Ouverture du colloque « Un an après l’Accord de Paris »

Colloque « Un an après l’Accord de Paris »
Jeudi 24 novembre 2016 – Hôtel de Lassay

Soyez toutes et tous les bienvenus à l’Assemblée nationale, pour cette grande journée consacrée au climat.

Je suis très heureux de recevoir ici, à l’hôtel de Lassay, tant de citoyens engagés au quotidien pour répondre à l’urgence climatique.

Je remercie Bruno LE ROUX, président du groupe socialiste, écologiste et républicain, ainsi que Jean-Paul CHANTEGUET, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour l’initiative de ce colloque organisé à l’occasion de la fin de la présidence française de la COP 21.

La réflexion se poursuivra cette après-midi avec une audition publique organisée par Jean-Yves LE DÉAUT, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Elle portera plus particulièrement sur la question de l’apport de l’innovation technologique dans la recherche de solutions pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

Je reconnais aussi, dans cette assemblée, des visages familiers. Un certain nombre d’entre vous sont déjà venus dans cette maison, à l’occasion des Mardis de l’Avenir, ces débats pluralistes sur la transition écologique que nous avons organisés de 2013 à fin 2015. Sachez que j’ai sincèrement plaisir à vous retrouver.

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Ce colloque, pensé comme l’occasion de faire le bilan au lendemain de la clôture de la COP 22 de Marrakech et de la passation de relais entre la France et le Maroc, prend une résonance particulière. Discuter aujourd’hui de l’engagement face à l’urgence climatique paraît d’autant plus essentiel, à l’heure où le populisme relève sa tête hideuse dans toutes les grandes démocraties occidentales, à l’heure du retour des climato-sceptiques jusqu’au plus haut niveau de responsabilités, à l’heure où même dans notre pays, le climat et l’environnement sont les grands absents des débats récents auxquels nous avons assisté.

En ces temps plus que troublés, prendre ce temps de réflexion est un devoir pour convaincre et pour continuer l’action.

Si l’urgence climatique et écologique paraît parfois oubliée, notamment dans les médias, peut-être est-ce parce que l’enjeu paraît trop lointain. Mais le défi climatique est un défi historique, parce qu’il hypothèque l’avenir de la planète et de l’Homme. Jamais dans l’histoire nous n’avons eu à relever un défi de cette taille. Il nous revient d’être à la hauteur. Ce n’est pas une option, ni une lubie.

Il faut le marteler : les ressources que nous offre la planète sont la condition de toute activité, et même de toute existence humaine. Comme je le fais souvent remarquer, les premières entreprises à l’avoir compris sont… les assureurs ! Voilà qui nous en dit long. Ils n’y sont peut-être pas venus par altruisme, mais c’est la démonstration que le défi climatique est aussi un enjeu financier et qu’il nous faut changer de modèle.

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Face à ce défi, la COP 21 a été un point de rupture historique. Pour la première fois dans l’histoire de la coopération internationale, les 197 États sont arrivés à un accord universel et ambitieux pour la planète.

C’est l’élan de Paris – Seine-Saint-Denis !

Dans la continuité de ce formidable mouvement, nous avons réussi un autre exploit : celui de la ratification. Avec 112 pays l’ayant ratifié à ce jour, représentant 77 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, l’Accord de Paris est ainsi entré en vigueur en un temps record, juste avant la tenue de la COP 22.

Paradoxalement, au lendemain de cette réussite, tout reste à faire. Il nous faut maintenant passer à l’action, en définissant concrètement les modalités techniques de la mise en œuvre de l’Accord de Paris, afin que chaque État tienne ses engagements. C’était l’un des enjeux de la COP 22, une COP de concrétisation, qui a acté l’échéance de 2018 pour y parvenir.

Et pourtant, nous savons déjà que cela ne suffira pas. Il y a aujourd’hui un décalage, entre les engagements des contributions nationales et l’objectif pris dans l’Accord de Paris. Les contributions nationales actuelles ne permettent pas de maintenir la hausse des températures en 2100 en deçà de deux degrés, par rapport à l’ère préindustrielle.

