Une société innovante pour le XXIe siècle - Conférence internationale organisée par l'IDDRI

 « Une société innovante pour le XXIe siècle »

Conférence internationale de l’IDDRI

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Allocution d’ouverture du colloque 

M. Claude BARTOLONE, Président de l’Assemblée nationale

 

Madame la directrice, Chère Laurence,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Je l’ai dit au jour de mon investiture, je n’en varie pas, je veux faire de l’Assemblée nationale une maison ouverte sur le monde qui l’entoure.

Je souhaite que les forces vives de la nation, les acteurs économiques comme politiques, les partenaires sociaux, les citoyens, les militants, puissent y trouver un lieu d’expression et d’échanges. Je veux y voir vivre le débat démocratique.

C’est donc avec grand plaisir que j’accueille aujourd’hui la conférence de l’Institut du développement durable et des relations internationales, l’IDDRI, intitulée « une société innovante pour le XXIe siècle ».

Cette conférence a une résonance particulière ces
jours-ci puisqu’elle intervient alors que s’achève le débat national sur la transition énergétique, et que sont posés les termes d'une nouvelle fiscalité écologique.

Nous nous inscrivons dans un moment clé de notre histoire, celui où nous réinventons notre modèle de croissance pour l’adapter aux réalités du monde d’aujourd’hui et anticiper les mutations de demain. 

Tout d’abord, la croissance du XXIe siècle passe par de grands investissements d’avenir destinés à la transition énergétique, au développement des énergies renouvelables et aux éco-industries.

Elle affirme la nécessité de la sobriété, et de la convergence vers un nouveau modèle énergétique au niveau européen.

Ensuite, la croissance du XXIe siècle, c’est aussi une croissance solidaire. L’économie sociale et solidaire constitue, à ce titre, un formidable vecteur d’innovation sociale et de développement économique qui mérite une attention particulière.

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Nous entrons dans une nouvelle ère.

Les nouvelles technologies, la prise de conscience écologique et celle du changement climatique, les nouveaux modes de production et de consommation, la diffusion planétaire de l’information, la mondialisation des échanges, nous projettent dans un monde nouveau.

Affirmer la transition, écologique, énergétique, et économique, c'est offrir au plus grand nombre de nouvelles opportunités, et lutter contre l’exclusion.

Repenser notre modèle de développement c’est replacer l’industrie de la finance au service de l’économie réelle.

Repenser notre modèle de développement c’est confronter le capitalisme aux limites de la biosphère et des ressources énergétiques. C’est le sens de l’économie circulaire.

Repenser notre modèle de développement, c’est accepter que la croissance n’a fait que baisser depuis trente ans dans les pays occidentaux.

Et réfléchir à ce que doit être la répartition des richesses et du travail dans un monde où la croissance est intrinsèquement faible dans les pays développés.

Accepter la croissance faible ce n’est en aucun cas la fin du progrès. Car il ne s’agit pas de renoncer à l'ascension sociale à laquelle aspirent nos concitoyens, ou d’empêcher les pays émergents d’y accéder à leur tour. Il ne s’agit pas non plus de refuser des innovations techniques qui facilitent notre vie au quotidien.

Il s'agit de réformer nos outils industriels autant que nos modes de pensée. 

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En premier lieu, nous devons placer notre économie au service de ce nouveau modèle de croissance.

La croissance verte est une forme de développement économique qui, à long terme, utilise moins ou mieux la ressource énergétique et les matières premières non renouvelables.

Nous savons quels enjeux industriels pose la transition énergétique. Ils touchent à notre consommation, nos modes de production et pèsent sur nos réseaux de distribution.

L’objectif d’atteindre d’ici 2020 une part des énergies renouvelables de 20 % de la production énergétique totale de l’Union européenne, n’est pas une contrainte.

C’est une perspective politique qui doit nous amener tous à nous mettre en mouvement pour faire émerger une industrie de pointe et des gisements de nouveaux emplois, mieux qualifiés.

Les nouvelles technologies de l’information et de communication participeront de cette révolution verte, notamment au travers des réseaux intelligents qui permettent d’optimiser la production, la distribution, la consommation d’énergie.

Au niveau européen, la mise en place d’un « super réseau intelligent » qui optimiserait la production et le transport des différents types d’énergies renouvelables selon leur origine (biomasse, photovoltaïque, éolienne) pourrait, par exemple, être un projet politique concret de la future communauté européenne de l’énergie, bien plus ambitieux que les modestes financements européens de tronçons du réseau d’interconnexion électrique en Europe.

Mettre la transition en marche est un défi financier pour la France mais également un formidable levier pour stimuler la recherche et l’innovation, autour de filières nouvelles que l’Etat doit aider à structurer : rénovation des bâtiments et des outils industriels, recherche et ingénierie, entretien et développement des réseaux, traitement des déchets, production d’énergies.

