Déplacement du Président de l'Assemblée nationale à Washington à l'occasion du G8 parlementaire du 7 au 9 septembre 2012

DISCOURS PRONONCÉS PAR M. CLAUDE BARTOLONE

Intervention devant la communauté française à Washington

Discours sur les évolutions démographiques et leur impact sur les politiques publiques

Discours sur l'économie et la dette

©Ambassade de France aux États-Unis

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Rencontre avec la communauté française à Washington

 

Monsieur l’Ambassadeur,

Monsieur le Consul général,

Monsieur l’Administrateur, représentant de la France auprès du FMI et de la Banque mondiale,

Mesdames et Messieurs les présidents d’associations,

Mesdames et Messieurs les conseillers du commerce extérieur,

Madame le Proviseur du lycée Rochambeau,

Mes chers compatriotes,

Chers amis,

 

C’est un plaisir pour moi d’être ici parmi vous ce soir. Merci d’être venus si nombreux malgré l’horaire un peu complexe. Merci à notre ambassadeur et à toute son équipe pour leur accueil et leur travail. Vous accueillez aujourd’hui mon premier déplacement à l’extérieur de l’Hexagone en dehors de la visite que j’ai voulu faire symboliquement en allant saluer mon collègue Norbert Lammert, président du Bundestag, dans le cadre des relations que nous devons entretenir entre la France et l’Allemagne pour l’évolution européenne.

Il est vrai que ce voyage intervient à l’occasion de la rencontre du G8 parlementaire, mais je me réjouis de l’occasion qui m’est donnée d’être aux Etats-Unis, un pays que nous aimons pareillement, vous qui avez choisi d’y vivre ; et moi qui ai l’occasion régulière de le visiter, après avoir eu le bonheur de le découvrir alors que je n’étais encore qu’un tout jeune parlementaire.

Dans la voiture, je racontais à notre ambassadeur que j’ai été élu en 1981. A l’époque, vous imaginez ce qu’était la réaction des responsables politiques américains qui voyaient éclore cette nouvelle génération… Et du coup, j’ai fait partie de ceux qui ont eu la chance extraordinaire d’être invités à de multiples reprises parce qu’ils nous auscultaient par certains côtés… Avec cette capacité qu’ont les Américains à ouvrir toutes les portes, j’ai pu découvrir mille facettes de ce pays, de ses réalités, mille facettes qui ont pour moi forgé et entretenu cette relation privilégiée que j’ai avec les Etats-Unis.

Car nous, Français, savons bien tout ce qui nous unit et que nous partageons avec les Etats-Unis.

Je m’adresse à vous aujourd’hui avec beaucoup de respect car vous êtes et vous le savez – notre ambassadeur ne m’en voudra pas – nos meilleurs ambassadeurs à l’étranger. Comme je vous l’ai dit, ce n’est pas et de loin la première fois que je me trouve à Washington. Mais aujourd’hui, dans les fonctions qui sont les miennes et à l’occasion de ce voyage, j’ai la chance de pouvoir vous rencontrer et je l’espère de pouvoir vous écouter et échanger avec vous, citoyens engagés que vous êtes. Aussi serai-je d’ailleurs très bref pour nous laisser le temps de vous donner la parole et de nous rencontrer.

Je sais combien vous êtes attachés à notre pays, que vous servez d’ailleurs si bien par votre dynamisme et votre engagement au quotidien. Et je sais tout l’intérêt que vous portez au redressement qui est engagé. C’est pourquoi, très simplement, je voudrais vous faire part du programme de travail qui est engagé et qui nous mobilisera tout au long de cette année au Parlement, où vous avez désormais votre représentante Mme Corinne Narassiguin.

Non pas pour vous citer des éléments d’agenda, mais pour vous donner la vision du président de la République, de la majorité parlementaire et du premier ministre qui en est issu.

Chers Amis, vous avez beau payer en dollars, il ne vous a pas échappé que l’euro traverse une crise sans précédent. Et quelles que soient les annonces courageuses prises par la Banque Centrale Européenne hier, il y a encore énormément d’inconnues. Cette crise s’ajoutant et se mêlant à d’autres qui n’ont pas épargné un seul pays au monde des dernières décennies. Eclatement de la bulle Internet, crise asiatique, subprimes, dettes souveraines…

Ces dix dernières années, l’endettement a été utilisé comme palliatif à la mollesse de la croissance économique et à la rudesse des besoins sociaux. Endettement privé pour certains pays – je pense notamment à l’Angleterre. Endettement public pour certains autres – je pense singulièrement à notre pays la France.

