Réception des élèves de l’ENA et de l’INET

Réception des élèves de l’ENA et de l’INET
Lundi 9 février 2015

Monsieur le Directeur de la formation de l’ENA,
Monsieur le Directeur des stages de l’ENA,
Madame la Directrice adjointe de la formation de l’ENA,
Mesdames et Messieurs les élèves des promotions Winston Churchill de l’ENA, et Vaclav Havel de l’INET,
Mesdames, Messieurs,
 
C’est un grand plaisir de vous accueillir à l’Hôtel de Lassay en ouverture de cette journée d’études de l’Assemblée nationale. Comme vous le savez, c’est la troisième année que les élèves des promotions de l’ENA et de l’INET sont reçus par notre Assemblée.

Permettez-moi tout d’abord de rendre hommage aux deux grands Européens dont vous avez choisi le nom pour votre promotion. Winston Churchill, chef de file de la lutte contre la barbarie nazie, décédé il y a tout juste cinquante ans, et Vaclav Havel, grand dramaturge, et premier président de la Tchécoslovaquie post soviétique : ces deux hommes ont combattu, chacun à leur manière, pour la liberté et la démocratie. Par ce choix, vous témoignez de votre ouverture sur l’Europe et rappelez votre attachement aux valeurs qui fondent notre République. Les actes terroristes qui ont endeuillé notre pays il y a un mois sont là pour nous rappeler de façon terrible que la démocratie et la liberté ne sont jamais acquises et doivent toujours être défendues.

Winston Churchill a insufflé à l’Europe opprimée une énergie folle, alors que tout semblait si sombre et que l’ennemi semblait si fort. Vaclav Havel a su montrer que l’intelligence, la satire, étaient des armes politiques redoutables.

Puissent-ils vous inspirer et vous donner de l’audace, de l’optimisme, car nous ne pouvons pas nous permettre d’être frileux et pessimistes.

Certes, la France fait toujours face à une crise économique qui pèse sur la croissance et détruit toujours plus d’emplois. Certes, certains disent que ce pays serait sclérosé, défiant et en déclin, que les jeunes préféreraient s’expatrier en quête d’un avenir meilleur à l’étranger.

Mais vous, qui avez fait le choix de rester dans notre pays pour servir l’intérêt général, vous pouvez, et vous devez, à votre niveau, faire mentir ces affirmations. Vous serez amenés à occuper, bientôt, des postes très divers dans l’administration, d’État ou territoriale. Quelles que soient les difficultés auxquelles vous aurez à faire face, ne cessez jamais d’être audacieux et de croire en votre pays.

Ne cessez jamais, non plus, d’être exemplaires. C’est un devoir d’autant plus fort que la défiance des citoyens envers les institutions est forte et que beaucoup de nos concitoyens ne croient plus en la capacité de la politique et de l’administration à changer les choses. Alors n’alimentez pas cette défiance et soyez des artisans du changement. Le Parlement, et le monde politique en général, ont déjà fait de grands progrès, au cours des dernières années, sur la transparence, avec, en ce qui concerne l’Assemblée, la publication de l’utilisation de la réserve parlementaire ou encore l’adoption d’une règlementation sur l’encadrement de l’activité des groupes d’intérêts. Souvenez-vous que la raison d’être de l’élu politique et de l’Administration n’est pas d’être servi ni de se servir, mais de servir. Soyez dignes de vos tâches.

L’exemplarité, c’est l’intégrité bien entendu, mais c’est aussi le courage, c’est aussi la curiosité. Vous avez choisi de servir la République indivisible, la République de l’égalité. Vous demeurerez fidèles aux promesses de notre République en vous engageant contre la reproduction des élites, contre tous les ghettos, et notamment les ghettos de la bourgeoisie, qui veulent faire oublier aux grands commis de l’État que le service public est le seul bien des pauvres.

Notre pays, ses territoires, ses quartiers populaires, ses campagnes déshéritées, sont désormais votre raison d’agir, ils ont besoin de vous, ne les décevez pas.

C’est en demeurant l’esprit rivé à ces missions que vous déduirez des moments fondateurs de notre histoire républicaine, en 1792, en 1848, en 1944, la force d’éviter les errements oppressifs dont l’Histoire nous montre que l’administration n’a pas toujours su les empêcher. Vous serez de brillants administrateurs. Mais vous ne serez jamais des machines qui vous excuserez d’éventuelles conséquences liberticides par cette phrase trop entendue aux heures sombres « vous comprenez, c’est la procédure ». Non, vous ne serez jamais des machines, mais toujours des citoyens.

