Voeux 2017 aux parlementaires

Voeux 2017 aux parlementaires et aux corps constitués

Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Messieurs les Présidents des groupes politiques,
Mesdames et Messieurs les Questeurs,
Mesdames et Messieurs les parlementaires, mes très chers collègues,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Monsieur le Préfet de la Seine-Saint-Denis, un territoire qui m’est cher,
Monsieur le Secrétaire général de la présidence, cher Michel,
Monsieur le Secrétaire général de la Questure, cher Christophe,

Mesdames et Messieurs,

Bonne et heureuse année à chacune et à chacun d'entre vous, et à travers vous, aux 70 millions de visages, en métropole, dans les Outre-mer et à l'étranger, qui composent la mosaïque France.

Nous aurons donc bientôt passé 5 années ensemble. 5 années, c'est long et c'est court à la fois. Dans l'agenda électoral, on appelle cela une législature. Dans nos calendriers personnels, c'est pour nous tous ici, une tranche de vie, un moment de nos existences.

5 ans.
5 ans, 1 325 séances, 644 jours, 5 170 heures de travail intense. Avec un souvenir privilégié, celui du débat sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, qui nous aura mobilisés 135 heures...
5 ans et 71 chefs d’Etats et de gouvernements reçus.
5 ans faits de débats, de confrontations, 5 ans d'avancées, de réformes, 5 ans de mises à l'épreuve.
5 ans où, au milieu des chahuts – surtout lorsque nos débats sont télévisés – qui sont consubstantiels à la passion parlementaire, nous avons su aussi quelquefois distinguer l'essentiel de l'accessoire.

L'essentiel c'est l'unité nationale, c'est la concorde républicaine lorsque des circonstances exceptionnelles l'exigent.
L'essentiel, c'est ce qui nous relie les uns aux autres : de ma gauche à ma droite lorsque je vous fais face dans notre hémicycle ; jeunes députés, apportant leur énergie, et parlementaires chevronnés, transmettant leur expérience ; femmes et hommes élus de tous nos territoires, urbains, ruraux, de la montagne et du littoral, périurbains, ultramarins.
L'essentiel, c'est de nous hisser au juste niveau de l'histoire.

Ce sens de l'essentiel, nous avons su le trouver lorsque notre pays fut frappé au cœur. Comment ne pas débuter par-là, une poignée de jours après les commémorations des tueries de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l'Hypercacher ? Comment ne pas débuter par-là alors que nous nous souvenons ensemble des attentats de Toulouse et Montauban, de Seine-Saint-Denis, de Paris, de Magnanville, de Saint-Étienne-du-Rouvray, de Nice… Sans oublier tous les pays du monde qui ont été confrontés à la barbarie terroriste.

En votre nom à tous, je veux rendre un hommage particulièrement appuyé à nos fonctionnaires des services publics de sécurité et de soins, ainsi qu’à nos pompiers qui ont fait preuve de beaucoup de bravoure, et enfin à nos militaires – ceux de l’opération Sentinelle, comme ceux qui risquent leur vie chaque jour hors de nos frontières.

Jamais je n'oublierai, jamais nos compatriotes n'oublieront le son tonitruant de cette Marseillaise entonnée dans l'hémicycle de la République. Ni le silence assourdissant de ces nombreuses minutes de recueillement que notre assemblée a dû observer pour honorer nos morts. Elles ont beaucoup ému les Français.
Jamais non plus je n’oublierai l’émotion du congrès de Versailles ; émotion vite abimée hélas par ce débat – dont je pense qu’il était dispensable – sur la déchéance de nationalité.

Dans tous ces moments difficiles, nous avons puisé la force de nous retrouver, de nous rassembler autour de quelques vieilles idées qui n'ont jamais paru aussi neuves : la démocratie, la République, une certaine idée de la liberté et de la France.

Dans ces moments-là, j'ai été particulièrement fier d'être l'un des vôtres, d'être le premier d'entre vous.

Voilà pour les livres d'histoire. Gage à nous maintenant de faire de ce moment une invitation pour l'avenir.