Dans le même temps, dans notre belle France, la courbe du chômage s’est envolée, la souffrance sociale s’est renforcée, les divisions se sont exacerbées, et des mesures fiscales ont été prises qui – comment dire ? – n’ont pas spécialement contribué à améliorer ces indicateurs…

Autant vous dire que l’équation face à laquelle se trouvent les pouvoirs publics n’est pas simple : comment brider la dette sans brimer les Français ? Comment réconcilier le pays tout en faisant face aux choix difficiles que nous impose la réalité ? Comment concilier le microscope pour répondre à l’urgence et la longue-vue pour préparer l’avenir ?

Ce débat, vous le connaissez et l’entendez en quelque sorte en stéréo avec la campagne présidentielle américaine.

Pour résoudre cette équation, la volonté de la France, c’est la justice. Justice dans le redressement, justice dans l’effort, juste dans la répartition. C’est le sens de la réforme fiscale en cours qui devra déboucher sur un principe : à chaque Français de contribuer au redressement à la mesure de ses moyens. Gage aux plus aisés de montrer l’exemple. Etre patriote, ce ne peut pas être simplement soutenir l’équipe de France de football.

La volonté de la France, c’est la confiance. On ne peut accepter qu’un jeune, un seul jeune, puisse avoir le sentiment que sa vie se termine avant même d’avoir commencé parce qu’il n’a pas accès aux fondamentaux d’une vie adulte : un emploi, un logement, un savoir. C’est pour cela que la France a fait des choix.

En cette rentrée, au niveau de l’Hexagone, trois priorités : l’emploi, l’emploi et l’emploi ! Avec les emplois d’avenir pour desserrer l’étau sur les populations les plus éloignées de l’embauche – ce sera le texte qui sera discuté dès mardi à l’Assemblée nationale. Avec le contrat de génération demain qui permettra d’inciter à la « première chance » et de rassembler les générations de salariés.

De même, l’école redevient la grande cause de la France. Lorsque l’on regarde au niveau international, tous les pays qui ont voulu se préoccuper de leur avenir n’ont pas réussi à le faire sans avoir investi massivement dans l’éducation et dans la recherche. Déjà, je dois vous le dire, le climat s’est détendu. Demain, en remettant un enseignant devant chaque classe – c’est bien le moins ! – et en revisitant les contenus pédagogiques pour que l’école vive avec son temps, nous allons nous efforcer de re-monétiser le diplôme et la formation, de faire renaître la promesse différée de l’éducation nationale : « travaille mon fils, travaille ma fille, et tes efforts seront récompensés ».

Enfin, le logement. Tout commence par le logement. Il suffit de voir le nombre d’émissions de télévision consacrées au « chez soi » pour comprendre que le « home sweet home », c’est le rêve français. D’autant plus que ce logement, non seulement est nécessaire pour s’abriter ou trouver un emploi, mais pas seulement. Les enseignants ou les pédagogues qui sont dans cette salle aujourd’hui doivent le savoir, toutes les études le démontrent, le facteur discriminant de l’échec scolaire, c’est la taille du logement.

Des efforts considérables vont donc être fournis pour construire, construire et construire encore. Y compris en renforçant les pénalités attribuées aux élus locaux qui ne veulent pas de logements sociaux chez eux.

La volonté de la France, c’est la responsabilité. Je ne suis pas naïf et je connais les idées qui peuvent quelquefois être véhiculées lorsqu’un gouvernement issu de la gauche prend les rênes de la France… Eh bien sachez que notre pays a à faire à une nouvelle génération d’élus. Qu’il s’agisse du président de la République, du premier ministre, du président du Sénat ou de moi-même président de l’Assemblée nationale, le carré de la République est constitué d’hommes ayant exercé des fonctions d’élu local. On en sort forcément pragmatique.

A ce titre, il y a certaines choses que nous savons.

Nous savons que tout doit être fait en faveur du développement économique parce que sans lui rien n’est possible. Ni le commerce, ni l’activité, ni l’emploi. Ni les impôts. Combien de fois j’explique en tant qu’élu local aux chefs d’entreprises de la Seine-Saint-Denis, puisque l’ambassadeur a évoqué ce territoire d’où je suis issu, je leur dis : « j’ai besoin que vous gagniez de l’argent. Plus vous en gagnerez, plus je pourrai en prendre ». Et, c’est vrai, on oublie de le dire : pour qu’il y ait impôt, il faut qu’il y ait recette, il faut qu’il y ait activité économique.

