Voeux 2016 aux parlementaires

Discours de M. le Président
Vœux aux parlementaires
mardi 19 janvier 2016
Hôtel de Lassay

Monsieur le Premier ministre, cher Manuel,
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les présidents des groupes politiques,
Mesdames, Messieurs les parlementaires, chers collègues,
Mesdames, Messieurs les ambassadeurs,
Madame la Secrétaire générale, chère Corinne,
Mesdames et Messieurs,

C’est avec une certaine et sincère émotion que je nous vois réunis pour l’année nouvelle. Il était temps de tourner la page de 2015.  
Je ne reviendrai pas sur ce que nous ne savons que trop.
Les attaques de janvier, le lâche assassinat de tant de nos compatriotes. La France outragée, les peines, les larmes de tout un peuple, de tout un monde.
Je n’insisterai pas sur le retour de la barbarie le 13 novembre dernier, nos sœurs, nos frères fauchés, nos cœurs en miettes, nos consciences révoltées, les douleurs des blessés.
Non, je n’y reviendrai pas, car nous savons tous ce que nous avons vécu. L’instant précis où nous étions en ces mois de janvier et de novembre, quand nous avons appris la terrible nouvelle. L’effroi. La peur.
Les visages des disparus qui ne s’effaceront jamais des cœurs et des esprits des familles endeuillées.

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Je reviendrai en revanche, aujourd’hui, sur ce que nous avons vécu ici, ensemble, à l’Assemblée nationale.
Nous sommes parlementaires. Nous représentons la Nation assemblée, contre tous les arbitraires, contre toutes les tentations de tyrannie, contre tout ce qui pourrait menacer la cohésion, la sécurité, les droits et le bonheur du peuple français.
Comme l’écrit le philosophe Michaël Foessel : « Le deuil public est rendu difficile par le fait qu’il associe deux tristesses : celle des proches des victimes et celle des citoyens ignorant tout des morts, mais qui les reconnaissent néanmoins comme les leurs. Le seul impératif qui s’impose – écrit-il –consiste à rendre l’expression de la seconde tristesse respectueuse de la première ».
C’est, je crois, ce que nous avons, ensemble, tenté de faire.
En ouvrant notre hémicycle à la tristesse, en rendant hommage à nos morts, en mettant des mots – même si cela est au fond toujours impossible – sur nos pertes, en couvrant les larmes de la Nation du plus beau de ses chants.
Vous avez, à votre poste, à votre place, participé à la vigueur courageuse d’un peuple en marche contre la barbarie. Vous l’avez fait dans l’hémicycle, en votant des lois courageuses, de réaction, de protection, de prévention.
Vous l’avez fait en donnant aux héroïques forces de sécurité les moyens de nous défendre et de confondre les ennemis de la liberté.
Je voudrais, ici, aujourd’hui, rendre un hommage appuyé à nos fonctionnaires des services publics de sécurité et de soins, qui sont notre fierté, ainsi qu’à nos militaires qui risquent leurs vies hors de nos frontières.
Vous l’avez fait sur les bancs des commissions, en visite dans nos circonscriptions, dans toute la France.
Vous l’avez fait en allant à la rencontre des Français, dans les villages, dans les vallées, dans les quartiers des villes, dans les campagnes, partout où nos compatriotes se posaient des questions, interrogeaient l’avenir et plaçaient en nous, nous leurs représentants, la confiance souveraine, la confiance populaire.
Nous l’avons fait en entretenant avec le gouvernement un rapport de travail réactif, intense et empreint de vertu publique. Je veux ici saluer avec chaleur le Premier ministre Manuel Valls et son gouvernement qui ont toujours trouvé dans l’Assemblée l’interlocuteur à la mesure du dialogue institutionnel que la France souhaitait.
Au sein du cœur battant de la démocratie - malgré les peines - personne n’a tremblé, personne n’a douté du caractère universel de la grandeur du nom français, et de la portée émancipatrice des Droits de l’Homme.
Partout dans les écoles de France, partout dans les écoles du monde, on apprend que les Droits de l’Homme et du Citoyen furent votés en France, un jour d’août. Ici seulement, nous pouvons dire, nous parlementaires de France, que cette table de marbre fut votée plus que par des aïeux, par des prédécesseurs. Nos prédécesseurs nous montrent la voie, celle du courage, de l’audace, du souci constant du bonheur des peuples et du caractère sacré de la justice, de la liberté et de l’égalité.
Mes chers collègues, nous avons été, je le crois, ces jours-là, dignes d’eux. Nous avons tous en mémoire notre rassemblement au Congrès de Versailles, où le Président de la République s’est adressé à la nation, et qui a montré à nos amis et nos ennemis notre détermination. Nous avons tous en mémoire cette Marseillaise, le chant émancipateur des malheureux, dont nos murs résonnent encore.
Mais je le dis aussi, il y a eu au cours de cette triste année, également des moments où notre hémicycle s’est égaré, tombant dans l’invective, nourrissant de mauvaises colères. Et cela à l’instant même où nos compatriotes avaient plus que jamais besoin de voir la Nation unie et le peuple rassemblé représenté. Cela aussi, nous ne devons pas l’oublier.
De la même manière, et je le dis d’expérience, en temps de campagne électorale, il peut y avoir des mots qui dépassent les pensées. Cela a pu être le cas me concernant. Lorsqu’on a prononcé des mots déplacés, il faut savoir s’en excuser.

