Colloque en l’honneur de Pierre Brossolette

Monsieur le premier ministre, cher Lionel Jospin,

Monsieur le Ministre, cher François Baroin,

Monsieur le Président de la Fondation de la Résistance, cher Jacques Vistel,

Cher Roger Lebon,

Chers Anne et Claude Pierre-Brossolette,

Chère Sylvie Pierre-Brossolette,

Chère Mona Ozouf,

Mesdames, Messieurs,   

Chers amis,

Pierre Brossolette n’était pas seulement un grand Résistant. C’était un héros de la Résistance.

Pierre Brossolette n’était pas seulement un intellectuel, un journaliste brillant et engagé. C’était le porte-voix à Londres des combattants de l’ombre et LE « philosophe du Gaullisme de guerre ».

Pierre Brossolette n’était pas seulement un nom sur la liste des 1 038 compagnons de la Libération. C’était l’homme des missions périlleuses qui portait en lui tous les secrets de la Résistance et la figure héroïque d’une Résistance acharnée au nom d’un idéal humaniste.

« Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante » : la devise qui figure au frontispice du Panthéon, ce grand temple républicain de notre pays, s’applique sans nul doute à Pierre Brossolette.

Pour nous tous ici , Pierre Brossolette aurait toute sa place aux côtés de Carnot, de Jaurès, de Jean Moulin. De tous ces hommes qui ont fait de leur vie un combat et de leur mort un sacrifice.

En 2014 nous célébrerons le 70e anniversaire du débarquement et de la Libération de Paris. A cette occasion, la République s’honorerait de rendre hommage à la Résistance.

La Résistance n’est pas une période de l’Histoire comme les autres.

J’ai la conviction qu’il faut sacraliser ces années où Hommes et Femmes venus d’horizons différents ont, au péril de leur vie, combattu pour un idéal commun. Celui de la lutte contre le nazisme, celui de la libération de la France, celui du retour de la République et de ses institutions démocratiques, celui d’une Nation dont les représentants ont eu l’ambition d’écrire une Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen un beau jour d’août 1789.

La Résistance c’est notre histoire commune. Notre héritage et notre legs le plus précieux. Derrière l’ombre gigantesque du Général de Gaulle, des centaines d’Hommes et de Femmes, parfois sans visage, parfois illustres, ont pris tous les risques pour un jour voir à nouveau flotter le drapeau tricolore sous l’Arc de Triomphe et restaurer tout simplement la devise de la République : liberté, égalité, fraternité.

Alors que notre société est en mal de repères. Alors que nos jeunes doutent de leur avenir.

Alors que les citoyens se réfugient dans l’abstention ou dans les extrémismes, il est indispensable de remettre au premier plan ce que fut la Résistance.

La Résistance est indissociable des valeurs de la République. Nous l’avons un peu trop oublié. Le programme du Conseil Nationale de la Résistance adopté à l’unanimité en mars 1944 s’inspire clairement de certains écrits de Pierre Brossolette. Ce texte est le fondement de notre République laïque et sociale. Il rappelle l’attachement profond des forces issues de la Résistance à la liberté de pensée, de conscience et d’expression, au respect de la personne humaine, à l’égalité absolue des citoyens devant la Loi. En un mot, au refus de la xénophobie ! Au refus du repli sur soi et de la peur de l’autre !

Mesdames et Messieurs, quelles que soient les circonstances, il y a des valeurs avec lesquelles on ne saurait transiger. Il y a des digues qu’on ne saurait rompre. Sauf à rompre avec ce que nous sommes. Sauf à perdre notre âme.

L’Humanisme est un héritage français. Il est une part de notre identité nationale.