Nous savons que la compétitivité est le défi du 21e siècle et que nous devons faire le pari de la qualité, à travers l’intelligence, la recherche et l’innovation.

Nous savons que la « marque France » signifie quelque chose partout dans le monde. Et vous qui vivez aux Etats-Unis le voyez chaque jour dans les yeux de vos voisins. La France, c’est une façon d’être, c’est un rapport au beau. C’est une dimension des services publics qui quelques fois attire même des citoyens américains, notamment lorsqu’ils approchent de l’âge de la retraite où ils découvrent ce que peut représenter le système de santé français, et finalement aussi son cadre de vie.

Nous savons que la laïcité, si nous voulons qu’elle reste l’alpha et l’oméga de notre vie commune, passe par la reconnaissance de certains des besoins légitimes de nos compatriotes d’une confession ou d’une autre.

Nous savons que la sécurité est une exigence pour qui veut être libre.

Nous savons que l’Europe est notre avenir et qu’il nous faut, pas à pas, engranger des avancées pour qu’elle bascule vers un objectif de croissance et que sa réalité se rapproche de notre idéal : l’Europe sociale.

Nous savons que l’amitié franco-américaine est un trésor parce que nous avons nos valeurs en partage et que la France et l’Europe ont besoin des Etats-Unis comme les Etats-Unis ont besoin de la France et de l’Europe. Au nom de l’Histoire, bien sûr. Au nom de l’avenir d’abord. Cette amitié-là, elle se manifeste par ma présence durant ces trois jours et elle se cultive avec la vôtre chaque jour en ayant fait le choix de vivre ici.

Chers Amis, il y a quelques années, quitter notre pays pour les Etats-Unis se traduisait par l’expression d’un manque, d’un éloignement. J’en sais quelque chose, puisque je suis, pour continuer à vous donner tous les secrets qu’a commencé à révéler notre ambassadeur, je suis le père d’un fils ayant fait le choix de travailler et de vivre en Australie, et qui aura la double nationalité à la fin de l’année.

Mais au 21e siècle, avec le haut-débit, avec la presse en ligne, avec le streaming, avec « FaceTime » pour les amateurs de la marque à la petite pomme, on peut vivre ailleurs et rester Français !

Alors soyons Français ! Restez Français ! Soyez-en fiers comme nous sommes fiers que vous nous représentiez à l’étranger. Avec vos talents, avec votre culture, avec votre mode de vie !

Et puisque je parle de mode de vie… A présent, comme on sait le faire en France à la fin d’un discours, je vais vous rencontrer, et buvons ensemble le verre de l’amitié.

Vive l’amitié franco-américaine, vive les Etats-Unis, et vive la France !

M. Claude Bartolone s'adresse à la communauté française à Washington
©Ambassade de France aux États-Unis

 

©Ambassade de France aux États-Unis

 

M. Claude Bartolone et M. François Delattre, Ambassadeur de France aux Etats-Unis
©Ambassade de France aux États-Unis

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Réunion des Présidents d’Assemblée du G 8 à Washington

Samedi 8 septembre 2012 – 2ème session (après-midi)

 
Changing demographics and the impact on public policy

Les évolutions démographiques et leur impact sur les politiques publiques

 
Intervention de M. le Président Claude Bartolone

 

 

Dear Mister Speaker, Dear Colleagues,

Mesdames, Messieurs les présidents,

 

Connaître, anticiper et traiter les impacts pour les politiques publiques des évolutions démographiques : le sujet de notre réunion est à l’évidence un sujet majeur pour tous les décideurs publics et en particulier pour les Parlements. Je remercie le Président Boehner de l’avoir inscrit à notre ordre du jour.

Deux tendances semblent structurantes pour l’avenir : la population mondiale va augmenter dans les décennies à venir, mais moins vite qu’hier, ce qui signifie que nous allons assister à un vieillissement de la population mondiale.

L’accroissement de la population mondiale s’est accompagné de l’augmentation et du perfectionnement de la production et de la mise à disposition des biens et services nécessaires à la vie de chacun.

L’accroissement démographique a été à la fois le résultat et le moteur d’une mobilisation sans précédent du génie humain au service du progrès de la condition humaine.

