Cérémonie de remise du Prix Grand Témoin de La France Mutualiste

Prix Grand Témoin - France Mutualiste
20 novembre 2014

Monsieur le Président,
Monsieur le Grand Chancelier,
Monsieur le Président de la Fondation Charles de Gaulle, Cher Jacques
Général,
Cher Daniel Cordier,
Mesdames et Messieurs,

Pour la troisième fois, j’ai le plaisir d’accueillir ici, France Mutualiste et de saluer le remarquable travail mémoriel qui est le vôtre. Pour la 12e édition de son prix littéraire, vous avez choisi « La Résistance et la libération de la France ». Le 70e anniversaire de 1944 imposait ce choix.

Je tiens tout d’abord à saluer les membres du jury que vous avez constitué. Autant de hautes personnalités ainsi rassemblées confèrent à vos travaux une évidente légitimité.

De Gaulle, la République, la France libre, les histoires extraordinaires de la Résistance, Jean Moulin, l’Empire et la France libre, le débarquement, la libération de Paris, comment choisir, tant ces thèmes ne font qu’une et si belle histoire, celle de la Résistance et de la libération de la France.

Je tiens aussi à saluer le jury junior des élèves du Lycée franco-allemand de Buc et dire à chacun d’entre eux que nous les félicitons pour leur travail et leur engagement.

Je salue également la chorale des demoiselles de la Légion d’honneur qui exécutera tout à l’heure le chant des partisans que nous devons à Anna Marty et Maurice Druon. Comment ne pas avoir le cœur étreint chaque fois que l’on écoute « ce chant du malheur » qui fut il y a 50 ans presque jour pour jour la marche funèbre qui accompagna les cendres de Jean Moulin au Panthéon.

Il est de bon ton dans certains milieux de reprocher à de Gaulle d’avoir magnifié la Résistance. Je ne m’engage pas sur cette voie. La Résistance était aussi une véritable épopée et fait partie intégrante de l’identité française.

Les magnifiques discours de Malraux devant les portes du Panthéon ou sur le plateau des Glières sont parmi les plus beaux textes de notre Histoire et sont autant d’hymnes à la France qu’à l’humanité.

Réfléchir sur la Résistance et la libération nous impose aussi de réfléchir sur juin et juillet 1940. Certes, il y a eu le magnifique refus exprimé par de Gaulle le 18 juin, certes il y a eu le courage des 80 qui ont refusé de voter les pleins pouvoirs à Pétain, mais il y a eu aussi le reste, c’est-à-dire les ingrédients de cette « étrange défaite ».

Je tiens à vous dire que je considère la fulgurante analyse de Marc Bloch comme toujours d’actualité. La France est capable d’épisodes ô combien glorieux, mais souvent précédés par des phases de dépressions collectives.

Les divisions artificielles, les utopies dangereuses ou naïves, les enkystements bureaucratiques, l’autodérision ne sont pas des thèmes qui appartiennent nécessairement au passé.

Je ne dis pas que l’Histoire balbutie et comparaison n’est pas raison. Mais nous ne devons pas nous exonérer d’une profonde réflexion sur ce qui fait les faiblesses et les forces de la société française. D’ailleurs, comment ne pas s’attacher à ce pays, à ce peuple dont l’histoire est si riche de redressements spectaculaires.

C’est à ce moment qu’il faut rappeler Raymond Aubrac : « la Résistance, c’est l’optimisme », c’est-à-dire que nos actions sont utiles et l’action porte en elle la magie, la grâce et le pouvoir.

Oui, la France est capable de relever tous les défis quand elle est capable d’unir ses contraires. C’est justement la caractéristique principale de la Résistance : communistes et cagoulards, laïcards et chrétiens, prolétaires et aristocrates, ils menèrent le même combat et finirent même par le mener ensemble.

En cet instant, des noms glorieux nous viennent à l’esprit, en particulier le fédérateur que fut Jean Moulin. Leurs histoires, leurs parcours, leurs destins furent différents.

Tous honorent la France. Ils avaient choisi selon le beau mot de Berty Albrecht de « vivre au lieu d’exister » sans envie d’avoir, ou besoin d’être mais simplement par désir de faire.

C’est tout naturellement que le Président de la République décida de faire entrer quatre d’entre eux au Panthéon : Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Pierre Brossolette, Jean Zay.