La démocratie porte en elle la contradiction, la confrontation. Les uns et les autres, nous avons nos parcours, nos idées, nos convictions. Nous les défendons chaque jour et nous continuerons à les défendre. Mais, de grâce, gardons toujours une petite place pour ce qui nous rassemble, pour ce qui nous transcende. Parce que rien n’est plus important que l’intérêt de nos compatriotes, rien n’est plus important que la vigueur de la démocratie, rien n’est plus important que la cohésion du pays.

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Alors, oui, il y a des modes... La tendance automne/hiver 2016, hélas, est au populisme. Et ce phénomène dépasse très largement nos frontières. Tout serait à jeter : les élus, les institutions, les politiques menées, les valeurs qui les sous-tendent... Et même l’Europe, si j’en crois les propos d’un futur président d’une grande démocratie.

Le jour où nous cessons de résister à cette idée, pour d'obscures contingences électorales au nom desquelles la fin justifierait les moyens, ce jour-là, il n'y a plus de fin, il n'y a plus de moyens, il n'y a plus de démocratie. Et ce doit être un combat de chaque instant.

C'est dans cet esprit de résistance que nous avons modernisé l'Assemblée nationale pour adresser un signal clair à nos concitoyens. Pour la rendre plus transparente, plus exemplaire.

J'ose espérer que, non seulement nous y sommes parvenus, mais qu'en outre, nous avons permis à l'Assemblée nationale d'être encore un peu plus le cœur battant de la démocratie.

Ensemble, nous avons réformé. Dans la recherche constante du consensus. Avec la devise « ni immobilisme, ni populisme ». J’assume, quel que soit ce que cela a pu me coûter, de m’être élevé contre ce que j’appelais alors la « démocratie paparazzi ». Comme le disait le regretté Guy Carcassonne, l’exigence de transparence, lorsqu’elle se généralise à l’excès, n’est plus la quintessence de la démocratie mais plutôt son antipode ».

Nous avons donc agi sans céder aux démagogies du moment. Et nous avons un bilan.
Le budget de l’Assemblée nationale a été gelé ; pas un euro de plus n’a été dépensé sans être gagé sur une économie ; les comptes de l'Assemblée sont publics et certifiés par la Cour des comptes ; l'utilisation de la réserve parlementaire est totalement transparente ; le rôle du déontologue a été renforcé ; un code de déontologie a été mis en place pour encadrer l'activité des lobbies ; les conditions de travail des collaborateurs parlementaires ont été améliorées (le premier accord collectif de l’histoire parlementaire a été signé le 24 novembre 2016 et il entrera en vigueur ce 1er mars) ; les groupes parlementaires ont été dotés d'un statut et leurs comptes sont ainsi contrôlés ; la transparence des scrutins a été renforcée.

Toutes ces réformes – et c'est sans doute là ma plus grande fierté – ont été adoptées à l'unanimité des groupes politiques. Là encore, le rassemblement… Là encore, l'intérêt général…

Si nous sommes parvenus à faire un peu plus encore de l'Assemblée nationale une Maison de verre, rien n'aurait été possible sans le travail des Questeurs, chers Marie-Françoise Clergeau, Philippe Briand, Jean Launay, sans oublier Bernard Roman. Vous avez su allier capacité d'investissement et réalisation d'économies. Et comment ne pas remercier aussi à cet instant l’ensemble du Bureau de l’Assemblée nationale ainsi que nos vice-présidents : Laurence Dumont, Sandrine Mazetier, Catherine Vautrin, David Habib, François De Rugy et Marc Le Fur.
Ni sans l'action engagée par mes prédécesseurs, et je veux saluer particulièrement chaleureusement Bernard Accoyer qui m’a transmis, il y a 5 ans, le témoin d’une maison bien ordonnée.
Monsieur le Secrétaire général de la présidence, rien n’aurait été possible non plus sans le concours quotidien des fonctionnaires de l'Assemblée nationale, dont je ne soulignerai jamais assez le professionnalisme, la neutralité et le dévouement.

Rien de possible enfin, cher Gérard Larcher, sans une certaine complicité et amitié. Et même si nous avons parfois des conceptions différentes de l’avenir de nos institutions, nous avons su préserver une relation saine entre les deux chambres. Il faut sans doute pour cela remercier Saint-Hubert.

