour débattre de tout cela ? Quel meilleur lieu pour s’interroger sur la place du politique, des citoyens  et des représentants de la Nation ?

J’aimerais que ce lieu nous inspire. Cette institution, vieille de plusieurs siècles, a su traverser les âges et survivre aux crises. Il faut parfois rénover différentes parties du bâtiment, c’est vrai, mais les fondations sont solides. Solides en s’appuyant sur son passé, son Histoire. Solides aussi en recherchant de nouveaux moyens de s’élever. En s’adaptant à son temps, en restant à l’écoute, en se réinventant.

L’Assemblée nationale est entrée de plain-pied dans la Modernité et c’est l’objet de toute mon attention depuis mon élection. Je veux qu’elle épouse l’évolution de la société. Qu’elle soit une maison de verre, sculptée dans le dialogue et la transparence. C’est plus que jamais d’actualité. Qu’elle soit un miroir aussi, reflétant les nuances et les différences de sa population. Et surtout, qu’elle soit le lieu de l’anticipation. 

 

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Tradition… Modernité…

Et si c’était cela le nouveau rêve français ? Et si c’était cette alliance ? Et si c’était cette capacité à réconcilier ces prétendus contraires, à les transcender ?

Il n’est pas d’opposition plus trompeuse que celle entre Tradition et Modernité. Rien n’est plus factice que d’opposer ces deux idées. Car Tradition et Modernité sont deux composantes indissociables du présent. Et c’est même toute la tâche du rêve français que de concilier les deux.

Dans le nouveau monde dans lequel nous sommes entrés, ce défi de conciliation est plus crucial que jamais.

Car, qu’on le veuille ou non, nous sommes entrés dans un nouveau monde. Pour le pire et pour le meilleur.

Les points de repère d’hier s’estompent, les certitudes s’effritent. Le lien social se distend. La peur du lendemain a accéléré le repli sur soi et renforcé les populismes. De nouvelles formes de pauvreté émergent. De nouvelles concurrences apparaissent. L’argent, le « fric » même, ont rendu fou… Et, hélas, face à de tels bouleversements, les tentations de douter, des institutions ou de son voisin, sont grandes.

Et pourtant, ce nouveau monde nous donne des raisons d’espérer. Avec la prise de conscience environnementale, les progrès scientifiques, les nouvelles solidarités transnationales, les innovations, un monde extraordinaire s’offre à nous ! Et c’est dans ce nouveau monde que le rêve français devra trouver sa place. Entre stabilité et confiance. Entre Tradition et Modernité.

 

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Tradition… Modernité…

Pour le modèle social français.

Ce modèle, bien des pays du monde nous l’envient. Il est le fruit de longues batailles menées par des femmes et des hommes convaincus de la nécessaire protection des citoyens face aux aléas de la vie. Ce sont les valeurs du Conseil national de la Résistance. C’est la gratuité des soins, le droit à une retraite digne, à une assurance chômage, à un revenu minimum, pour tous et pour chacun.

Ce modèle, il est notre patrimoine. Le patrimoine de ceux qui n’ont pas de patrimoine. Ce modèle, il est l’ennemi de l’arbitraire, l’adversaire du hasard. Et à ce titre, rien ne justifiera jamais de le saborder.

Mais pour le protéger encore faut-il l’accorder avec ce nouveau monde, le moderniser. J’en suis convaincu, le nouveau modèle social ne pourra être que le fruit d’un compromis historique. Sa matrice, c’est le dialogue social, c’est le basculement de la logique de la convocation à la logique de la coproduction des grandes lois sociales. L’Assemblée nationale est engagée sur ce chemin.

Dès mon élection, j’ai voulu faire de cet endroit un lieu de coproduction, une assemblée pivot. Pas seulement pour les députés mais pour la société civile toute entière, en invitant des jeunes, des chefs d’entreprises, des représentants syndicaux, des spécialistes, des chercheurs, et tant d’autres, à s’exprimer. Pour que notre modèle français reste un modèle à imiter, il doit être un modèle partagé.

 

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Tradition… Modernité…

Pour notre modèle économique aussi.

Je ne suis pas un adepte de l’auto-flagellation nationale ou des théories de la décadence.

