Voeux de Claude Bartolone aux députés, au Gouvernement, aux corps constitués et aux forces vives

Monsieur le Premier ministre,

Monsieur le Président du Sénat,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Mesdames et Messieurs les membres du Bureau de l’Assemblée nationale,

Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues,

Mesdames et Messieurs les membres du Bureau du Sénat,

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs de l’Union européenne,

Monsieur le Président de la Région,

Mesdames et Messieurs les élus,

Chers amis,

C’est une cérémonie de vœux bien particulière qui nous rassemble aujourd’hui, au regard des circonstances dans lesquelles elle se tient. Nos forces armées sont engagées à l’extérieur. Et tous ici, nous partageons la même émotion et, je le crois, la même ambition.

Tous ici, nous nous inclinons devant la mémoire du lieutenant Damien Boiteux du 4ème Régiment d'Hélicoptères des Forces Spéciales de Pau, tombé au Mali, pour la Liberté. Nous pensons à sa famille, à ses amis. Nous partageons la douleur des siens. Je leur adresse les condoléances émues et attristées de la représentation nationale. La Nation perd un fils aimant.

Tous ici, nous disons notre reconnaissance et la gratitude de la patrie à l’égard de nos soldats engagés au Mali, bien sûr, mais aussi aux quatre coins du monde lorsqu’il s’agit de défendre une certaine idée du rôle de la France dans le monde, de son attachement à quelques principes qui nous rassemblent. Et notamment le refus de céder devant le terrorisme, qui nous laisse endeuillés par la perte de deux autres fils de France, morts en Somalie, pour tenter de libérer Denis Allex, retenu en otage, et pour lequel le pire est à craindre. La Nation leur rend hommage. 

Tous ici, nous partageons la même ambition que, dans cet environnement anxiogène, la France conserve sang-froid et unité. Toutes les mesures de sécurité nationale ont été prises par le gouvernement. Mais, bien au-delà, notre responsabilité est de créer les conditions permettant à la confiance de prendre le pas sur la peur ; la concorde sur la division.

C’est pourquoi je suis fier de voir des forces politiques de la majorité comme de l’opposition se ranger derrière la voix de la France.

Mesurons la grandeur de la République lorsqu’elle sait préférer l’essentiel à l’accessoire, le cœur à la périphérie. Soyons fiers de cet héritage, de cette communauté de valeurs, de ces institutions robustes, qui permettent que demeure intacte notre précieuse unité nationale.

La démocratie nous amène chaque jour à nous confronter avec des mots, à nous contredire avec les arguments et les propositions qui forgent la loi. Mais l’honneur de cette démocratie, c’est de savoir se mettre au niveau de l’Histoire pour se rassembler autour d’une certaine idée de ce que nous sommes.

Et où mieux qu’au Parlement, cœur battant de la démocratie, ce message peut-il être porté et entendu ?

Alors, puisque tous ici, nous avons cela en partage, c’est-à-dire l’essentiel de ce qui nous permet de faire Nation, de faire France, les premiers vœux que je vous adresse pour l’année 2013 sont des vœux de concorde républicaine, des vœux de cohésion nationale.

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Mesdames et Messieurs, la cohésion nationale dont nous savons faire preuve dans ces circonstances particulières, sachons la faire vivre aussi lorsqu’il s’agit de préparer le pays aux grands enjeux économiques, sociaux et environnementaux de l’année qui vient.

La cohésion nationale, ce n’est pas l’alignement politique. L’opposition parlementaire est porteuse d’un projet différent, et c’est heureux. Le débat démocratique, par le choix qu’il permet, est vivifiant pour la démocratie.

La cohésion nationale, c’est la condition pour réinstaller la confiance des Français dans la République. Dans sa solidité, dans son utilité et dans sa capacité à se transcender dans les moments qui comptent.

Tous, nous mesurons les questionnements, les doutes qui étreignent le pays en cet instant charnière. La fin des certitudes. La fin d’une innocence. Ce sentiment que tout pourrait presque s’arrêter.

C’est dans ces moments-là que la République doit être au rendez-vous de l’Histoire.

Je ne crois pas que notre pays et notre continent traversent simplement une « crise ». Ce n’est pas un soubresaut économique ou une convulsion sociale auxquels nous faisons face : nous sommes en train de changer de monde.