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Mes chers collègues, si l'Assemblée nationale se doit d'être une Maison de verre, à aucun moment je n'ai voulu qu'elle soit une bulle. C'est pourquoi, ensemble, nous avons ouvert les portes et fenêtres de l'Assemblée au peuple auquel elle appartient, pour que notre institution ait son mot à dire sur les grands défis du nouveau monde.

Ouverture au public avec 663 783 visiteurs depuis 2012.
Ouverture sur la société civile à l'occasion de nombreux débats et colloques. Je pense aux Mardis de l'Avenir auxquels vous avez été si nombreux à participer pour que notre assemblée joue tout son rôle dans la double révolution écologique et énergétique.
Ouverture sur la société numérique, avec l’open data qui rend disponibles 800 000 données, mais aussi le data camp tout récemment organisé.

Ouverture à nos enfants des quartiers populaires qui ont pu bénéficier d'un tutorat pour préparer leurs concours.
Ouverture à nos concitoyens désireux de s'engager, à travers le lancement d'une première consultation citoyenne en ligne dont les résultats ont été prometteurs.
Ouverture à l'expression culturelle. Comment ne pas avoir gravée à l'esprit l’image de cette œuvre du grapheur JonOne qui fait désormais partie du patrimoine de notre Assemblée ? Ou encore cette toile de Peter Klasen – dans le cadre de l’exposition 36/36 que nous avons accueillie pour commémorer les 80 ans de la loi du 20 juin 1936 sur les congés payés.
Ouverture aux droits des femmes avec l'entrée de la première représentation féminine qui ne soit pas une allégorie, Olympe de Gouges, sous l'expression d'un buste réalisé par Jeanne Spehar et Fabrice Gloux, et disposé en salle des Quatre colonnes.  
Ouverture à l'Europe et au monde à travers les nombreuses visites, réceptions et initiatives diplomatiques que nous avons assurées au titre de la diplomatie parlementaire – et je veux saluer les ambassadeurs présents ici. A travers également un engagement européen affirmé – je pense notamment à la mission Brexit conduite par notre assemblée, d’une totale actualité ces jours-ci.

L'Assemblée nationale se devait d'être une ruche. Voilà qui est chose faite. C'est ainsi qu'elle demeurera cette institution indispensable à une démocratie vivante.

La démocratie, justement. C'est en son nom que nous avons fait en sorte d'apporter notre contribution à la réflexion et à l'action visant à la renforcer.  

Je pense à la réforme du règlement que nous avons adoptée pour améliorer la fabrique de la loi, dans la perspective du « parlement du non-cumul » que je n’ai cessé de préparer.
 Je pense au travail conduit par la commission que j'ai eu l'honneur de coprésider avec vous, cher Michel Winock, et qui a débouché sur le précieux rapport intitulé « Refaire la démocratie ». 17 propositions fortes dont je me réjouis que certaines se taillent la part du lion dans les débats qui se tiennent et se tiendront dans les semaines et mois qui viennent.

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Mes chers collègues, ce bilan, ce legs, c'est le vôtre, c'est le nôtre, c'est celui de tous les Français. Il faut à présent savoir quoi en faire.
Les réformes sont un train en marche, et je souhaite que ce train ne se stoppe pas sur le trajet qu’il reste à parcourir pour redonner aux Français le goût de leurs institutions et l’envie de démocratie.

Mais tout ce travail doit rester adossé à une conviction que je vous demande de perpétuer.

De nouvelles formes d'expression démocratique émergent en même temps que la société évolue et que les technologies s'installent. Bienvenue dans le nouveau monde, et notre assemblée s'efforce d'accompagner ces avancées.

Mais nous devons, dans le même temps, savoir réaffirmer que tout ne se vaut pas. Que rien ne saurait se substituer à la démocratie représentative. Parce qu'on n'a jamais trouvé mieux pour exprimer l'intérêt général et faire face aux tempêtes de l'Histoire.

Mes chers collègues, non, on n'ubérise pas la démocratie.

