Voeux aux collaborateurs parlementaires

Galette des Rois des collaborateurs parlementaires
Mercredi 25 janvier 2017 – Hôtel de Lassay

Madame et Messieurs les Questeurs,

Monsieur le Secrétaire général de la Présidence,

Monsieur le Secrétaire général de la Questure,

Madame et Messieurs les Présidents et Secrétaires généraux des associations et syndicats de collaborateurs,

Mesdames et Messieurs les collaborateurs des députés et des groupes politiques,

Mes chers amis,

Une nouvelle année commence, que je vous souhaite belle et féconde, comme l’ont été, je crois, celles que nous venons de vivre ensemble depuis bientôt cinq ans.

Comme 2015 avant elle, 2016 a été une année pleine, une année grave. Le terrorisme a de nouveau frappé notre pays, à Nice, à Saint-Etienne-du-Rouvray. Le populisme a pris son envol, ici et ailleurs, autour de nous, parfois presque chez nous.

2016 a confirmé ce que nous sentions déjà : que nous vivons un temps décisif, un temps lourd de défis, de menaces, mais aussi de promesses – à charge pour nous de les construire, de les faire advenir.

C’est ce que nous avons fait tout au long de l’année et de ces années dans ces murs de l’Assemblée nationale, où bat le cœur de la démocratie. Une démocratie dont la réponse aux grands défis de notre temps n’est jamais le repli, encore moins la vengeance, mais toujours la construction collective d’un lendemain meilleur.

C’est cela, le sens du travail que nous accomplissons au quotidien dans ces anciens palais d’Ancien Régime devenus des temples de la République. Les Français le savent bien, eux qui apprennent à l’école que l’histoire de la République se confond avec celle de la représentation nationale, que la souveraineté du peuple naît avec l’Assemblée, que le travail de leurs représentants est la condition de l’auto-gouvernement. Ce qu’ils savent moins souvent, c’est toute l’ampleur de ce travail. Car dans cette histoire qui se poursuit, que nous continuons à écrire au jour le jour, il y a des héros à tous les étages.

Certains sont visibles, voire très visibles, jusque sur les plateaux de télévision. Mais il y a aussi les héros invisibles, ceux qui œuvrent avec dévouement, avec application et rigueur, au quotidien, pour rendre possible le travail des élus de la Nation.

Chaque année, de façon rituelle, un jour est réservé pour mettre à l’honneur ces héros invisibles que vous êtes. Et si ce moment est traditionnellement organisé autour d’une galette, ce n’est pas seulement par un hasard de calendrier. Depuis son invention dans les Saturnales romaines, la galette des Rois porte en elle cette tradition de l’inversion des places et des rôles, le temps d’une journée de fête. Elle a une autre signification profonde : si, dans la tradition, l’enfant descend sous la table pour attribuer les parts à l’aveugle, c’est pour que chacun ait la même chance de trouver la fève. Le roi d’un jour importe moins que la convivialité d’un gâteau partagé, distribué à parts égales. La Révolution française l’avait bien compris, qui avait renommé la galette des Rois : « galette de l’Egalité ».

Au fil des siècles et sous l’action des hommes, les traditions se façonnent et prennent des résonances nouvelles.

Ici, à l’Assemblée nationale, autour de cette galette rituelle, nous prenons le temps, un jour dans l’année, de mettre en lumière ceux que l’on ne voit jamais, mais dont le talent est la force de notre Assemblée.

Trop longtemps, la reconnaissance de votre travail s’est limitée – ou presque – à cette journée. Mais, parce que nous savons, nous qui habitons ces lieux, combien le travail des collaborateurs nourrit tout ce qui se produit ici ; parce que nous savons les longues heures passées sur les tables de travail, derrière les ordinateurs, ou au contact inlassable du terrain ; et parce que nous défendons l’égalité, le droit du travail et la reconnaissance du labeur de chacun, nous avons voulu changer cette situation. Car si, comme le disait Jean Monnet, « rien n’est durable sans les institutions », nous savons, nous, que rien n’est possible sans les collaborateurs.

Quand je m’y suis engagé, je savais quelles difficultés nous attendaient sur ce chemin. Mais je sais aussi que la volonté déterminée de changer les choses, associée à un dialogue constant avec toutes les parties concernées, peut faire des miracles.

Il a fallu du temps, bien sûr. Pour préparer la réforme, nous avons d’abord avancé par petits pas.