Pourtant beaucoup de ces besoins restent encore non satisfaits aujourd’hui, y compris dans nos pays dits développés ! Les politiques publiques devront trouver les moyens de satisfaire ces besoins, tout en préservant la qualité de notre environnement et les ressources naturelles. Répondre à l’augmentation de la population mondiale sera d’autant plus difficile que notre planète reste marquée par les nations, voire par les regroupements locaux, davantage que par une gouvernance mondiale.

Le vieillissement de la population mondiale constitue un défi incontournable, auquel beaucoup des pays développés sont déjà confrontés et qui concernera rapidement beaucoup de pays « émergents » ou en développement. Une société composée de plus de « seniors » – qui vivent de plus en plus longtemps – doit mobiliser des moyens suffisants pour offrir aux troisième et quatrième âges des conditions de vie décentes et pour faire face au risque de perte d’autonomie.

L’intensification des solidarités intergénérationnelles sera inévitable. Là aussi, il s’agit d’un défi pour les politiques publiques : comment protéger nos aînés, comment les « remercier » d’avoir travaillé et agi leur vie durant pour la prospérité de nos sociétés et pour l’éducation de leurs enfants, sans décourager l’initiative des plus jeunes ? Comment inciter une société à innover, à créer, à se projeter vers l’avenir, tout en la maintenant accueillante pour les plus âgés d’entre nous ?

L’immigration est aussi un élément de réponse à la détérioration du rapport entre actifs et inactifs.

Comme je l’ai déjà signalé, le solde migratoire reste nettement positif en France depuis une décennie, avec l’entrée, selon des procédures régulières, chaque année de plus de 150 000 étrangers. A moyen terme l’arrivée d’une population jeune et active est une chance pour notre économie. Cependant, il nous faut rester ferme dans la lutte contre l’immigration irrégulière qui est source de terribles drames humains, comme nous l’avons vu au large des côtes italiennes ou espagnoles et de difficultés d’intégration dans nos villes.

Par ailleurs, le Président de la République française a annoncé que désormais  l’Assemblée nationale déterminerait chaque année les secteurs nécessitant une immigration économique. M. le Président Boehner, mes chers collègues, je serais très intéressé de savoir si de tels débats ont lieu à la Chambre des Représentants des Etats-Unis et dans vos  assemblées respectives et comment ils sont menés.

La France connaît et connaîtra des évolutions démographiques semblables aux grandes tendances mondiales.

Notre population continue d’augmenter de façon soutenue : la France compte aujourd’hui plus de 65 millions d’habitants, contre à peine plus de 60 millions il y a un peu plus de 10 ans. 73 millions de personnes vivront en France métropolitaine en 2060 selon un scénario envisagé, il y a un an, par notre Institut national de la statistique.

Le nombre de naissances excède dans notre pays le nombre de décès et constitue encore aujourd’hui le moteur le plus puissant de l’augmentation de la population, et ce devant un solde migratoire sans doute durablement positif.

Durant toutes ces dernières années, l’indice de fécondité des femmes vivant en France – autour de 2 enfants par femme en âge de procréer – a largement soutenu le rythme d’accroissement démographique.

Dans le même temps, la population française vieillit.

Nos systèmes sociaux et nos politiques économiques devront répondre à trois impératifs :

– assurer l’accueil, la prise en charge et la scolarité d’un nombre d’enfants qui demeurera important. Il s’agit de garantir le libre choix de l’activité pour les parents, mais aussi de commencer de préparer nos enfants à la vie en société et à la citoyenneté, par l’apprentissage de l’autonomie et de la solidarité ;

– il faudra aussi renforcer le potentiel de notre économie en formant de façon adéquate les jeunes et les salariés et en encourageant la création d’entreprises et l’activité, en particulier dans des secteurs économiques porteurs, c’est-à-dire les plus susceptibles de créer les richesses nécessaires à une juste répartition entre tous ;

- il importera enfin d’assurer une vie digne à nos aînés, en garantissant à chacun d’entre eux un niveau de pensions, un accès généralisé à une médecine de qualité et une protection au regard du risque de dépendance.

Dans ce contexte, le dynamisme de la natalité française n’est pas une charge. C’est bien au contraire une chance, une source de vitalité renouvelée, le signe que notre pays fait preuve de confiance en lui-même.

Notre natalité est d’ailleurs le résultat de politiques publiques familiales équilibrées, à la fois généreuses et protectrices des choix individuels, professionnels et affectifs de nos concitoyens.

En tout état de cause, ce dynamisme nous oblige à réinventer les politiques publiques en direction des jeunes. C’est  le choix du Président de la République française de donner la priorité de son quinquennat à la préparation de l’avenir de notre jeunesse.