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Il est de tradition, en début d’année, de prendre des résolutions.
Mais quelle résolution prendre après une année de douleur, de souffrances, et de peines ? Quelle résolution prendre après un séisme ?
Que peut l’Assemblée nationale ?
Nous connaissons tous l’air du temps : le politique serait devenu impuissant, les Institutions inutiles, le Parlement une idée dépassée.
Je ne le crois pas. Bien au contraire : jamais le besoin de représentation de la Nation n’a été aussi prégnant. Jamais les émotions de nos compatriotes n’ont eu autant besoin de se transformer en débats éclairés. Jamais le service public et à travers lui, l’intérêt général, n’ont autant exigé de nous, représentants.
Nous l’avons bien vu, ensemble, à l’occasion de l’historique Conférence climat de Paris, la COP 21, à laquelle l’Assemblée s’est consacrée corps et âme pour qu’un accord universel puisse enfin advenir, pour la première fois de notre Histoire. Des parlementaires de tous les pays ont travaillé ensemble, le samedi et le dimanche, ici et au Sénat, donnant une image concrète, réelle, d’une coopération mondiale sur des sujets d’intérêt planétaire. Je salue d’ailleurs à cette occasion mon ami et collègue Gérard Larcher, président du Sénat.
Persévérer dans ses missions, être fidèle à son histoire, faire honneur à la démocratie, telle est la résolution que nous pouvons prendre, ensemble, pour l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, en étant à la hauteur du débat qui s’annonce et qui nous attend sur le projet de loi constitutionnel.
Je connais les débats, les oppositions, les contradictions que ce texte soulève. L’honneur de notre Assemblée nationale sera que chaque point de vue puisse s’exprimer pour que le débat ait lieu. J’y veillerai.
De même, nous mettons en place, majorité et opposition, avec le président de la Commission des Lois, un mécanisme de contrôle parlementaire inédit de l’état d’urgence, afin d’assurer un suivi en temps réel des mesures exceptionnelles adoptées, de les évaluer et de formuler des recommandations. Sous l’autorité des deux corapporteurs de la loi du 20 novembre prorogeant l’état d’urgence, Jean-Frédéric Poisson et Jean-Jacques Urvoas, l’Assemblée nationale joue son rôle démocratique plein et entier.
Le terrorisme, le fanatisme frappent la France, frappent tant de pays. Nous l’avons vu, encore, il y a quelques jours, dans les rues de Ouagadougou, dans un pays historiquement si proche de la France, le Burkina Faso. Nous ne devons pas cesser d’agir avec sang-froid et efficacité.
Être fidèles à nous-mêmes, c’est aussi, je crois, ne pas céder à l’exceptionnel, ne pas oublier les tâches quotidiennes qui sont les nôtres, les défis économiques et sociaux, et la vie même de notre Assemblée nationale, qui après plus de 200 ans d’existence continue à être fidèle à elle-même, et à un certain serment fait le 20 juin 1789 à Versailles.
Lors de mon discours d’investiture, il y a de cela plus de trois ans, je m’étais engagé devant vous à faire de cette assemblée une maison de verre.
Grâce à vous, grâce à l’ensemble des groupes, nous avons engagé plus d’une douzaine de réformes. Toutes votées à l’unanimité.
Grâce à vous, nous avons pu lancer des chantiers inédits dans notre Assemblée, rassemblant tous les groupes politiques dans de grands travaux collectifs structurants. Je pense, par exemple, à la mission sur l’avenir des institutions que j’ai eu le plaisir de coprésider avec l’historien Michel Winock et qui a abouti au rapport intitulé Refaire la démocratie, dont, je crois, tous les députés peuvent être fiers.
Je tiens, dans cette période de profonde transformation, à avoir une pensée sincère et reconnaissante envers tous les fonctionnaires de notre Institution, administrateurs, huissiers, agents, services de la séance, rédacteurs des débats, comme j’ai une pensée pour les collaborateurs des députés qui ne comptent jamais leurs heures, qui font vivre la démocratie avec un zèle infini.

