Rapport de la mission d’information sur les moyens de Daech

Rapport de la mission d’information
sur les moyens de Daech

Monsieur le président Jean-Frédéric Poisson,
Monsieur le rapporteur, cher Kader Arif,
Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs,

Quelques jours après l’attaque terroriste de Nice, j’ai l’honneur de recevoir ce rapport sur les moyens de Daech réalisé par une mission d’information de l’Assemblée nationale.
Je remercie Jean-Frédéric Poisson, président de la mission d’information, et Kader Arif, rapporteur, qui ont réalisé un travail remarquable, de plus de six mois, et dont la présentation intervient, hélas, dans un contexte où prime la tristesse.
Je remercie également les administrateurs et services de l’Assemblée, qui ont une fois de plus démontré leur engagement et leur excellence.

Nous le savons depuis le 7 janvier 2015, notre pays est en guerre ouverte contre cette organisation, ce proto-Etat mafieux, sectaire et obscurantiste.
Oui, il s’agit bien d’une guerre, d’une guerre militaire bien sûr, contre une armée de combattants de toutes nationalités, qui n’ont en commun que la haine et la destruction, des brigades internationales de la haine. Une guerre née des décombres des conflits irakien et syrien, où la coalition internationale dont nous sommes ne relâche pas l’effort pour mettre à bas Daech.
Il s’agit d’une guerre militaire mais également d’une guerre entre deux idéologies politiques, entre deux visions du monde.
D’un côté, nos valeurs républicaines et démocratiques, et de l’autre, un modèle totalitaire et prétendument théocratique, foi aveugle et souvent ignorante des piliers de l’islam, prétexte à une violence et une barbarie inouïes.

Ne nous méprenons pas, nous pouvons le dire aujourd’hui, la République a été lâchement attaquée car elle est République.
Nous devons tirer les enseignements de ces tragédies, afin que plus aucune larme ne vienne perler sur les pavés de la place de la République, sur la Promenade des Anglais.
Et justement, ces leçons, nous commençons à les voir émerger.

Il y a peu de temps encore, j'ai eu l'honneur de participer au colloque sur l'intégrisme et le terrorisme. La conclusion des travaux était sans appel : il s’agit de tout sauf d’un choc des civilisations. Ce n’est pas l’Europe blanche, aux racines revendiquées chrétiennes par quelques-uns, contre les marches de l’Empire, un monde arabo-musulman qui serait homogène et fanatisé par l’islamisme.
C’est justement parce que la réalité est bien plus complexe que j’ai souhaité que cette mission d’information puisse travailler en profondeur, puisse apporter des éléments factuels précis.
Etudier, chercher, comprendre, sans jamais justifier. Voici une nouvelle pierre ajoutée à l’édifice par la Représentation nationale, pour mettre en perspective ce qui a déjà été accompli, et aider naturellement le Gouvernement à lutter avec encore plus d’efficacité, en connaissance de cause.

Etudier le fonctionnement de la radicalisation, les filières de recrutement fut une première étape, chercher de nouveaux moyens sécuritaires pour mieux se protéger et se défendre fut la deuxième, et enfin, aujourd’hui, comprendre les moyens de financement et le fonctionnement de ce prétendu Etat.
A tous les niveaux, l’Assemblée nationale, ses missions d’information et ses commissions d’enquêtes ont œuvré pour mettre en lumière les causes et les effets de ce combat.
De ce qu’il se passe dans l’esprit d’un jeune Français qui, souvent par dépit, rage ou colère intime, fait la folie de partir prendre les armes à ce qu’il se passe au sein de l’administration interne de l’Etat Islamique, l’ensemble de ces travaux ont un sens, se complètent et dévoilent également les solutions qui se présentent à nous.