Et je crois que c’est cela la mission première qui nous est confiée à tous. Avec nos visions et nos projets respectifs, il nous faut penser le coup d’après, et permettre aux Français de choisir.

Ou bien nous laissons aller, nous laissons faire, et d’autres s’en chargeront, notamment les forces de l’argent. Ou bien nous faisons en sorte que ce soient les forces républicaines qui se chargent de poser les quatre colonnes de ce nouveau monde – solidarité, compétitivité, transition énergétique, réorientation européenne – et de graver cela dans un nouveau récit national.

Indiquer le chemin bien sûr – et cela a été fait – mais surtout décrire la destination. De quelle France voulons-nous pour les décennies qui viennent ?

Pour cela, le défi de cette année, et au-delà, sera de faire vivre l’idée de stabilité.

Stabilité pour la jeunesse du pays et pour ses parents qui ne doivent plus pouvoir s’installer dans l’idée que la vie de leurs enfants sera forcément plus dure que la leur.

Stabilité pour les salariés qui attendent beaucoup d’un nouveau modèle de dialogue social qui permette de produire le compromis historique nécessaire. Patiemment, nous avançons sur ce chemin, et cela commence à porter ses fruits.

Stabilité pour les entreprises qui attendent de nous une règle du jeu fiscale et juridique claire et durable pour se réinstaller dans la culture du temps long.

Stabilité pour l’économie de notre pays qui attend des grandes réformes de structure plus que tout autre chose.

Stabilité pour les peuples qui attendent de l’Europe qu’elle soit réorientée vers leur vie, c’est-à-dire vers l’investissement, la recherche, l’innovation, la croissance et l’emploi. Vers la solidarité entre les Etats, aussi. Et nous attendons tous avec la même impatience une mobilisation plus ample de nos partenaires à nos côtés, au Mali.  

L’Assemblée nationale – par le goût du débat démocratique, par la science législative de ses élus, par le vote de la loi – doit être en 2013 le lieu, l’un des lieux, qui réinstalle la confiance par la stabilité. Car il n’y aura pas de retour de la consommation, de l’investissement, de la croissance et de l’emploi sans la stabilité et sans la confiance.

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La cohésion nationale, c’est aussi faire renaitre la confiance des Français dans leur démocratie.

Le 25 septembre dernier, je présentais ma feuille de route en matière de transparence et de modernisation de la vie de l’Assemblée nationale. Et je veux saluer l’action des mes prédécesseurs, notamment Bernard Accoyer, qui ont permis d’amorcer un certain nombre de changements.

Trois mois et demi plus tard, je peux vous dire que les engagements pris devant les Français ont été tenus. Gel du budget pour 5 ans, révision de la réserve parlementaire, réduction de l’IRFM, certification de nos comptes par la Cour des comptes : jamais une réforme de telle ampleur n’avait été menée à l’Assemblée nationale sous la 5ème République.

Alors, je voudrais rendre hommage à tous les députés, issus de tous les groupes politiques, qui ont accepté l’ensemble de ces réformes à l’unanimité. Je suis fier d’avoir pu dégager ce consensus sans lequel aucun signe ne pouvait être adressé aux Français quant à notre volonté d’avancer.

Pourquoi tout cela ? Pas par caprice ou par « bougisme ». Encore moins par goût du sacrifice. Je l’assume, la démocratie a un coût. Et d’ailleurs, dans le cadre du monde politique de demain, celui du non-cumul des mandats, si l’on veut que l’Assemblée nationale joue pleinement son rôle côte-à-côte avec l’exécutif, il nous faudra lui en donner les moyens.

Pourquoi tout cela. Simplement parce que nous devons donner des gages aux Français, fournir des preuves tangibles et immédiates.

Nous savons comme l’image de la démocratie peut se voir percutée dans ces moments de mutations profondes. Nous savons comme le spectre de l’antiparlementarisme guète, en temps de crise. Notre mission est de rendre à la politique sa noblesse. L’Assemblée nationale, pendant cette législature, y prendra sa part. C’est la condition de la restauration de la confiance.

Pour l’année qui vient, avec vous, je souhaite que l’Assemblée nationale aille encore de l’avant.

