Ouverture de la Grande Commission France-Algérie

Deuxième session de la Grande Commission France-Algérie
Mercredi 18 juin 2014
Allocution d’ouverture de M. Claude Bartolone,
Président de l’Assemblée nationale

Monsieur le Président de l’Assemblée Populaire Nationale,
Monsieur le Vice-Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Chers collègues,

Bienvenue à l’Assemblée nationale !

Quel plaisir de vous accueillir aujourd’hui ! Nous gardons un souvenir ému de l’accueil chaleureux que vous nous avez réservé à Alger, le 10 mars 2013, et je souhaite introduire mon propos en vous en remerciant, de nouveau, au nom de la Représentation nationale.

En organisant la deuxième session de la Grande Commission France-Algérie, l’Assemblée nationale française souhaite, elle aussi, vous témoigner le respect et l’amitié qu’elle porte à votre institution, et, par-delà, au peuple algérien tout entier.

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Il s’est passé bien des choses depuis notre dernière rencontre. Notre relation bilatérale a connu, c’est indiscutable, un renouveau spectaculaire.
-    Depuis la visite à Alger du Président de la République, M. François Hollande, en décembre 2012, on a déjà pu compter quatorze visites ministérielles dans votre pays.
-    Un Comité intergouvernemental de Haut niveau s’est mis en place, pour accompagner cette nouvelle dynamique avec la rigueur qu’il se doit.
-    Enfin, pour compléter encore ce dispositif, la récente visite à Alger de M. Laurent Fabius, Ministre des Affaires étrangères et du Développement international, a permis le lancement d’un dialogue stratégique franco-algérien, indispensable pour relever les défis sécuritaires et économiques posés par notre époque.

Nos gouvernements respectifs ont ainsi dressé leurs priorités pour les deux années à venir. Nous avons la même volonté qu’eux, celle d’approfondir, toujours davantage, les liens sans équivalents qui unissent nos deux pays ; des liens exceptionnels, tant par leur densité que par leur diversité.

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C’est pourquoi je souhaite que nos Assemblées continuent d’accompagner ce formidable essor diplomatique.

Mais il ne s’agit pas seulement de suivre l’élan dessiné par les exécutifs : je souhaite que la diplomatie parlementaire le stimule, quand c’est nécessaire.

Nous jouons pleinement notre rôle de représentants des peuples français et algérien, lorsque nous guidons les gouvernements, lorsque nous éclairons leurs décisions à la lumière des réalités du terrain, dans l’intérêt de nos sociétés, et dans le sens de leur rapprochement.

Mettons à profit le cadre de concertation qu’offre la Grande Commission, inauguré chez vous l’année dernière, pour peser de tout notre poids sur les orientations que nos gouvernements donnent à la relation bilatérale franco-algérienne.

Utilisons toute la marge de manœuvre qui est la nôtre : dialoguons dans un esprit de fraternité, avec amitié, c’est-à-dire avec respect et franchise, sans tabous, dans le but de nous connaître sans cesse davantage, et d’avancer.

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Pour cette deuxième Grande Commission, nous avons choisi ensemble, chers collègues, de travailler sur des questions concrètes, tournées vers l’avenir.

J’avais souligné l’an dernier à quel point la connaissance du passé était la condition de notre rapprochement ; à quel point la reconnaissance des souffrances que nous avons endurées et que nous nous sommes infligées, à quel point cette reconnaissance déterminerait notre capacité à construire un avenir commun.

Le fait que la deuxième session de la Grande Commission soit clairement placée sous le signe de la jeunesse, indique que nos deux institutions ont déjà beaucoup avancé sur le chemin du renouveau, et qu’elles ont la ferme volonté de bâtir un partenariat durable, ancré dans le temps long.

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Le premier thème que nous avons choisi d’étudier concerne la coopération en matière de formation et de recherche scientifique.

Permettez-moi d’abord de citer deux chiffres, qui illustrent l’importance de l’enjeu et l’étroitesse de notre coopération dans ce domaine.
-    23 000 : c’est le nombre d’étudiants algériens en France.  la communauté estudiantine algérienne en France est la troisième – la troisième ! – plus importante en nombre.
-    650 : c’est le nombre d’accords qui lient nos établissements d’enseignement supérieur.

