« Quelle place pour nos territoires d’Outre-mer ? » - neuvième débat du cycle des Mardis de l’Avenir

Les Mardis de l’Avenir
Quelle place pour nos territoires d'Outre-mer :
spécificités locales et politiques nationales
Mardi 4 novembre 2014 – Hôtel de Lassay

Madame la ministre des Outre-mer, chère George PAU-LANGEVIN,
Monsieur le membre du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie,
Monsieur le prix Nobel de la paix, cher Jean JOUZEL,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les représentants des ONG,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Nous voici réunis pour une nouvelle édition des Mardis de l'Avenir, ce soir consacrée à nos territoires d'Outre-mer. J'ai souhaité que nous traitions de leur place dans la transition écologique.

Le choix de la date pour cette séance est, je dois le dire, extrêmement cartésien puisqu'il s'est agi de la faire coïncider avec l'examen dans l'hémicycle des crédits de la mission outre-mer du projet de loi de finances pour 2015. Cette édition des Mardis de l'Avenir s'inscrit dans une séquence où l'Outre-mer est au cœur de l'actualité.

***

Je pense tout d'abord à la 2ème Conférence internationale sur la biodiversité et le changement climatique dans les Outre-mer européens, qui s'est déroulée en Guadeloupe du 22 au 25 octobre, et à laquelle la Ministre des Outre-mer George PAU-LANGEVIN a participé.

Autre actualité, la conférence sur les enjeux économiques et stratégiques de l'Outre-mer français du Pacifique qui aura lieu demain à l'Assemblée nationale et que j'ouvrirai. Elle est organisée par l'Association des CCI des Outre-mer et par la Fédération des entreprises d'Outre-mer dont le Président Jean-Pierre PHILIBERT est à nos côtés ce soir et je l'en remercie.

Enfin, dernière actualité, la 10ème édition de la Route du Rhum, où les 91 voiliers engagés se sont élancés dimanche de Saint-Malo pour rejoindre la Guadeloupe.

Je ne la mentionne pas simplement pour terminer sur une note sportive, ni sans arrière-pensée. Les navigateurs sont des amoureux de la mer. Ils connaissent très bien tous ses atouts et tous ses dangers, et ont compris, avant tout le monde, l'intérêt de la préserver. Beaucoup sont ainsi devenus militants.

Nous recevions, il y a un mois dans les Mardis de l'Avenir, Catherine Chabaud, navigatrice et ambassadrice de la Plateforme Océan et climat. Catherine Chabaud a lancé un appel à destination des skippers de la Route du Rhum pour qu'ils témoignent de l'état de l'océan et du lien entre océan et atmosphère. Nos océans sont des puits de carbone naturels qui permettent d’absorber une grande partie des émissions de CO2 provenant des activités humaines, mais la dégradation des écosystèmes sous-marins diminue ces capacités d’absorption. Préserver les écosystèmes subaquatiques aide donc à réguler le climat !

***

Nos territoires d’outre-mer sont spécifiques à bien des égards et je ne pense pas uniquement à leur éloignement.

Mais spécificité ne signifie pas unicité. Les territoires ultramarins sont tous différents les uns des autres.

Il faut donc se prémunir contre une approche simpliste. Chaque territoire d'Outre-mer est singulier. Il s'agit d'ailleurs bien du Ministère des Outre-mer.

Toutefois, on peut dégager un certain nombre de traits communs :

- tout d'abord, le patrimoine naturel exceptionnel de l'Outre-mer qui représente une richesse et un atout considérable pour notre pays. 80% de la biodiversité terrestre de la France et plus de 95% de la biodiversité marine se trouvent en Outre-mer. C'est en outre-mer française que se trouvent 10% des récifs coralliens et lagons de la planète.

- n'oublions pas la mer qui sépare certes, mais qui fait surtout que, grâce aux outre-mer, la France est présente dans les cinq océans de la planète, en zones tropicale, équatoriale, australe, antarctique. La France possède ainsi le deuxième domaine maritime mondial, derrière les États-Unis, et s'assure une présence géostratégique dans tous les océans du globe, au point de pouvoir faire le tour de la planète sans jamais sortir de ses eaux territoriales !

- les outre-mer renferment un potentiel important pour le développement des énergies renouvelables.
Ces énergies nouvelles sont tirées de ressources dont les collectivités d'outre-mer sont particulièrement bien pourvues et disposent à profusion : la mer, le soleil, l'air, la biomasse...

Et pourtant, les territoires ultramarins affrontent en commun :

- un chômage beaucoup plus élevé qu'en métropole ;

- une dépendance à l'énergie fossile importée très forte. La production électrique y est ainsi très intensive en émissions carbone, beaucoup plus qu’en métropole.

- des impacts du changement climatique plus rapides et plus forts qu'en métropole. Les effets sont déjà perceptibles.