Notre modèle économique a fait ses preuves en permettant à des fleurons de l’industrie française d’éclore et de s’affirmer. Moi, je suis fier de la mixité de notre tissu économique. Fier que la France soit le premier producteur agricole de l’Union européenne. Fier de notre tradition industrielle, de notre indépendance énergétique. Fier de nos services, de la solidité de notre secteur bancaire et de la vitalité de notre tourisme.

Ces conquêtes sont précieuses et tout doit être fait pour les protéger. Mais ne laissons jamais s’installer l’idée que la France serait le simple musée de l’Europe. La France doit être tout à la fois le musée, la toile, le pinceau, la palette et le peintre.

Alors soyons plus compétitifs et soyons plus attractifs. Comment ? En innovant. En allant de l’avant. En investissant dans la recherche et le développement. En pariant sur la croissance verte. En encourageant les nouvelles générations. En leur offrant une formation mieux adaptée. En misant sur notre matière première : en France, on n’a pas de pétrole, mais on a des enfants ! Préparons cette société éducative, premier gisement de compétitivité.

Et si, après tout, la crise était une opportunité ? Et si c’était dans l’instinct de survie que naissait la créativité ? Je sais que ces nouveaux talents existent déjà. C’est maintenant qu’il faut les encourager.

 

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Tradition… Modernité…

Raviver le rêve français, c’est enfin ranimer notre modèle républicain.

La République est « une » et rassemble toutes les différences, les origines et les couleurs de notre pays. Elle est « indivisible » et permet à toutes les convictions religieuses de coexister grâce à notre laïcité. Elle est une promesse : celle de l’accès de tous à la souveraineté et à la Liberté. Elle est une conscience : celle des inégalités de naissance et de chance à corriger grâce à l’égalité des droits. Elle est un bouclier : celui qui protège l’intérêt général en séparant les pouvoirs, en assurant l’indépendance de la justice, en chérissant la liberté de la presse. Elle est un glaive : soyons fiers que la France dispose d’un outil diplomatique et militaire qui lui permette de répondre à l’appel au secours d’un pays ami.

Et je veux saluer ici devant vous le courage de nos soldats engagés dans une guerre difficile au Mali. J’ai eu l’occasion d’aller à leur rencontre il y a quelques jours, et de leur dire la gratitude de la représentation nationale.

Dans ce monde nouveau, notre modèle républicain se heurte à de dures réalités. Face aux crises, la République semble parfois impuissante pour des citoyens désespérés. Ils s’en méfient. Ils la défient même. Singulièrement ces dernières semaines, disons-le franchement. C’est pour cela qu’elle doit aller de l’avant. Par gros temps, la panique n’est jamais de bonne politique.

La République doit être solide. Dans la tourmente, elle ne doit pas vaciller. Elle doit résister. Solide et solidaire. Et pour réussir notre intégration dans le nouveau monde, elle est notre véhicule.

La République doit être protectrice. L’ordre républicain, c’est la liberté des humbles. Et tout doit être fait pour que la France la garantisse à tous et partout.

La République doit être audacieuse. Elle doit ouvrir de nouveaux droits. Et je suis particulièrement attaché au projet du mariage pour tous, qui pourra, je l’espère, s’appliquer au plus vite.

La République doit être exemplaire. Je pense au non-cumul des mandats qui est inéluctable et qui constitue un élément essentiel de la modernisation de nos pratiques politiques et du retour de la confiance. Je pense aussi à toutes les réformes en cours pour prévenir les conflits d’intérêt, renforcer encore l’indépendance de la justice, être plus impitoyable que jamais avec les brebis galeuses. Je pense enfin à toutes ces décisions prises à l’Assemblée nationale, et adoptées à l’unanimité, pour plus de transparence : réserve parlementaire, Cour des comptes, efforts budgétaires.

 

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Mesdames et Messieurs, le rêve français c’est tout cela à la fois. C’est une société qui protège et qui projette son modèle social, son modèle économique et son modèle républicain. Une société pacifiée mais conquérante, sûre d’elle-même mais à l’écoute, solide mais agile. Une société attachée à son passé, mais résolument tournée vers l’avenir. Une société de Tradition et de Modernité…

Alors j’espère que cette Journée du Livre politique saura nous inspirer. J’espère que ce lieu nous aidera à nous imprégner des symboles de la République pour mieux redessiner le rêve français. J’en suis sûr, c’est le lieu idéal et le moment opportun, pour s’atteler à cette tâche, immense mais possible.

Je vous remercie.