Déplacement à Tunis - Séminaire de lancement du jumelage

Séminaire de lancement du jumelage
Assemblée des représentants du peuple
Palais du Bardo, Tunis, vendredi 29 avril 2016

Monsieur le Président, cher Mohamed Ennaceur,

Mesdames et Messieurs les élus, chers collègues,

Chers amis,

Je n’ai pas de mots assez chaleureux pour exprimer tout l’honneur que je ressens de me retrouver devant vous aujourd’hui. Le jumelage entre nos deux Assemblées n’est pas un simple événement de la vie de nos institutions, c’est un pas décisif sur le chemin de la coopération démocratique entre deux peuples frères.

Je tiens à vous remercier encore personnellement et sincèrement, M. le président Ennaceur, de cette invitation.

Cela fait cinq ans déjà que le peuple a repris ses droits dans la vie démocratique tunisienne. Il l’a fait avec courage, avec dignité, avec panache. Il l’a fait car il ne pouvait plus tolérer les inégalités qui le divisaient. Il l’a fait car il ne pouvait plus tolérer un régime qui bafouait ses espoirs et opprimait ses libertés. Oui, cela fait cinq ans déjà, cinq ans déjà qu’un beau jour d’hiver, le monde entier regardait la Tunisie, le monde entier espérait, encourageait la Tunisie.

Et cela fait deux ans déjà que le peuple tunisien s’est doté d’une nouvelle Constitution, une constitution ambitieuse qui place désormais la Tunisie dans le rang des grandes démocraties modernes du monde. Et de Carthage à Douz, de Gabès à Tunis, des millions de tunisiens ont porté un immense espoir en vous, leurs représentants, les représentants de la Nation. Tous les démocrates du monde se sont identifiés au processus de démocratisation que vous avez accompagné. Pour tous ces démocrates, dont je fais partie, le nouveau régime tunisien n’est pas seulement un symbole, mais le laboratoire des libertés du monde, là où la modernité toujours pressée doit écrire sur le marbre les lois fondamentales des peuples libres.

Nous avons, nous Français, un rapport particulier aux Constitutions. Nous en avons écrit quelques-unes, puisque la Constitution de 1958, de notre Vème République, est le 17ème texte constitutionnel en France. 17 lois de marbre ont défilé alors que nous fûmes les premiers, le 20 juin 1789, portés par les voix de Mirabeau, de Bailly, de Barnave, de Robespierre, à proclamer l’identification de la liberté populaire à son incarnation constitutionnelle. Nous avons tâtonné, mais enfin nous avons progressé. Je suis sûr que la troisième Constitution tunisienne, celle de 2014, a le marbre solide !

En effet, vous donnez des leçons de démocratie au monde. La transition démocratique tunisienne a été d’une telle exemplarité qu’il nous est à présent impossible de douter de sa valeur universelle. Elle est devenue un étendard face aux retours de l’autoritarisme et de l’obscurantisme dont sont aujourd’hui victimes tant de peuples. Elle est devenue, également, un processus que l’on cite. La démocratie tunisienne est parvenue par exemple à réussir la féminisation des fonctions politiques ; notamment au sein de l’Assemblée des représentants du peuple. Avec plus de 31% de femmes à l’Assemblée, la Tunisie peut donner des leçons à des pays qui disposent de ces institutions depuis bien plus longtemps.  

Plein d’ardeur démocratique, votre peuple vous demande des institutions prêtes, tout de suite, à leur fonctionnement, à l’aube de leur jeunesse.
Vous avez donc sollicité l’Union européenne et vos peuples frères, dont le peuple français, pour acquérir des instruments solides et stables pour le fonctionnement de ces institutions.

D’une part, il faut stabiliser globalement la norme fondamentale afin de consolider le régime de la liberté. Mais, d’autre part, il convient aussi de mettre en place des réformes essentielles afin de renforcer la capacité des institutions du régime tunisien et notamment de la première d’entre elles : l’Assemblée des représentants du peuple.