- et une biodiversité en danger menaçant aussi notre culture. La France est présente dans 5 des 34 « points chauds » de la biodiversité mondiale. Elle se classe au 9ème rang mondial pour le nombre d'espèces animales et végétales menacées.

Quand on met en face les richesses et les atouts des territoires d'outre-mer et la réalité des défis économiques, environnementaux et sociaux, un sentiment paradoxal nous saisit et nous amène à dresser certains constats et à nous questionner.

Premier constat, nous avons tout d'abord une responsabilité qui nous oblige collectivement pour préserver cette biodiversité unique des outre-mer français et lutter contre le dérèglement climatique. Nous sommes engagés sur la route mais le chemin est encore long. Il y a eu de grandes avancées, je pense au projet de loi sur la transition énergétique, et nous avons ce soir parmi nous les députés qui ont contribué à améliorer ce texte, notamment sur la question de l'énergie en outre-mer. Il y aura bientôt la loi sur la biodiversité. Il y a eu le « message de la Guadeloupe » il y a dix jours, mais tous les freins aux changements de comportement et à l'instauration d'un nouveau modèle de développement n'ont pas encore été supprimés. Ces textes et leurs objectifs doivent pouvoir irriguer toutes les politiques et toutes les décisions publiques.

Je le dis souvent, nous avons tendance à trop fonctionner en silo en France.

Or, face à ces défis et à ces enjeux, nous avons besoin de transversalité et de cohérence. Je prends un exemple concret qui trouve malheureusement une répercussion dramatique avec l'actualité. Nous devons être très vigilants sur la cohérence des investissements publics et leurs impacts sur l'environnement. Si le principe « éviter, réduire, compenser » qui prévaut en cas de grand projet d'aménagement pour permettre la protection de la nature est issu d'une loi de 1976 et n'a donc rien de nouveau, nous avons malheureusement en France bien du mal à le respecter. En métropole comme en outre-mer, on applique très vite – trop vite ! – le volet « compenser », avant de bien étudier les premières étapes de la réflexion « éviter et réduire ».

Ainsi, plutôt que de toujours penser que la solution est une nouvelle source de financement (et je ne dis pas qu'il n'en faut pas !), commençons déjà dans cette période économique et budgétaire difficile à mettre en cohérence nos discours et nos politiques. Mieux comprises, elles susciteront ainsi moins de contestations.

Deuxième constat. La transition énergétique est un devoir. Mais c'est aussi une chance. Elle permet non seulement d'apporter des réponses à la crise environnementale, mais aussi aux crises économique et sociale. C'est vrai en métropole, c'est encore plus vrai en outre-mer. La transition énergétique est particulièrement cruciale dans nos territoires ultramarins car c’est une arme puissante contre le chômage et pour le développement économique en créant un nouveau modèle de croissance et des emplois non délocalisables.

Compte-tenu de leurs atouts et de l'importance de leurs ressources dans le domaine des énergies nouvelles, les territoires ultramarins ne vont plus devoir rattraper la métropole comme on a pu l'entendre trop souvent, mais ils vont devancer la métropole, devenir les leaders et la vitrine de notre pays en matière d'énergies nouvelles et de transition énergétique.

Enfin, la question qui se pose après avoir dit tout cela, c'est bien entendu la place du regard vers l'Outre-mer et la prise en compte des spécificités et des besoins locaux dans les politiques publiques. C'est le fil conducteur de cette séance. Le développement durable, c’est adapter l’action publique aux réalités de terrain. De même qu'il y a des différences entre les grandes métropoles urbaines et les territoires ruraux, il faut prendre en compte les spécificités des outre-mer.

Concernant les outre-mer, cela pose aussi la question du centre de gravité dans les relations avec l'extérieur et la place de la coopération régionale.

Enfin, les Outre-mer doivent permettre de changer notre regard sur la mer. Les Outre-mer, c'est un peu de France dans tous les océans et mers du monde. La France a un linéaire maritime extraordinaire que nous n'exploitons pas et ne valorisons pas assez. Nous avons peu de grands ports par exemple. La mer renferme d’incroyables richesses en termes d’énergies marines, de molécules ayant des applications majeures en pharmaceutique par exemple…Il nous faut améliorer nos connaissances. Mieux connaître pour mieux protéger. L'océan est notre avenir ! Il nous faut moins tourner le dos à la mer.

***

Je pense avec Honoré de Balzac que « c'est un signe de médiocrité que d'être incapable d'enthousiasme ». Je suis donc résolument optimiste et enthousiaste quant à notre capacité à trouver des solutions. La France regorge de talents, de forces et de créativité pour construire une société durable, plus respectueuse de l’environnement, économiquement plus performante et socialement plus juste.

Sans plus attendre, je donne la parole à Amandine Bégot qui animera la soirée.