L’Accord ne se suffit donc pas à lui-même. Il va falloir aller encore plus loin, et dépasser les engagements pris. Pour cela, le premier défi est d’arriver à décliner les grands objectifs internationaux dans le quotidien de tous les citoyens du monde.

Car la transition écologique et énergétique est une révolution culturelle qui se réalise sur le terrain, dans tous les territoires.

C’est d’ailleurs l’une des grandes réussites de Paris, au-delà de l’engagement de droit international, que d’avoir su mobiliser, entraîner et fédérer les acteurs non étatiques, notamment dans le cadre de l’« Agenda de l’Action ». Car si l’engagement des États est indispensable, celui des acteurs non étatiques, collectivités, entreprises, ONG, est également essentiel pour assurer la transition.

Dans ce mouvement, les Parlements tiennent aussi toute leur place.

Si la voix des parlementaires n’est qu’indirecte dans le cadre de la négociation internationale, elle est en revanche un relais essentiel pour éclairer l’opinion, mobiliser les citoyens, et bien sûr définir le cadre national de la transition. Au cours de cette législature, de grandes lois ont été votées en ce sens. Je pense en particulier à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, mais aussi à la loi pour la reconquête de la biodiversité, dont la préservation est primordiale pour le climat.

Nous veillons aussi à leur bonne application. Et à cet égard, je tiens à saluer le rapport de la mission d’information sur l’application de la loi de transition énergétique, présidée par Jean-Paul CHANTEGUET. Ce rapport publié fin octobre fait apparaître que si le cap est bon, l’application est trop lente et le chemin à parcourir est encore long avant d’atteindre les objectifs ambitieux fixés d’ici 2050. Il nous faut accélérer.

Il nous faut mettre en cohérence tout de suite nos actions avec nos engagements. En matière énergétique, nous avons pris du retard dans le domaine des énergies renouvelables. Et il est maintenant urgent de cesser de reculer et de tourner enfin la page du charbon, qui est l’énergie fossile la plus polluante.

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Vous l’avez compris. La COP 21, l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris ne sont encore que des étapes au début d’une longue route, qu’il nous revient de parcourir ensemble. L’élection américaine qui vient d’avoir lieu nous rappelle à quel point les victoires restent fragiles.

À Marrakech, les avancées concrètes sur les financements sont restées trop faibles – même si d’autres succès sont à relever, comme la conclusion de nombreuses initiatives et alliances de l’Agenda de l’Action, l’entrée dans la COP des questions relatives à l’eau, la restauration de la biodiversité, l’agriculture ou la mobilisation africaine.

Nous avons pourtant face à l’urgence climatique une responsabilité commune. C’est d’abord la responsabilité de soutenir les populations les plus vulnérables aux effets du changement climatique, d’autant plus lorsqu’elles n’y ont pas contribué. À ce titre, il est nécessaire de libérer le flux de fonds solidaires du Nord vers le Sud afin de dépasser les 100 milliards de dollars à partir de 2020.

Quoi qu’il advienne dans les prochains mois, nous ne pourrons pas reculer.

Il est vrai que les États-Unis avaient eu une action déterminante en amont comme en aval de la COP 21, notamment en s’assurant du ralliement de la Chine.

Mais s’il devait arriver que les États-Unis ne jouent plus à l’avenir ce rôle moteur, il faudra que l’Europe le fasse. Nous ne devons pas être les simples spectateurs de la position de tel ou tel grand État ; l’Europe, en se rassemblant, doit entraîner. Elle le peut, et elle le doit.

Ce peut aussi être une chance pour l’Europe. Je disais en introduction que nous vivons des temps troublés ; c’est vrai. Mais précisément, je crois que l’écologie peut constituer un formidable levier pour répondre aux crises, y compris démocratique, que nous traversons.

Car l’urgence climatique, c’est un enjeu qui nous rassemble tous, que nous le voulions ou non. Nous n’avons pas le choix : il nous faut agir tous ensemble, ou nous serons condamnés à aller collectivement dans le mur. Mais dans cette nécessité, il y a aussi une opportunité, celle d’un véritable sursaut collectif et démocratique. Votre présence ce matin témoigne de la possibilité de créer cet engagement collectif sur la durée.

Je vous en remercie, et je vous souhaite d’excellents échanges.