Vœux du Syndicat des commissaires de la police nationale

Vœux du Syndicat des commissaires de la police nationale
Hôtel de Lassay, jeudi 28 janvier 2016

Monsieur le ministre, cher Bernard,
Messieurs les préfets,
Madame la secrétaire générale,

C'est un réel plaisir pour moi d’accueillir, pour la première fois, ici dans la galerie des fêtes de l’hôtel de Lassay, la cérémonie des vœux du Syndicat des commissaires de la police nationale, la première organisation représentative de votre corps de conception et de direction.

Je salue la présence à vos côtés ce soir du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve.

Ce n’est certes pas le rôle du président de l’Assemblée nationale de distribuer bons ou mauvais points aux membres du Gouvernement. Je tiens néanmoins à souligner devant vous que, depuis ta prise de fonction Place Beauvau, tu as, mon cher Bernard, montré une attitude exemplaire à l’égard de la Représentation nationale :
 
Que ce soit en commission des lois, en séance publique comme lors des séances de questions au Gouvernement, face aux élus de la majorité comme à ceux de l’opposition, tu mets un point d’honneur à répondre, toujours précis, aux questions qui te sont posées et à expliquer, avec la patience, l’exigence et l’esprit que chaque député a appris à connaître, la politique de sécurité menée par le  Gouvernement avec détermination.

En ce mois de janvier 2016, chaque cérémonie de vœux est un temps chargé d’une émotion particulière. Les épisodes tragiques qui ont scandé l’année écoulée nous ont tous profondément marqués et même changés.

De vous, comme des hommes et femmes que vous avez la responsabilité de commander, ils ont exigé une mobilisation sans précédent, une mobilisation de tous les instants, afin de protéger nos concitoyens et de traquer les terroristes et prévenir de nouveaux crimes, de nouveaux drames humains.

Notre communauté nationale a collectivement fait face à l’horreur qu’a représentée la succession de ces attaques terroristes : Paris, Montrouge, Villejuif, Saint-Quentin-Fallavier, le Thalys et de nouveau, le soir du 13 novembre, Paris et Saint-Denis avec une série coordonnée qui a fauché, dans l’insouciance d’un soir d’automne, 130 vies innocentes.

Elle a fait face parce que nous savons au plus profond de nous que ce sont nos valeurs et notre unité qui sont visées.

Mais aussi parce que la mobilisation totale de ses forces de sécurité n’est pas un vain mot. Que ce soit dans les opérations menées, comme dans les enquêtes préventives et judiciaires, les forces de sécurité ont montré leur engagement et leur professionnalisme. Nous savions, avant même que le ministre de l’intérieur n’en indique récemment le nombre, que ce travail de l’ombre avait permis d’éviter la commission d’actes potentiellement aussi dramatiques que ceux du 13 novembre.

Soyez-en profondément remerciés et sachez que je suis un gardien vigilant de ce que jamais l’engagement des policiers et des gendarmes ne soit dans cette maison un enjeu de basse querelle politicienne, même sous couvert du légitime exercice du contrôle parlementaire qui ne doit pas être ainsi dénaturé.   

Ce soir du 13 novembre, c’est l’un d’entre vous, un commissaire, chef de brigade à la BAC parisienne qui est en premier intervenu, accompagné d’un seul collègue, son chauffeur, dans la salle du Bataclan. Il a réussi à abattre l’un des terroristes avant de devoir se retirer, pris sous le feu des deux autres assassins.

Ce geste de sang-froid, de bravoure, ils l’ont fait tous deux d’initiative, sans hésiter même une seconde face aux risques qu’ils prenaient pour leur vie, sans équipement de protection adapté.

Par cette action qui a conduit les deux autres terroristes à se replier, ils ont, n’en doutons pas, permis d’interrompre la sinistre besogne qu’ils avaient entreprise dans la salle de spectacle sur des innocents à terre et préparé les conditions de l’intervention ultérieure de la BRI. Je pense à cet instant un article de presse consacré à cet homme et qui était titré : « un héros malgré lui ». Quel contresens ! Cet acte héroïque, il ne l’a pas réalisé  malgré lui mais tout au contraire mû par les valeurs les plus profondément ancrées en lui comme en chacun et chacune de vous.  Lorsque vous recevez, à votre entrée dans le corps, ces deux symboles très forts que sont l’écharpe tricolore et l’épée, vous recevez de la République la mission de la protéger et de protéger toute notre communauté républicaine, par la Loi et si besoin est, par la force. Ce soir-là, pour lui, cette mission a eu une incarnation toute particulière. Mais elle n’était pas un hasard.
 
Parmi ces hommes et ces femmes à terre dans la salle du Bataclan, il y avait aussi deux d’entre vous : Arnaud Beldon ,  commissaire de la circonscription de Louviers-Val-de-Reuil, dont je salue, avec beaucoup d’émotion, la présence ici-même ce soir. Vous assistiez simplement, si j’ose dire, ce soir-là au concert, avec votre compagne et collègue, Bérangère Pons.