Jour après jour, mois après mois, grâce à la détermination des Questeurs – et en particulier de Marie-Françoise CLERGEAU, à qui je veux rendre ici hommage – et grâce à l’esprit constructif, combatif, déterminé des associations représentatives des collaborateurs parlementaires comme des députés-employeurs, nous avons engrangé de petites victoires. Revalorisation du montant du crédit collaborateurs, maintien du salaire des collaborateurs pendant les arrêts maladie et les congés maternité, institution d'un dispositif de complémentaire santé, diminution des tarifs dont vous bénéficiez dans les restaurants libre-service, développement de la formation professionnelle, et enfin, même si elle est avant tout symbolique, le droit de traverser librement le périmètre sacré lors des séances. Bref, peu à peu, la pratique ancienne a évolué et nous avons avancé vers une vraie reconnaissance des collaborateurs.

Et puis, il y a un an, nous nous sommes attelés à un point crucial : la question d’un statut négocié. De mai à octobre derniers, le patient travail conduit depuis 2012 a donné lieu à des négociations intenses entre toutes les parties concernées, et ce avec l’accord de tous les groupes politiques.

Chers amis, c’est avec un immense plaisir que je peux dire aujourd’hui que nous y sommes arrivés ! Le 24 novembre dernier, le premier accord collectif de toute l’histoire parlementaire a été signé – il entrera en vigueur ce 1er mars. Je vous le dis très sincèrement : c’est l’une des plus grandes fiertés de mon mandat comme Président de l’Assemblée nationale, que d’avoir pu parvenir à la conclusion de cet accord. Que d’avoir vu l’implication constante des services, du Collège des Questeurs et de la Première Questeure, et aussi, bien sûr, la vôtre. Votre temps, vous ne l’avez pas compté, vous l’avez dédié à cette tâche, comme vous le dédiez sans compter chaque jour et chaque nuit, pour rendre vivant et fructueux le mandat des élus de la Représentation nationale.

Cet accord comporte trois séries de mesures : l’institution d’un dispositif de forfaits en jours permettant aux salariés autonomes de bénéficier de quatre semaines de repos en plus des cinq semaines de congés légaux ; le rétablissement de l’indemnité destinée à compenser la précarité afférente à la rupture contractuelle pour fin de mandat, qui ne bénéficiait plus qu’aux collaborateurs recrutés avant le 1er janvier 2010 ; enfin, la consécration des régimes indemnitaires et sociaux existants favorables aux collaborateurs.

Ainsi, non seulement il consacre les acquis des années précédentes, et même les élargit – comme c’est le cas du versement de l’indemnité de précarité en fin de mandat, sujet sur lequel je vais revenir dans un instant.

Mais surtout, cet accord marque un véritable bond en avant sur la question cruciale de la réglementation du temps de travail, avec l’introduction du forfait-jours. Je souligne aussi, parmi les acquis de cette négociation, la reconnaissance d’un droit à la déconnexion, dont nous savons tous à quel point il est essentiel dans le monde où nous vivons.

Bien sûr, cet accord ne bénéficie pas encore à tous les collaborateurs. Je profite d’ailleurs de ce moment, pour inviter tous mes collègues à rejoindre l’association des députés employeurs. C’est un cadre juridique qui amènera stabilité et sécurité juridique pour eux-mêmes et celles et ceux qui travaillent à leurs côtés.   

Afin que vous puissiez chacune et chacun d’entre vous évoquer cette question, pourquoi pas avec votre employeur, un courrier personnel vous sera adressé, avant la fin de la législature, qui vous précisera le statut et le régime dont vous relevez.  

Bien sûr, cet accord n’est pas une fin en soi. Il est une première étape et un point d’équilibre. C’est le principe même de toute négociation, de tout dialogue social.

Mais mesurons le chemin parcouru. Car c’est un point d’équilibre qui a été, disons-le, particulièrement  ardu à trouver et à établir.

Toutes les revendications n’ont pas été satisfaites, ni transformées dans le droit. Nous le savons. De même que d’autres forces ont manifesté leurs réticences à toutes évolutions. Nous le savons.

Parfois les interprétations juridiques ont pu diverger et continuent à diverger pour une partie d’entre elles.

Pour autant, d’autres chemins existent.

Nous l’avons annoncé à vos représentants en début de semaine et nous vous l’annonçons aujourd’hui : nous avons proposé avec Marie-Françoise CLERGEAU – qui a su hier convaincre le collège des questeurs et faire valider notre proposition – que soit instauré, par-delà l’accord collectif et la prime dite de précarité, une indemnité exceptionnelle pour la fin de cette législature.

D’un montant forfaitaire de 2 000 euros elle bénéficiera à tous les collaborateurs licenciés ayant au moins un an d’ancienneté.

A tous les collaborateurs ayant au moins un an d’ancienneté, que leur député soit ou non membre de l’association de députés-employeurs.

Vous le savez, nous estimons pour notre part qu’en l’état actuel du droit et de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le motif du licenciement économique, ne peut légalement s’appliquer aux collaborateurs parlementaires.