C’est une formidable opportunité, car nous devons par tous les moyens stimuler la création d’emplois dans notre pays.

C’est la garantie du rassemblement autour de valeurs républicaines, de la cohésion sociale, et de notre confiance dans l'avenir.

Notre responsabilité, c’est de les créer dans le cadre d’un mode de développement intrinsèquement écologiste. C’est le chemin de la sortie de crise et un moyen de préserver notre modèle social.

Et nous devons agir vite, car d’autres sont sur la même voie que nous et il ne faut pas se laisser distancer.

J’ai rencontré récemment les acteurs de la filière des énergies marines renouvelables en Bretagne, qui conçoivent et installent des éoliennes off-shore.

Dans ce domaine, notre façade maritime nous offre un potentiel remarquable, il faut mettre tous les moyens en place pour que des prototypes « made in France » voient le jour.

Nous avons un avantage compétitif sur beaucoup de plans, une ingénierie de pointe, une longue histoire industrielle, un potentiel de ressources, des structures administratives et politiques stables, et une protection sociale solide.

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Mais il nous faut aussi préparer l’acceptabilité sociale de la transition énergétique.

Nous savons qui souffre de la cherté de l’énergie, de la malbouffe, des maladies dues à l’impact de l’homme sur notre environnement et qui sont en première ligne face aux dérèglements climatiques.

Nous devons apprendre à vivre différemment, plus sobrement, plus localement, avec plus de solidarité.

Comment dans notre réorientation de la croissance et notre bataille de l’emploi, concilier utilité sociale et activité économique ?

Les entreprises de l’économie sociale et solidaire ne sont pas marginales. Elles emploient plus de 2 millions de personnes et pèsent 10% de l’emploi salarié en France.

On ne le dit pas assez souvent : sur les dix dernières années, l’économie sociale et solidaire a représenté  440.000 emplois nouveaux, en croissance de 23%, quand dans le même temps, l’ensemble de l’emploi privé n’augmentait que de 7%.

Les valeurs de l’économie sociale et solidaire peuvent nous guider pour réformer notre modèle de développement :

•   elles donnent primauté aux personnes sur la recherche de profits ;

•   elles sont organisées autour d’une solidarité collective et d’un partage équilibré du pouvoir ;

•   elles réinvestissent leur résultat dans les projets et au service des personnes ;

•   elles s’investissent sur le territoire ;

•   elles innovent pour répondre à des besoins sociaux.

 

Je mettrai l’accent sur ce dernier point : l’innovation sociale a permis le développement de pans entiers de notre économie tels que les services à la personne : l’aide à domicile des personnes fragiles, personnes âgées dépendantes, personnes handicapées, et jeunes enfants.

L’économie sociale et solidaire pourra, à l’avenir, proposer de nouvelles réponses aux enjeux sociaux, à commencer par la question de la dépendance.

L’Etat devra reconnaître et saisir dans les années qui viennent les opportunités qu’offre l’économie sociale et solidaire, afin d’identifier les secteurs prioritaires à soutenir, de structurer les acteurs pour favoriser l’émergence de projets à l’échelle du territoire national.

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Pour réussir la transition, nous devons nous doter d'outils.

La fiscalité est probablement l’outil le plus puissant d’une société comme la nôtre, placée au service d’une stratégie de changement.

Mais il serait imprudent d’envisager la fiscalité écologique comme un impôt de rendement pour vouloir réduire impérativement les déficits publics.

Et en la matière, entre vouloir atteindre coûte que coûte l’équilibre budgétaire en 2017 et investir massivement dans les énergies renouvelables, le bâtiment et l'innovation industrielle pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, demandez aux générations futures quel serait leur choix...

Gouverner c’est choisir, disait Mendès-France, et quand on ne peut pas atteindre tous ses objectifs en même temps il faut faire des choix. Nous pouvons vivre avec 4% de déficit, pas forcément avec 4 degrés de plus.

Chers amis, j’ouvre cette conférence avec un grand appétit.

Décideurs politiques, acteurs économiques, chercheurs, citoyens, militants, nous sommes devant la question la plus importante qu’il nous ait été donné de trancher depuis des décennies.

Il y a quarante ans tout juste, la France connaissait son premier choc pétrolier et décidait d’un grand programme d’équipement nucléaire pour protéger sa compétitivité et son pouvoir d’achat. Ce modèle touche à sa fin. Il nous incombe aujourd’hui d’inventer le monde d’après.

Vous êtes les penseurs de ce monde nouveau. J'ai hâte de vous entendre.

Je vous remercie.