Le programme du Conseil National de la Résistance fait également partie de notre identité et de notre patrimoine national, c’est un véritable projet de société sur lequel nous pouvons aujourd’hui encore bâtir un projet collectif : droit au travail et au repos, pouvoir d’achat garanti aux plus modestes, accès de tous à la culture et à l’éducation, participation des travailleurs aux décisions des entreprises et des citoyens aux institutions démocratiques…

Ces Hommes et ces Femmes alors en lutte, qui se sont réunis au péril de leur vie dans une France occupée, étaient des visionnaires. Leurs écrits nous engagent.

Il nous faut retrouver la confiance qui les animait et la grande ambition qui était la leur. Celle de construire une République nouvelle, une France ouverte et généreuse, une Europe de la Paix.

Les évènements politiques de ces derniers jours me confortent dans l’idée que nous devons reconstruire une « République du quotidien » et une « République des valeurs ». Ne pas opposer les Français entre eux, en fonction de leurs origines, de leurs métiers ou de leurs convictions, mais leur redonner le goût du vivre ensemble.

Cette République des valeurs passe aussi par l’Europe. Notre Europe n’est pas seulement un mécano technocratique, c’est une ambition au service des citoyens. Pour ne pas décevoir les amoureux de l’Europe, il y a une urgence européenne à modifier nos pratiques et à offrir des réponses concrètes. Nous devons prolonger l’esprit du programme du Conseil National de la Résistance à l’échelle européenne.

*

Pour transmettre cette mémoire de la Résistance, j’ai souhaité que l’Assemblée nationale lance un concours pour la réalisation d’une sculpture en hommage aux compagnons de la Libération.  Cette œuvre trouvera toute sa place dans le hall de l’immeuble Chaban-Delmas, un autre compagnon de la Libération dont je tiens ici à saluer la mémoire. 

Alors, bien sûr, le Président de la République aura à faire un choix difficile et je ne veux en rien lui compliquer la tâche. Donc je me contenterais de formuler une idée.

Nous appliquons désormais dans les élections politiques et dans les nominations aux plus hautes fonctions, un principe pour lequel la Société s’est battue pendant des années : le principe de Parité.

Ce principe doit désormais s’appliquer aux hommages républicains.

Dans mon esprit, le Panthéon peut tout à fait accueillir dans un même mouvement plusieurs personnalités qui ont incarné l’esprit de la Résistance.

C’est tout le sens du message que j’ai adressé à Philippe Bélaval, Président des musées nationaux, lorsqu’il a bien voulu me consulter sur le sujet il y a une quinzaine de jours.

Il a depuis, comme vous le savez, rendu son rapport au Président de la République qui fera connaître sa décision avant la fin de l’année.

*

Mesdames et messieurs,

Le 17 octobre 1942 le général De Gaulle fit Pierre Brossolette compagnon de la Libération avec ces mots «Modèle d’esprit de devoir et de sacrifice. Organisateur d’un rare mérite, a fait preuve au cours de très importantes et périlleuses missions qui lui furent confiées d’un dévouement exemplaire au service de la France ».  

C’est un grand honneur d’accueillir, en ce jour anniversaire, 71 années plus tard, votre colloque.

Les tables rondes, les témoignages, les diffusions d’archives, les lectures de textes permettront, je n’en doute pas un seul instant, de rappeler tous les mérites et toutes les facettes du parcours de Pierre Brossolette.

Les hommages qui seront rendus tout au long de cette journée par les éminentes personnalités pourtant issues de familles politiques différentes attestent d’ailleurs du caractère transpartisan de votre démarche, et je m’en félicite. Tout comme la Résistance, Pierre Brossolette n’appartient pas à un camp ou à un autre. Il appartient à l’Histoire de notre République, à l’Histoire de ses grands Hommes.

* * *

Mesdames et Messieurs,

Mes chers amis,

 « Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé; ce jour-là, elle était le visage de la France. »

Ainsi parlait André Malraux de Jean Moulin lors de son grand discours de 1964.

Je ne retire pas un seul mot de cette phrase quand je pense avec émotion au sacrifice de Pierre Brossolette.