Certains estiment le contraire. Dont acte. Nous ne serons pas tous d’accord. De même, nous refusons en tant que législateurs de contourner ou d’enfreindre le droit.

Pour autant, il n’est pas question de détourner les yeux de la situation de celles et ceux qui travaillent au sein de notre Assemblée.

Voilà pourquoi depuis plusieurs mois, sans attendre la fin de législature, nous avons engagé un travail, que nous vous présentons aujourd’hui.    

Cette prime résout-elle tous les problèmes pour l’avenir ? Ce n’est nullement notre propos.

Ne faudrait-il pas à l’avenir modifier la loi ? C’est un combat que je suis sûr beaucoup d’entre vous porteront lors des prochaines législatures. Je ne doute pas que vous trouverez des appuis, d’ores et déjà auprès de députés et de groupes politiques qui sauront relancer avec vous cette question de la transformation de la loi, pour la prochaine législature, et peut être en débutant un cheminement au Sénat dès maintenant. Je vous le souhaite.

En attendant, nous avons voulu pour notre part, sans effet de manche, ni grande plaidoirie, avancer et améliorer concrètement, aujourd’hui et maintenant, la situation réelle des collaborateurs sous cette législature, dans le respect de la loi. Une solution dont la sécurité juridique et financière est, elle, assurée.

Chers amis, nous le savons tous : le mieux est parfois l’ennemi du bien.

Vous vous doutez que le chemin pour aboutir à l’avancée que nous vous présentons aujourd’hui, a été disons… sinueux.

De la même manière que le chemin qui nous a conduits à cet accord collectif  l’a été.

Voilà pourquoi cet accord collectif inédit dans l’histoire parlementaire est pour moi le symbole, à la fois d’un idéal, et de l’efficacité d’une méthode.

Un idéal : celui de l’égalité de traitement, de la reconnaissance de chacune et chacun, qui forme le socle fondamental de ce qui nous rassemble, et que nous ne devons jamais oublier, aussi passionnés que puissent être nos débats. Celui aussi de l’idéal de la réforme, qui est efficace, et qui peut très concrètement changer les choses pour le meilleur.

Une méthode : celle du dialogue social, de la concertation, patiente et attentive, effort sans relâche mené par chacune et chacun depuis ces cinq années, et qui seule se révèle féconde pour construire ensemble l’avenir.

Voilà ce que nous avons ensemble accompli. Nous n’avons évité aucune question, aucun sujet, aussi difficile soit-il.  C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je vous l’annonce ici également,  j’ai décidé en collaboration notamment avec la Présidente de la délégation aux droits des femmes, s’agissant de la question du harcèlement, qu’à compter de la rentrée prochaine, les informations relatives aux procédures applicables ainsi que les numéros d’appel seront inscrits dans les livrets d’accueil des collaborateurs et des députés. De même que sera affiché dans les bureaux un rappel de la loi et les contacts des référents. Enfin, une plus grande visibilité des procédures sera assurée sur l’Intranet de l’Assemblée nationale.  

Chers amis, je reviens ici à mes mots d’introduction. Car c’est cela qui, je crois, nous anime tous, dans notre travail quotidien : le désir passionné de construire l’avenir, de préparer demain, d’inventer et de défendre les idées et les projets qui façonnent notre pays.

Cette galette des Rois n’est pas comme les autres, parce que c’est la dernière que je partagerai avec vous comme Président de l’Assemblée nationale.

Mais je sais que, quoi qu’il advienne, la belle aventure que nous avons partagée pendant cinq ans va se poursuivre et s’écrire encore.

L’hémicycle et les salles des commissions continueront de résonner des débats ardents qui nous animent. Les couloirs et les galeries continueront de bruire du son des pas pressants, des discussions stimulantes, des négociations qui se mènent. La vie parlementaire continuera, car elle est aussi ancienne que la démocratie et aussi forte que la République. Et l’invisibilité s’érodera pour que chacun soit reconnu à sa juste place. J’espère de tout cœur que le travail engagé sous cette législature verra des lendemains radieux.

A l’orée de cette année, je formule le vœu que le progrès, l’invention enthousiaste de l’avenir, la passion du travail et la joie de servir l’intérêt général continuent d’éclairer les murs de notre belle maison, dans les grandes salles aux hauts plafonds comme dans les plus petits recoins, car partout rayonne la même ardeur.

Félicitez-vous de cette ardeur que vous portez, que vous incarnez, que vous avez insufflé autour de vous durant ces mois et ces années.

Et je souhaite que chacune de vos histoires, personnelles et professionnelles, qui forment la belle tapisserie de cette maison, soit semée de bonheurs, de succès et de joies tout au long de cette nouvelle année.

Je vous souhaite une très belle année 2017.