C’est d’ailleurs l’objectif assumé par le Jumelage institutionnel sur le renforcement des capacités de l’Assemblée des représentants du peuple, auquel participent les parlements italien, allemand, hongrois, tchèque, grec et français, grâce à l’appui de la Commission européenne.

En tant que plus vieux partenaires méditerranéens de l’Union européenne et compte tenu de la fraternité qui inspire la relation de nos peuples, il est évident que la Tunisie trouve en la France son partenaire naturel. Élus de Tunisie, vous trouverez toujours dans la France et dans l’Union européenne des amis prêts à vous assister quand vous en aurez besoin. Nous serons toujours là.  

Dans le cadre de ce jumelage, nous mettrons au service du régime tunisien notre expertise afin de faire prospérer et dépasser les acquis de l’Assemblée des représentants du peuple. Il s’agit là d’une expertise d’accompagnement, les parties prenantes du jumelage étant force de proposition. Il appartiendra, ensuite, à l’Assemblée des représentants du peuple de mettre en œuvre les conseils et orientations développés au cours des rencontres à venir.

Rien de politique, ni la France ni l’Union européenne n’ayant aucune légitimité à donner des directives au peuple tunisien souverain. Il ne s’agit que d’un partenariat technique, à votre demande. Le peuple tunisien, il l’a assez montré, n’a de leçon à recevoir de personne.

En six volets, le projet de jumelage parcourt l’ensemble des domaines inhérents au pouvoir législatif.

Le premier volet, concernant l’autonomie administrative et financière, veut consacrer la séparation des pouvoirs. Disposer de ses propres corps de fonctionnaires et des moyens humains nécessaires au bon fonctionnement de l’institution, bénéficier d’une pleine autonomie de gestion, c’est renforcer l’indépendance de l’Assemblée des représentants du peuple.

Le deuxième volet visera à renforcer les moyens de l’Assemblée des représentants du peuple en matière de procédure législative et de contrôle du gouvernement. Jusqu’où doivent s’étendre les prérogatives de la Chambre du Parlement tunisien tout en préservant l’équilibre des pouvoirs entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ? Telle peut être la problématique qui bornera les discussions concernant ce deuxième volet.

Les troisième et quatrième volets s’attacheront à développer les services généraux, fonctions peu visibles mais décisives.

Le cinquième volet, lui aussi d’une importance considérable, participera à l’amélioration de la communication, dans son sens le plus large. De la communication interne entre les services aux relations avec les médias, en passant par la présence sur les réseaux sociaux, la maîtrise des outils de communication parait aujourd’hui primordiale pour une telle institution.

Vous établirez vite une relation familière et confiante entre les citoyens et leurs représentants, ce qui permettra aux travaux du Parlement d’être relayés dans les médias nationaux et internationaux.

Quant au sixième et dernier volet, l’accent sera mis sur la valorisation de l’activité internationale de l’Assemblée, à l’image de ce jumelage entre nos différents pays qui portera ses fruits, j’en suis certain.

Chers collègues, chers amis, nous sommes engagés dans une belle aventure. Si notre engagement au profit des principes démocratiques est louable, notre honneur de participer à la transition démocratique de la Tunisie est immense.

Je voudrais rendre hommage à ceux qui se sont sacrifiés pour ce combat démocratique et qui n’ont malheureusement pas pu voir de leurs yeux cette belle réussite qu’est le nouveau régime tunisien. Vous leur étiez redevables. Là où ils sont, ils sont fiers de vous.

Pour moi qui suis né et qui ai grandi à Tunis, pour qui les odeurs, les couleurs et les saveurs de votre pays sont auréolés du caractère sacré de l’enfance et de l’innocence, je ne peux cacher mon émotion de pouvoir, par ce jumelage, rendre un humble témoignage d’amour à votre peuple.

Vive l’Assemblée des représentants du peuple !

Vive le peuple tunisien !

Vive la Tunisie ! Et vive la France !