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Mesdames et Messieurs,
En 2016 comme en 2015, l’Assemblée nationale tiendra son rang, jouera son rôle, tiendra tête à l’évènement.
En 2016 comme en 2015, elle demeurera un lieu de débats, où du choc des idées, du dialogue entre les femmes et les hommes, naîtront les pensées et les actions qui apaiseront, espérons-le de tout cœur, notre pays.  
En 2016, l’Assemblée nationale regardera avec encore plus de volontarisme vers l’Europe.
Avec mes collègues européens Laura Boldrini, présidente de la Chambre des députés italienne, Norbert Lammert, président du Bundestag, Mars di Bartolomeo, président de la Chambre des députés luxembourgeoise, nous avons convaincu, après une Déclaration commune, une dizaine de nos partenaires de l’Union européenne de nous rejoindre sur la vision d’une Europe plus proche, plus solidaire, plus transparente, plus audacieuse. Les Parlements de l’Union européenne ne peuvent que prendre à bras le corps l’horizon d’une Europe des peuples qu’ils ne peuvent que souhaiter, puisqu’ils en sont l’incarnation.
En 2016, l’Assemblée sera plus que jamais mobilisée pour lutter contre ce fléau contemporain, cette plaie sociale insupportable qu’est le chômage. Nous devons faire encore plus, toujours plus, pour sortir les enfants de France de cette souffrance et les arrimer à l’emploi.
Mes chers collègues, il y a dans cette Assemblée, et la démocratie en est fière, tant de nuances d’idées. Une droite, une gauche, un centre, des courants, des oppositions, des confrontations. Mais il y a, au plus profond de nous, héritage des siècles et désir de notre époque, l’amour de la République, de ses promesses et ses lois.
L’amour de la République nous réunit, nous inspira notre désir d’être ici, et nous rassemblera toujours. Ayons à cœur, pour 2016, d’élever si haut l’amour de la République que tout notre pays puisse le partager et nous rejoindre.

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Mesdames et Messieurs,
Chers parlementaires et, à travers vous, à tous nos concitoyens de Métropole, d’Outre-Mer et à l’Etranger, je souhaite à chacune et à chacun d’entre vous que fleurissent, pour les 366 jours de cette année bissextile, les joies, les fiertés et les bonheurs, collectifs et personnels.
Je souhaite aussi une année empreinte de cohésion nationale, de débat démocratique, de concorde républicaine. Rien n’est plus précieux que nos institutions républicaines, celles qui donnent un prolongement tangible aux idées de liberté, d’égalité, de fraternité. Par l’onction du suffrage universel, nous en sommes les artisans et les gardiens. Plus que jamais en 2016, faisons vivre ces idées.

Bonne année.