Face aux défis qui attendent notre pays, rien ne pourra se faire sans une coopération appuyée entre l’État et les collectivités territoriales. Les récents travaux parlementaires l’ont montré, et c’est tout l’enjeu du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, actuellement en discussion, qui doit renforcer l’efficacité de l’action des collectivités territoriales.

Il n’y a pas d’un côté l’État et de l’autre les collectivités territoriales, pas plus qu’il n’y a d’un côté le gouvernement et de l’autre le Parlement. Nous sommes tous au service de la France et de nos concitoyens. Nous devons travailler main dans la main pour réformer la France, améliorer notre compétitivité, relancer la croissance, aider les plus fragiles, renforcer le lien social et faire face aux défis de demain.

J’ai la conviction que les décisions importantes pour notre pays doivent aussi être prises dans un plus grand esprit de concertation, en associant non seulement le Parlement mais aussi les citoyens.

C’est pourquoi, dans la perspective de la discussion de la proposition de loi sur la fin de vie, l’Assemblée nationale a lancé une consultation citoyenne sur ce sujet, pour permettre à chaque citoyen de participer à ce débat grave qui nous concerne tous.

C’est pourquoi aussi j’ai souhaité mettre en place un groupe de travail sur l’avenir de nos institutions, que je copréside avec Michel Winock.

La force de ce groupe est d’associer une pluralité d’acteurs – parlementaires, historiens, économistes, juristes, philosophes – à un débat sur l’adaptation de notre régime politique aux évolutions politiques, sociales, économiques, culturelles et technologiques auxquelles nous faisons face. Il s’intéressera notamment, au cours de ses réunions qui ont commencé en novembre, au mode de scrutin, au pouvoir exécutif, au fonctionnement du Parlement, à l’Europe, et rendra à l’issue de ses travaux dans quelques mois des propositions destinées à rapprocher les institutions des citoyens.

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Mesdames et Messieurs, j’espère que cette journée donnera aux futurs serviteurs de l’État ou des collectivités locales que vous êtes une meilleure connaissance de l’Assemblée nationale.

Je me félicite du partenariat de fait qui se développe, entre l’ENA, l’INET et l’Assemblée nationale, à la faveur des journées de découverte, mais aussi des cycles internationaux spécialisés d’administration publique sur l’organisation du travail parlementaire, destinés à un large public de hauts fonctionnaires, de dirigeants d’entreprises et d’ONG.

Ce partenariat me semble naturel et souhaitable, à l’heure où toutes les administrations font face à des défis similaires, et je souhaite appeler ici de mes vœux son renforcement.

Un dernier mot sur le programme de cette journée. Je cèderai la parole tout à l’heure à mon directeur de cabinet, M. Jean-Luc Porcedo. M. Erwann Binet, député de l’Isère, a également pu se libérer pour vous rencontrer cet après-midi. Je suppose que son nom ne vous est pas inconnu puisqu’il était le Rapporteur du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ; mais M. Binet est aussi vice-président du conseil général de l’Isère et a exercé la fonction de fonctionnaire territorial.

Enfin, vous aurez l’occasion de rencontrer de nombreux fonctionnaires parlementaires. M. Michel Moreau, directeur général des services législatifs de l’Assemblée, vous présentera l’organisation administrative et la fonction publique parlementaire. Comme vous le souhaitiez, vous pourrez ensuite échanger avec des fonctionnaires de différents services au cours d’ateliers, qui portent sur les deux faces du travail parlementaire que sont l’activité législative et les activités de contrôle.

Vous verrez qu’un certain nombre de ces fonctionnaires sont très jeunes, comme la plupart d’entre vous. Votre attrait pour un métier plutôt qu’un autre, ainsi que les hasards des concours, vous placent aujourd’hui de part et d’autre de la table, mais vous avez toutefois fait le même choix, le choix du service de l’intérêt général. Vous partagez les mêmes valeurs d’impartialité, de disponibilité, de discrétion. J’espère qu’en d’autres occasions, vous ou vos successeurs aurez la possibilité de partager avec eux votre expérience au service de l’État ou des collectivités territoriales, comme ils vont aujourd’hui vous faire découvrir la leur au service du Parlement.

En attendant, je formule le souhait que vos échanges sur le fonctionnement du travail parlementaire soient passionnants et fructueux, et vous remercie pour l’action qui sera la vôtre au service de votre pays et de vos concitoyens dans les années à venir.