L’enveloppe bilatérale consacrée par la France à sa  coopération avec l’Algérie en matière d’enseignement supérieur et de recherche est la plus importante au monde. La formation de la jeunesse algérienne fait en effet partie des priorités identifiées par le Document Cadre de Partenariat franco-algérien, renouvelé lors de la visite d’État du président de la République.

Les Assemblées que nous représentons doivent veiller à ce que ces priorités répondent à la réalité des besoins ; nous devons veiller à ce que les efforts déployés soient à la fois adaptés et suffisants. Nous serons donc, vous pouvez en avoir la certitude, particulièrement attentifs à vos témoignages et à vos recommandations.

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Le second thème est directement lié au premier. Le renforcement de notre coopération technique et scientifique va de pair avec la préoccupation majeure que constitue l’avenir professionnel de notre jeunesse.

C’est une inquiétude que nous avons en commun. Malgré le dynamisme et la créativité dont ils font preuve, nos jeunes concitoyens apparaissent désenchantés, en proie au doute et aux désillusions. Pour bâtir l’Algérie et la France de demain, ils doivent pouvoir se projeter dans l’avenir, innover et fonder sans craintes. Ils en ont le droit, et nous, nous avons le devoir d’en faire l’axe central de nos efforts politiques.

La jeunesse a soif de démocratie, de justice, d’égalité. Elle a soif de dignité. Elle l’a montré au sud de la Méditerranée, dans le formidable mouvement contre l’oppression qui s’est propagé depuis la Tunisie. Elle le montre en Europe, dans ses mobilisations, mais aussi – hélas – dans son immobilisme parfois, dans son rejet du monde politique, ou encore dans son attrait pour les extrêmes et les radicalismes.

Dans les deux cas, qu’elle se révolte ou qu’elle se taise, la jeunesse a besoin d’espoir mais aussi d’encadrement. Négliger ses aspirations, c’est donc non seulement faillir à notre devoir de préparer l’avenir, mais c’est aussi mettre en péril la stabilité de nos pays.

Pour intégrer, associer nos jeunes, et leur redonner confiance, nos pays ont eux-mêmes besoin de se transformer, de réformer leurs systèmes politiques et de moderniser leurs appareils économiques. Nous avons d’autant plus de raisons de réfléchir ensemble à ces défis, qu’outre les liens humains que nos jeunes ont noués, nos économies sont elles-mêmes fortement interdépendantes.

Je le rappelle : l’Algérie est notre premier partenaire commercial en Afrique et la France y est le deuxième investisseur. Il ne s’agit pas là d’attribuer des places sur un podium. Les 450 filiales d’entreprises françaises qui opèrent sur le marché algérien emploient directement près de 40 000 personnes, et leurs activités génèrent plus de 100 000 emplois indirects.

Nous avons donc toutes les raisons de suivre conjointement, avec précision et détermination, la façon dont notre coopération technique et scientifique répond aux besoins d’employabilité des jeunes, et aux exigences du marché du travail.

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Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues,

Il y a tant d’autres sujets sur lesquels nous pourrions – et sur lesquels nous devons – échanger.

L’ensemble méditerranéen est une réalité, animée quotidiennement par les peuples qui le composent. Mais, s’il est porteur d’espérance et de fraternité, il est aussi profondément divisé et déchiré : par le doute, par le rejet, par la pauvreté, par les conflits. La France et l’Algérie ont un rôle à jouer pour redonner toute sa cohérence à cet espace, pour y promouvoir le dialogue et la paix.

L’Algérie d’abord, parce que sa voix porte dans le monde arabe et en Afrique, et parce qu’elle subit directement l’instabilité à ses frontières. Je pense évidemment à la Libye, je pense aussi au Sahel – et j’en profite pour remercier l’État algérien de sa contribution pour trouver une issue à la crise malienne.

La France ensuite, parce que nous comptons parmi les pays fondateurs de l’Union européenne, que nous avons promu une réorientation de la politique européenne vers le sud de la Méditerranée, et que nous trouvons un intérêt immédiat, y compris au niveau national, à l’apaisement des tensions qui traversent la région.

J’espère – et je ne doute pas – que nous aurons l’occasion d’échanger encore, à de multiples reprises, sur toutes ces problématiques. Pour l’heure, et sur les sujets que nous avons identifiés pour cette deuxième session, je souhaite à nos députés de riches débats, qu’ils soient sincères et fructueux.

Je vous remercie.