Les pouvoirs publics, et en particulier les collectivités locales, devront maintenir, entretenir, rénover et souvent élargir les capacités d’accueil des jeunes enfants dans les crèches et les établissements scolaires.

L’État fait par ailleurs un effort considérable – à travers notamment des aides fiscales aux ménages – pour élargir et rendre solvable le secteur économique de la garde d’enfants.

Sans remettre en cause une filière qui aujourd’hui fonctionne à une large échelle, il conviendra bien entendu de bien calibrer ces aides publiques, qui ont pour caractéristique de concerner un grand nombre de ménages aisés.

Au-delà des enjeux propres à la jeunesse, le maintien d’une démographie dynamique nous contraint à repenser les modalités de multiples politiques publiques.

Permettez-moi de prendre pour exemple la situation dans ma région, l’Île-de-France, la région capitale, cette région parmi les plus riches d’Europe, qui attire beaucoup de Français et d’étrangers pour y construire leur vie professionnelle et familiale, mais aussi terre de contrastes sociaux saisissants où sont concentrées, sans vraiment se côtoyer, de grandes fortunes et une pauvreté parfois aiguë.

Un effort considérable en matière de construction et d’accès aux logements devra être produit en Île-de-France, pour répondre à une demande encore très largement non satisfaite. La question des transports est également centrale en Île-de-France.

Atteindre rapidement les zones d’activité professionnelle et désenclaver les quartiers et les villes isolées nécessiteront des investissements massifs pour répondre à une pression démographique qui a dépassé toutes les capacités de transport imaginées. Il faudra sans doute aller plus loin, s’interroger sur la densité urbaine dans un contexte où l’on sait que l’étalement des villes est source d’une empreinte écologique renforcée.

Malgré une démographie dynamique, la France n’échappera pas à une détérioration du rapport entre actifs et inactifs. Les richesses produites par les actifs seront donc réparties entre un nombre de personnes plus important. Dans notre modèle de protection sociale par répartition, c’est la richesse produite par les actifs qui finance la solidarité envers nos aînés.

Le dernier défi auquel nous sommes confrontés, c’est bien entendu celui du vieillissement de notre population. Je ne ferai qu’évoquer la question du coût des pensions de retraite : selon des projections récentes, les dépenses pour nos pensions devraient passer de 13,4 % du PIB en 2008 à une fourchette se situant entre 14,6 % et presque 16 % du PIB en 2050.

Nous devrons combler dans quelques décennies un besoin de financement de 100 milliards d’euros par an !

La dépendance constitue désormais en France un « cinquième risque », qui s’ajoute aux quatre champs plus classiques couverts par notre système social : la santé, la famille, la retraite et le chômage. Pour autant, le financement de ce cinquième risque est loin d’être assuré. L’État a exigé de certaines collectivités territoriales, les départements, de financer une prestation d’aide sociale sans leur donner les moyens nécessaires. La question méritera dans des délais rapprochés des réponses d’une autre nature et d’une autre ampleur.

La France est donc face à des changements démographiques qui l’obligent non seulement à adapter ses politiques publiques, mais aussi à les repenser.  La solidarité entre générations, le respect de notre environnement, la capacité à créer des richesses, ce sont autant de questions posées par l’évolution de la démographie et qui bien évidemment seront au cœur des débats de l’Assemblée nationale pendant la législature qui vient de s’ouvrir.

M. Claude Bartolone devant le Capitole à Washington
©Ambassade de France aux États-Unis

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Réunion des Présidents d’Assemblée du G 8 à Washington

Samedi 8 septembre 2012 – 1ère session (matin)

 

Economy and Debt

Economie et dette

Intervention de M. le Président Claude Bartolone

 

 Mister Speaker, Dear Colleagues

Mesdames, Messieurs les présidents,

 

L’implication des parlements nationaux sur le sujet dont nous débattons aujourd’hui– Economie et Dette – apparaît primordiale pour que les réponses proposées par les Gouvernements à la crise financière relayée par la crise des dettes souveraines soient largement et complètement assumées et soutenues par toutes les institutions de nos démocraties représentatives.