Notre démocratie représentative est un grand acquis et un phare pour de nombreux pays du monde. Ne la sabordons jamais. Sous aucun prétexte, sous la dictature d'aucune mode.

Nous sommes des parlementaires.

Nous sommes des parlementaires, et nous croyons que les élus du suffrage universel ne sont pas là simplement pour tenir des cahiers de doléances, mais pour éclairer les grands débats du siècle. Certes en nous appuyant sur les nouveaux outils, certes en comprenant les aspirations contemporaines, mais tout en restant fidèles à nos fondamentaux, au premier rang desquels l'intérêt général.

Nous sommes des parlementaires, et notre mission n'est pas de faire le buzz mais de faire la loi. Alors, j'entends sans cesse : le temps, le temps, le temps ! Il faudrait le réduire, l'écraser, le pulvériser ! Ce que nous faisons réclame du temps. Du temps qu'il faut évidemment pouvoir contenir – qui en disconvient ? Mais du temps qu'il faut aussi savoir s'accorder, particulièrement en amont, pour faire de bonnes lois, des lois utiles, des lois qui rassemblent, des lois qui donnent des résultats.

Nous sommes des parlementaires, et je crois que jamais les Français n'ont autant eu besoin de la Représentation nationale. Sachons nous en souvenir et sachons les en convaincre.  

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Et maintenant ?
Et maintenant, place au débat électoral.

Comme président de l'Assemblée nationale, je le souhaite avant tout digne, au niveau. C'est ainsi que veulent nous voir les Français.
Je le souhaite aussi optimiste, riche et porteur d'espérances.
Je le souhaite réconciliant nos compatriotes avec nos institutions et cette belle idée de démocratie.
Je le souhaite fidèle aux valeurs qui nous sont communes, mais suffisamment inspiré pour enfanter des solutions neuves, des réponses nouvelles, en ligne avec les grands enjeux du siècle.

Car d'enjeux, le nouveau monde ne manque pas : la cohésion nationale face à la menace terroriste (et je sais l’importance que vous accordez à ce défi, Monsieur le Premier ministre), la laïcité face aux communautarismes, le progrès social et l’égalité face aux évolutions technologiques, la méritocratie républicaine face à la reproduction des élites, la sauvegarde des libertés individuelles face à l'exigence de sécurité publique, l'égalité des territoires face à toutes les désertifications, la transition écologique face au péril du réchauffement climatique…

Tous ces défis, la France aura à les relever.
Et elle les relèvera.
Parce que nous sommes un grand pays et que les Français sont un grand peuple. Nous avons un avenir : voilà le vœu que je forme pour cette année  2017.

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Mesdames et Messieurs, j'en termine.

Historiquement, la cérémonie des vœux de l'Assemblée nationale présente un défaut majeur. Lorsque l'on sait ce qui nous attend sur les buffets qui ont été dressés – et je salue le Chef Thierry Delalande et ses équipes – on peut être un peu pressé d'en finir avec les discours. Laissez-moi tout de même vous adresser ces derniers mots.

Dans 5 semaines, disais-je, nous arriverons au terme des travaux de cette 14ème législature et l'Assemblée nationale fermera ses portes, le temps de la trêve électorale.

Vous et moi le savons bien et l'éprouvons chaque jour, la vie publique réclame beaucoup d'efforts. Souvent même de sacrifices.
Et une fois sa mission accomplie – avant que d'autres défis ne se présentent – la seule question qui compte, au fond, c'est de savoir si cela en valait la peine...

Mes chers collègues, permettez-moi ce mot plus personnel.

Représenter, chaque jour, chacune et chacun d'entre vous, oui, ça en valait la peine...
Faire entrer de plain-pied cette belle et grande Maison dans le 21ème siècle, oui, ça en valait la peine...
Être, avec vous tous, de celles et ceux qui font grandir la démocratie, qui donnent à nos compatriotes l’envie de démocratie, oui, ça en valait la peine...
Et susciter, raviver, promouvoir l'unité nationale, les valeurs républicaines et finalement la paix civile, oui, bon sang oui, ça en valait la peine.

Bonne et heureuse année 2017 à vous toutes et à vous tous.