D’abord, en améliorant l’image que nous donnons collectivement aux Français. Autant j’en appelle à une démocratie vivante et pourquoi pas bruyante, autant il y a un certain nombre de comportements – avouons-le, aux heures télévisées – qui ne grandissent pas notre image, ni celle de la politique. Soyons-y particulièrement vigilant durant cette année. Je le serai.

Par ailleurs, je veux que l’Assemblée nationale s’ouvre davantage au monde qui l’entoure. Je pense aux territoires. Il est légitime qu’ils soient plus étroitement associés à l’élaboration des textes. Je pense aux partenaires sociaux. Le nouveau logiciel du dialogue social mis en place nous y invite : sachons mieux articuler démocratie parlementaire et démocratie sociale. Je pense à l’Europe, et à l’ambition qui doit être la nôtre de faire converger nos méthodes de travail et celles des institutions européennes.

Ensuite, je souhaite que soit consolidé le rôle de l’Assemblée nationale dans le meccano de nos institutions. Le Président de la République a affirmé à plusieurs reprises sa volonté de conforter la République « parlementaire ». J’entends emprunter le chemin qu’il a éclairé.

Depuis six mois, nous nous efforçons de rendre toute sa place à l’Assemblée nationale dans la réflexion sur les grands changements de société. C’est pour cela que j’ai attiré l’attention de l’exécutif sur ce mal français que sont les « comités Théodule ». Monsieur le Premier ministre, vous avez déjà fait un geste en ce sens. Poursuivez-le. Les grands débats du changement ont leur place à l’Assemblée nationale et sous le contrôle du suffrage universel.

Et puis surtout, respectons enfin le temps du parlement. Parce que c’est le temps du débat démocratique, c’est le temps du respect de l’opposition, c’est le temps de la qualité de la loi, c’est le temps de l’efficacité de la réforme. La procédure accélérée, si elle peut se comprendre en début de législature, doit rapidement devenir l’exception, pas la règle. Veillons-y ensemble tout au long de cette année 2013.

Enfin, je souhaite que 2013 soit l’année du rétablissement de la confiance au sein de l’hémicycle. Je m’efforcerai, comme je le fais depuis six mois, de protéger les droits de chaque député, de la majorité comme de l’opposition.

Veillons aussi à ce que chaque groupe puisse faire entendre sa voix, défendre sa différence. Autant la « division pour la division » est un poison, autant l’uniformité est une faiblesse.

En 2013, donnons toute sa chance au dialogue. Entre la majorité et l’opposition, et plus largement entre tous les groupes.

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Mesdames et Messieurs, j’en termine par où j’ai commencé.

Il y a 5 jours, la France a répondu à l’appel du Mali pour refuser le règne de la terreur et rétablir la sécurité.

Dans 7 jours, la France sera aux côtés de l’Allemagne pour célébrer le cinquantième anniversaire du Traité de l’Elysée.

Ce parallèle, pour vous dire simplement qu’il n’y a pas de « fin de l’Histoire ». Le temps, les circonstances, la volonté d’une poignée d’hommes et de femmes, peuvent éclairer l’avenir et restaurer la paix.

Dans l’intervalle, nous savons comme il est fondamental que, dans l’ère qui s’ouvre, la République démontre sa maturité.

A la fois dans cette unité totale qui permet à la France de faire bloc pour soutenir ses forces armées. Mais aussi par la conscience que « la vie continue ». Et que, quel que soit le contexte international, la France doit continuer à se réformer, à aller de l’avant, à améliorer la vie de ses enfants, à moderniser ses pratiques et ses institutions, à favoriser le débat démocratique.

Car cette année 2013 devra permettre de convaincre les Français que lorsqu’on est la France, on ne croit pas au déclassement. Ni au destin. Ni au déclin.

Aussi, j’adresse des vœux de courage et de succès à l’exécutif, présent ici derrière le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Des vœux d’énergie, de sérénité et de dialogue pour la majorité parlementaire, qui sera chargée de donner corps aux grandes lois du changement. Des vœux républicains, des vœux de respect pour l’opposition parlementaire, en charge d’apporter la contradiction et d’assurer l’équilibre indispensable à une grande démocratie comme la France.

Des vœux de concorde, de stabilité et de confiance à la France, à tous ses fils et à toutes ses filles.