Ce rapport nous révèle le sombre leitmotiv de notre ennemi : Daech voudrait devenir le seul et unique défenseur et dirigeant des Arabes sunnites. Sous des atours de « pureté religieuse », ils mettent en place une administration digne des pires dictatures, installent un discours identitaire, mettent en place un marché de la terreur, où la fiscalité par le racket est la norme, les exécutions sommaires la règle de droit.
Chez nous, leur stratégie est de susciter la haine entre nous, de nous diviser. Nous diviser en répandant un mensonge : l’idée selon laquelle ne nous pourrions pas vivre ensemble. Là est la tactique de ce groupuscule, nous désunir pour susciter le chaos, susciter le chaos pour régner sur nos cendres.
Ce faux Etat vise et attaque tout ce qui fait lien dans notre société. Ce qui nous unit, ce qui fait le vivre-ensemble de notre République.
Que la société ne soit plus une et indivisible, mais bien des centaines de petites minorités fracturées et opposées, voici le triste avenir qu'ils nous réservent si nous ne luttons pas ensemble.
Les derniers évènements ne font que confirmer ce qui est écrit dans ce rapport. Si la France a été attaquée le 14 juillet 2016, c'est bien parce que ce jour est symbole de l'union nationale, de la fierté républicaine.

A Nice, devant ce feu d'artifice, il n'y avait que des enfants, les enfants de la République.
Revenus à un âge où rien d'autre ne compte que le spectacle, ils étaient là, en famille, entre amis, ensemble, à contempler avec milles étoiles dans les yeux cette célébration, nous rappelant pourquoi nous sommes fiers d'être français.

Alors ils essayent, par tous les moyens, de nous retourner les uns contre les autres. Mais je le répète, ces tentatives viles et sournoises, si nous luttons ensemble, sont vouées à l'échec.
J’en appelle donc à l’union, à l’union de tout la France. Au-delà de la lutte armée, notre meilleur moyen de lutter est de se rassembler tous ensemble sous une bannière, celle de la République.
S’ils souhaitent que nous réagissions à ces attentats par la panique, par la précipitation et par la violence illégitime, ils vont être déçus ! S’ils souhaitent que nous stigmatisions une religion, une population, des couleurs de peau, ils le seront également !

Ils aimeraient que nous nous écartions du chemin de la démocratie, que ces attentats, par peur, nous divisent et nous séparent les uns des autres.
Ce ne sera pas le cas.

Nous, élus du peuple, nous ferons en sorte que la République tienne debout et, plus que jamais, que nous restions unis.
Nous lutterons contre Daech, mais nous lutterons dans le cadre de la loi, dans le cadre de la démocratie, et dans le cadre de la République. C’est cela nos valeurs, c’est cela un Etat de Droit.
Cependant, nous devons être lucides. Tant que le berceau de Daech, ce prétendu Etat Islamique, ne sera pas renversé, nous resterons exposés à la menace qu’incarne le terrorisme.
Nous resterons exposés car, chaque jour depuis plusieurs mois déjà, notre pays lutte dans, et en dehors de ces frontières contre cette menace. Nous le savons, nous sommes bien en guerre.
Alors, même si l’avenir promet encore des jours de lutte, souvenons-nous de notre devise, et tout particulièrement de la Fraternité. Une fraternité républicaine que je tiens à remettre au centre du débat en ces temps difficiles.

Par-delà nos différences, nos religions, nos couleurs, nos origines, et ce qui fonde l’identité, nous sommes un peuple qui est libre, qui défend l’égalité, et qui est fraternel. Cette devise, elle traverse la France depuis le XVIIIème siècle, mais la République n’est pas immortelle, il est de notre responsabilité de l’affermir en célébrant ses valeurs.
Tout comme les citoyens, nous nous devons, élus et représentants de la nation, de suivre cet élan en passant outre les différences politiques et les états d’âmes de chacun. Restons uni dans cette guerre idéologique où, une fois de plus, la France lutte contre l’obscurantisme.

Cette union républicaine, elle nous rappelle pourquoi nous vivons ensemble, pourquoi nous partageons ces valeurs, pourquoi nous sommes rassemblés chaque 14 juillet.
Cette union républicaine, ce doit être notre projet de société. Et en tant que parlementaires, nous y veillerons.