Vous comprendrez que j’ai une pensée particulière pour les nombreux compagnons de la libération qui furent députés et bien évidemment pour mon prédécesseur, Jacques Chaban-Delmas dont le rôle dans la préparation de la libération de Paris est connu de tous.

Si l’on doit citer deux apports majeurs de la Résistance à l’histoire de notre pays, c’est d’abord d’avoir permis au Général de Gaulle de placer la France dans le camp des vainqueurs, c’est-à-dire d’avoir rendu l’honneur à notre pays.

Dans la libération de la France, le caractère spectaculaire de l’opération navale du 6 juin 1944 ne doit masquer ni le rôle du débarquement des forces françaises en Provence, ni celui de la Résistance intérieure qui mobilise beaucoup de forces allemandes qui ne peuvent se déployer ailleurs. Le reproche stratégique que l’on doit faire à Pétain, sans parler des autres, est d’avoir, en gérant la zone sud, fait économiser des forces à l’occupant.

La Résistance ne pouvait libérer la France sans les alliés, mais les alliés ne pouvaient réussir aussi efficacement sans que soit grandement affaiblie la mobilité de l’armée allemande et notamment ses capacités de projection au moment du débarquement. Ce sont ces hommes-là et les volontaires de Bir-Hakeim dans leur combat héroïque, qui permirent à de Gaulle de faire figurer la France dans le camp des vainqueurs. Rappelons-nous la parole du général allemand Jodl le 8 mai 1945, entrant dans la salle de la signature de la reddition nazie « Ah, même les Français sont là ».

Oui, la Résistance française, permit à de Gaulle de rétablir l’Etat comme le symbolisa l’installation des commissaires de la République qu’il nomma et en fait imposa à Roosevelt, qui avec l’AMGOT, entendait installer en France une administration américaine.

Le second apport de la Résistance française fut la rédaction le 15 mars 1944 du programme du Conseil national de la Résistance. Non seulement celui-ci confirmait le caractère républicain du régime, mais il lui indiquait la voie laïque et sociale. Certains discours, peu connus, du Général de Gaulle à la libération mériteraient d’être écoutés et en surprendraient quelques-uns. C’était des hymnes à la République sociale. En habile tacticien, le Général de Gaulle adoubait le programme, bien que chacun connaisse son rapport complexe avec le Conseil National de la Résistance.

Le programme du Conseil National de la Résistance nous fait dire qu’une société meilleure n’est pas une utopie. « Les jours heureux » ne sont pas une utopie dès lors que la volonté brise la tentation de la résignation et du pessimisme. N’y a-t-il pas sujet de réflexion plus d’actualité ?

Je disais tout à l’heure que les discours de Malraux étaient tout autant des hymnes à la France qu’à l’Humanité. Confiance en l’humanité, c’est-à-dire confiance en la jeunesse. Quelquefois, les acteurs du travail mémoriel, dont je tiens ici à saluer le rôle me disent leurs difficultés à toucher les jeunes.

Il nous est tous arrivé ici lors de commémoration, de voir passer à quelques mètres des hommes et des femmes qui se recueillent un groupe de jeunes apparemment indifférent à la symbolique de l’instant. Cela ne doit pas nous inquiéter outre mesure, il y a évidemment parmi ces jeunes qui passent des hommes et des femmes courageux qui demain relèveront les défis de leur époque. Il y a parmi ces jeunes qui passent, j’en suis convaincu, les Fresnay, d’Astier, Lévy, Delestraint, Passy, Morel, Guingouin, Dechartre, Ravanel, Aubrac, et bien d’autres. Ils ne le savent pas, car ils n’ont pas encore rencontré l’Histoire. Cela tient à la nature même des hommes.

Ce combat des résistants ne connaît ni le temps, ni les frontières. Je voudrais que nous apportions ici notre salut à tous ceux qui luttent contre les forces de l’oppression financière, militaire et religieuse.

Salut aux Résistants qui ont fait tomber les dictatures en Espagne, en Grèce, au Chili, en Argentine, en Pologne, en RDA et en Roumanie.

Aujourd’hui, on sait où se situe la barbarie et le fascisme. Salut aux peuples syrien, irakien, afghan en lutte armée, salut aux peuples égyptien et surtout tunisien qui, par la voie politique, ont repoussé l’obscurantisme, donnant un démenti à ceux qui prévoyaient l’hiver arabe. Oui, le printemps des peuples continue !

Confiance en l’humanité, confiance en la jeunesse, voilà le grand message de la Résistance.

Je vous remercie.