Introduction du colloque « Les Gauches au Parlement, de 1870 à nos jours »

Introduction du colloque « Les Gauches au Parlement, de 1870 à nos jours »

Jeudi 10 octobre 2013, Assemblée nationale,

Salle Victor Hugo, 9h30

 

Monsieur le président du Comité d’histoire politique et parlementaire, cher Jean Garrigues,
Mesdames, Messieurs les universitaires,
Mesdames, Messieurs,   

Je voudrais tout d’abord remercier le comité d’histoire politique et parlementaire, et en particulier son président, le professeur Jean Garrigues d’avoir pris l’initiative de cette réunion.

Votre colloque vient combler un manque. Dans les ouvrages savants consacrés à la Gauche, on trouve des articles sur la Gauche et la Guerre, la Gauche et la République, la Gauche et la Culture… mais rien sur la Gauche, ou les Gauches, et le Parlement !

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Et pourtant le parlementarisme est consubstantiel à l’histoire de la Gauche dans notre pays. Oui, la culture parlementaire fait partie du code génétique de la gauche, et ce serait une faute de notre part de l’oublier. Les gauches, dans toute leur diversité, se sont toujours trouvées du côté du parlement contre les césarismes.

Parce que le parlement, c’est le lieu du débat politique. Le parlement, c’est le refus de la personnification du pouvoir au bénéfice des idées.

*

Les institutions de la Ve République ont un peu bouleversé nos repères traditionnels, il faut bien l’admettre.

Élus de gauche, nous sommes tous un peu les fils et filles, les neveux et les nièces duCoup d’Etat permanent, où François Mitterrand dénonçait les risques de dérives autoritaires contenus dans les institutions de la 5e, et singulièrement le peu de cas qu’elles font du parlement.

L’emprise de l’exécutif s’est encore renforcée avec le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral. L’enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on parfois.

En voilà une illustration grandeur nature. Naïvement, par volonté de « moderniser » la vie politique, nous avons subordonné la majorité parlementaire au sacre du président de la République.

La gauche ne peut pas se satisfaire de la relégation du Parlement. Je ne peux pas m’y résigner.

Mais en attendant le grand soir constitutionnel, qui me semble inéluctable, essayons d’engranger les petits matins.

Une autre voie possible : notre pratique des institutions.

Dans une démocratie parlementaire, le parlement doit peser. Peser dans le débat politique, peser dans le vote de la loi, peser dans le contrôle du gouvernement, peser dans l’évaluation des politiques publiques. Pratiquons la 5e République autrement et ancrons la République parlementaire dans les faits. Le Président de la République n’a pas dit autre chose la semaine dernière devant le Conseil constitutionnel.

Ensuite, dans une République parlementaire, le parlement doit être respecté.

L’antiparlementarisme est aussi vieux que le parlement. Ce n’est pas à une assemblée d’historiens que je vais apprendre que le 6 février 1934, il s’en fallu de peu pour que le Palais Bourbon soit pris d’assaut par les ligues !

Mais le meilleur rempart contre l’antiparlementarisme, ce n’est pas les cars de CRS de la Préfecture de Police, c’est la réforme tranquille. Depuis un an, l’Assemblée nationale s’est réformée comme jamais auparavant : transparence de la réserve parlementaire, certification des comptes, réduction de l’IRFM, gel sur 5 ans de la dotation. Ce travail se poursuivra.

J’en reviens au titre de votre colloque : « Les Gauches au Parlement ». J’ai bien noté le pluriel utilisé dans votre formulation, et je m’en réjouis.

La Gauche n’est pas un bloc monolithique façonné par une pensée unique. Bien sûr qu’il existe plusieurs gauches dans notre démocratie française, chacune ayant son histoire propre, ses idées, ses conceptions du pouvoir et ses héros !

Il ne faut pas attendre des parlementaires socialistes, des radicaux, des écologistes ou des communistes qu’ils deviennent des députés godillots. C’est contre leur philosophie la plus profonde et contre leur histoire. D’ailleurs, Jean Jaurès lui-même écrivait dans laDépêche du Midique « pour se comprendre, il faut d’abord se cogner un peu » !

Il ne faut pas avoir peur de la confrontation démocratique. Nos débats font progresser notre société. Les Lois de la République sont plus fortes lorsqu’elles sont amplement débattues. Je rappelle que la loi de 1905 a par exemple été débattue pendant près d’un an, donnant lieu à 48 séances à l’Assemblée nationale et 21 au Sénat pour un total de 1500 pages de compte rendu au Journal officiel.

Les débats enflammés entre Léon Gambetta et Adolphe Thiers, entre Jean Jaurès et Georges Clémenceau, entre Léon Blum et Edouard Herriot, entre Maurice Thorez et François Mitterrand font partie de notre patrimoine historique. Aujourd’hui encore, les débats que j’ai l’honneur de présider font ressortir des divergences de vues au sein des différentes familles de la gauche.

Et c’est tant mieux.

Le président du groupe communiste, n’est pas le plus tendre avec le Gouvernement. Nos amis radicaux et écologistes font régulièrement entendre leur voix. Et plusieurs sensibilités existent au sein même du groupe socialiste. J’observe d’ailleurs sur ce point, que ce n’est pas particulièrement nouveau. 

Mais ces différences ne doivent pas masquer l’essentiel. Les gauches doivent se rassembler lorsqu’il s’agit de transformer l’économie de notre pays, de faire progresser la justice sociale ou de faire avancer les libertés fondamentales.

Les gauches doivent répondre présent quand il s’agit rien de moins que de défendre et de mettre en pratique les idéaux de la devise de la République : liberté,  égalité, fraternité.

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Mesdames et Messieurs les historiens.

Vous faites un très beau métier.

La recherche historique est une activité passionnante et exigeante.

Le foisonnement des recherches et des publications en témoigne. La liste des interventions qui vont suivre en est également l’illustration.

De la guerre de 1870 à la constitution de groupes parlementaires écologistes en 2012, de la culture des parlementaires de la SFIO aux gaullistes de gauche, de l’Union de la gauche aux réformes giscardiennes,  je ne doute pas que les travaux de votre colloque permettront de faire progresser notre connaissance de la vie parlementaire et de perpétuer cette exception bien française de la passion pour l’Histoire.

Sachez que vous pouvez compter sur mon plein soutien.

J’ai d’ailleurs décidé de relancer l’excellente collection des Tribuns de la République fruit d’une collaboration entre l’Assemblée nationale et La documentation française.

J’ai le plaisir de vous annoncer que le prochain opus, consacré à Jacques Chaban-Delmas, devrait sortir avant la fin de l’année 2013.

Je vous remercie et vous souhaite d’excellents travaux au cours des deux journées à venir.