Touché par balle au dos, à la colonne vertébrale, vous avez fait preuve spontanément d’un courage exceptionnel, en invitant sans relâche les personnes autour de vous à fuir sans tarder l’horreur du massacre alors que vous-même, cloué au sol, vous tombiez peu à peu dans un état inconscient.

Votre famille, votre compagne, vos proches, comme vos collègues, et votre équipe peuvent être fières de vous, de votre abnégation et de votre engagement. Je sais la gravité de vos blessures et la lourdeur de leurs conséquences. Je forme néanmoins pour vous les vœux les plus profonds.

Votre responsabilité toute particulière, en tant que commissaires, au sein de la police comme de notre communauté républicaine, ne se limite pas bien évidemment à la lutte contre le terrorisme. Elle est ancrée dans le quotidien de chacun de nos concitoyens. En tant qu’élu d’un département où les questions de sécurité sont particulièrement prégnantes et qui a malheureusement par le passé été le lieu de formules regrettables et d’effets d’annonce laissés sans suite, je sais quel est le rôle crucial de votre mission de conception et de direction lorsque vous êtes à la tête d’une circonscription territoriale. Laissons de côté les querelles de mot : la place de la police est auprès des Français. Qu’elle s’appelle ou non de proximité, la police doit être proche des habitants, au plus proche.
 
Lutter contre l’idée même qu’il puisse durablement exister des lieux où la Loi de la République ne s’applique plus, contre toutes les formes de ce qu’on appelle pudiquement le « non-droit », mais qui n’est rien d’autre que l’insupportable affirmation de la loi du plus fort, c’est le quotidien de beaucoup d’entre vous. J’aime à rappeler que le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Au cœur de ce service public, la mission de la police nationale, comme celle de la gendarmerie sur le reste du territoire, est particulière parce qu’elle permet aux autres services d’agir pleinement. La sécurité, ce n’est pas tant la première des libertés que la condition de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. La sécurité publique est la condition première de la réalisation de la promesse républicaine.

C’est pourquoi l’Assemblée nationale, derrière le Gouvernement et les deux ministres de l’intérieur successifs, a fait du rétablissement des moyens d’agir, humains comme matériels, de nos forces de sécurité une priorité, sanctuarisée des arbitrages budgétaires. Et je me réjouis qu’au sein de cette priorité, les arbitrages géographiques soient faits désormais en fonction de la réalité du terrain et non de critères plus obscurs et en tout cas plus subjectifs.

Je m’en réjouis bien sûr en tant qu’élu de la Seine-Saint-Denis – et le ministre connaît bien mon attention particulière en la matière.

Je serai également particulièrement attentif à ce que les engagements en matière d’allègement des missions de procédure et des tâches indues soient suivis d’effets car c’est aussi une des clés d’une présence renforcée auprès de la population.

Je me réjouis également de ces arbitrages en tant qu’élu de la Nation toute entière, parce que c’est bel et bien en affectant les moyens là où ils sont nécessaires que nous répondrons aux attentes légitimes de nos concitoyens.

La sécurité publique, disais-je, est la condition première de la réalisation de la promesse républicaine. Leur articulation doit donc être permanente et totale. Vous êtes parfois la seule incarnation quotidienne connue de l’État. Pour dire les choses simplement, nos concitoyens attendent beaucoup de leur police. Des attentes diverses, souvent complémentaires, parfois contradictoires et qui peuvent dépasser votre mission réelle.  Mais tous partagent l’idée d’une police exemplaire.

Au cours des prochains mois, vous serez, je n’en doute pas, particulièrement  attentifs à plusieurs textes que l’Assemblée nationale aura à examiner, débattre et voter, parmi lesquels la simplification de la procédure pénale que le nouveau Garde des sceaux portera.

Je tiens à vous dire, si besoin est, que vous ne devez jamais regarder l’exercice du contrôle parlementaire ni aucun travail de la Représentation nationale comme une marque de défiance.

Oui, vous avez bien sûr notre pleine confiance et c’est pour cela que vous n’avez pas à craindre tout ce qui peut contribuer à combattre les fautes individuelles et à dissiper les malentendus, les caricatures.

En vous accueillant ce soir  à l’occasion de vos vœux,  je tenais à saluer à travers les commissaires ici réunis nombreux, le courage et l’engagement sans faille témoigné tout au long de l’année écoulée par l’ensemble des forces de police comme de gendarmerie au service des Français et de la République.

Au nom de l’ensemble de la Représentation nationale, je forme pour chacune et à chacun d’entre vous, en y associant vos familles et vos proches, des vœux chaleureux.

Vive la Police Nationale,

Vive la République,

Et vive la France !