Déjeuner à l’occasion du 40ème anniversaire de la loi Veil autour de grands témoins de ce combat

40ème anniversaire de la loi Veil

Mercredi 26 novembre 2014

Mesdames les Ministres,
Mesdames les Vice-présidentes de l’Assemblée nationale,
Madame la Maire de Paris,
Mesdames les Présidentes,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs, Cher Jean Veil,

Il y a 40 ans exactement, Simone Veil montait à la tribune de l’Assemblée nationale pour présenter son projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse. Il allait s’ensuivre 3 jours de débats difficiles, au terme desquels la loi était adoptée.

Si j’ai souhaité vous réunir aujourd’hui, c’est pour rendre hommage au courage d’une jeune Ministre, Simone Veil, et à la volonté d’un Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, qui mirent un terme à de terribles souffrances pour des dizaines de milliers de femmes contraintes à avorter clandestinement, chaque année.

Je remercie Maitre Jean Veil d’avoir bien voulu s’associer à notre manifestation de reconnaissance et je vous prie d’excuser le Président Giscard d’Estaing qui ne pouvait se libérer.

*

Ce jour du 26 novembre 1974, où Madame Veil prononce son célèbre discours, marque le moment où la France décide d’en finir avec une barbarie. Il n’y a effectivement pas d’autre terme pour qualifier ces opérations pratiquées par des faiseuses d’anges, dans des conditions d’hygiène et de sécurité telles qu’elles laissaient souvent les malheureuses mutilées ou mortes pour « avoir voulu le faire passer » comme on disait alors.

Ce jour du 26 novembre 1974 est aussi l’apogée d’un long combat, d’une longue période de mobilisation, le résultat d’un militantisme opiniâtre et communicatif auquel vous avez largement contribué, vous Catherine Arditi, vous Yvette Roudy, vous Agnès Varda et vous Claudine Serre.

Dans la France d’alors, qui vient à peine d’autoriser la contraception, près de 250 000 femmes ont recours chaque année à l’avortement clandestin. En plus de la douleur, de la peur, de la fatigue et des soucis matériels, elles risquent, comme les personnes qui les aident, de sévères peines de prison.

Le printemps de mai 1968 a ouvert la voie à de nouvelles aspirations, à une plus grande prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes, dans laquelle vous vous engouffrez avec Simone de Beauvoir.

Après la création du Mouvement pour la Libération de la Femme et du Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception ; vous signez, Mesdames, avec Marguerite Duras, Françoise Sagan et bien d’autres intrépides, un texte rédigé par Simone de Beauvoir qu’on appellera le « manifeste des 343 ». Intrépides, il faut l’être pour affirmer à l’époque s’être fait avorter et donc avoir enfreint l’article 317 du code pénal. Mesdames, je vous remercie chaleureusement d’être avec nous aujourd’hui.

L’impact du « Manifeste des 343 » est considérable. Les femmes manifestent dans les rues de Paris pour l’avortement.

Maître Gisèle Halimi crée l’association « choisir » et organise la défense de Marie-Claire et de sa mère au procès de Bobigny en 1972. La jeune fille de 17 ans, victime de viol, est relaxée et les débats permettent de dénoncer publiquement l’injustice des lois, et les inégalités qui envoient les femmes aisées vers les cliniques anglaises et les pauvres vers la mort, la mutilation, la stérilité ou la prison.

L’année suivante, 331 médecins publient à leur tour une tribune par laquelle ils s’accusent d’avoir pratiqué des avortements.

Sitôt élu, le Président Giscard d’Estaing demande à Simone Veil, de défendre un texte de loi légalisant l’IVG. La société française est partagée. Madame Veil devra faire face aux menaces, à l’agressivité et aux propos teintés d’antisémitisme. Sa dignité et sa fermeté forcent l’admiration et le respect de toute la Nation.

*

40 ans après,  75 %  des Français soutiennent le droit à l’avortement.

Pourtant, certains mouvements, certaines publications à succès montrent qu’il subsiste des nostalgiques d’une France où le mari commande à sa femme, où le divorce ne se pratique pas, où l’avortement est clandestin, où les petits garçons jouent au cowboy et les petites filles à faire la cuisine ou le ménage ;  d’une France qui refuse aux femmes le droit de disposer de leur corps et les maintient sous la tutelle d’un représentant masculin ou d’une famille.

En Europe, certain pays sont tentés par un retour en arrière et une restriction des droits des femmes. Dans le monde, il est des territoires où la situation est bien plus cruelle encore pour les femmes.

Il n’est donc pas inutile de rappeler ces moments de notre histoire commune dont nous sommes fiers.

*

Simone Veil, comme vous Mesdames, comme vous Chère Yvette Roudy, qui en 1982, avez défendu le remboursement de l’IVG ;  vous avez tracé une voie, celle de l’égalité et du respect mutuel entre les femmes et les hommes.

Cette voie, Najat Vallaud Belkacem l’a poursuivie avec conviction et efficacité. Marisol Touraine l’enrichira avec le soutien Pascale Boistard.

Cet après-midi, la représentation nationale débattra d’une résolution proposée par Catherine Coutelle, Présidente de la délégation aux droits des femmes, par laquelle la France réaffirme son engagement à défendre l’accès sûr et légal à l’avortement en Europe et dans le monde.

Cette voie de l’égalité, nous en sommes les héritiers. Nous devons la poursuivre, hommes et femmes réunis, car c’est la seule qui vaille pour construire une nation plus grande, plus généreuse, plus tolérante ; une France porteuse d’une culture humaniste qui continue de rayonner dans le monde et d’y défendre les droits universels.

En un mot,  la République.

Je vous remercie.