 

Nos débats s'inscrivent dans une problématique mondiale qui est bien connue : au cours des dix dernières années, un bon dixième de la valeur ajoutée des pays de l'OCDE a été transféré vers les pays émergents. Dans ces conditions, le moyen le plus facile de maintenir l'activité et le niveau de vie de nos populations a été l'endettement, qu'il soit public ou privé. Dans la zone euro, le ratio d'endettement global est passé, en dix ans, de 175 % à plus de 220 % du PIB. Pour la France, il est passé d'environ 150 % à 210 %.

 

Je souhaiterais vous communiquer quelques éléments sur la situation de la France à cet égard et sur les dispositions prises pour remédier à notre endettement public excessif.

 

En l’espace de 40 ans, la France est passée d’une économie à forte croissance fondée sur le dynamisme de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises, à une économie dont le ressort est, pour l'essentiel, l’endettement public et où la croissance est à la fois plus faible et plus volatile.

Le besoin de financement de l’économie française est principalement imputable aux administrations publiques : la dette publique française est ainsi passée de 20 % du PIB en 1972 à 66% du PIB en 2002 et devrait frôler 90 % du PIB fin 2012.  Elle représente aujourd’hui une charge de plus de 26 000 euros par habitant, et de 62 000 euros par ménage.

 

 

La maîtrise de la dette publique est désormais au centre des débats politiques et parlementaires. Le nouveau Gouvernement français s’est engagé, devant l’Assemblé nationale et vis-à-vis aussi de ses partenaires européens, sur une trajectoire de redressement des comptes publics, afin de retrouver le chemin de la croissance.

 

Le financement de l’économie par le recours à l’endettement, et l’endettement public en particulier, n’est pas un mal en soi.

 

Mais, la question de la soutenabilité de la dette publique française se poserait rapidement si rien n’était fait. La France est menacée d’une perte de sa souveraineté financière car la part de notre dette détenue par des investisseurs étrangers n’a cessé de progresser depuis dix ans pour atteindre 65 % en 2011. Est aussi en jeu l’équité entre les générations : il est injustifiable de reporter les charges publiques actuelles sur les générations futures, dès lors qu’il s’agit de financer par l’emprunt des charges de fonctionnement courant.

Dès leur installation, le Président de la République et le nouveau Gouvernement se sont clairement engagés sur la voie du redressement des comptes publics et de la croissance.

 

Il s’agit de revenir à un principe simple : celui de couvrir ses dépenses annuelles par ses recettes annuelles. Pour y parvenir, il faut d’abord réduire le déficit public qui a atteint 5,2 % en 2011, et qui devra être limité à 4,5 % en 2012, 3% en 2013 et continuer à diminuer régulièrement pour retrouver l’équilibre en 2017.

 

Dès lors que la dette publique regroupe la dette de l’Etat et de ses établissements publics (soit 78 % de la dette publique), la dette sociale (12 % de la dette publique) et la dette des collectivités territoriales (10 % de la dette publique), le Gouvernement doit envisager des mesures de redressement sur ces trois secteurs.

 

En ce qui concerne la réduction la dette de l’Etat, pour 2012, le Gouvernement a demandé au Parlement de voter une augmentation des recettes de l’Etat de plus de 7 milliards d’euros. Pour les années 2013 à 2017, le Gouvernement prévoit d’augmenter les impôts de manière ciblée sur les ménages et entreprises les plus riches ayant bénéficié ces dix dernières années d’avantages fiscaux injustifiés.

Il reviendra au Parlement dès le mois prochain, lors de la discussion du budget de l’Etat, de faire des choix qui seront difficiles. Les discussions seront certainement longues et passionnées comme nous en avons déjà connues lors de l’examen d’une loi de finances rectificative au mois de juillet. C’est aussi le cas, j’imagine, dans vos chambres respectives lorsqu’il s’agit d’adopter le budget. En tout état de cause, je suis certain que l’Assemblée nationale française jouera pleinement le rôle qui lui revient en matière budgétaire. C’est en période de crise, qu’il est nécessaire que la démocratie fonctionne bien. Je ne doute pas que le Parlement français saura rétablir l’équilibre des finances publiques tout en tenant compte des attentes formulées par les citoyens lors des récentes élections présidentielles et législatives.

 

Les débats de l’Assemblée nationale ne seront pas moins animés quand, juste après le budget de l’Etat, nous aborderons celui de la sécurité sociale. La réduction du déficit des comptes sociaux et de la dette sociale suppose en particulier de prendre  des mesures de maîtrise des dépenses de santé grâce à des évolutions structurelles de l’offre de soins, le respect de meilleures pratiques à l’hôpital pour en réduire le coût, un renforcement des actions en faveur de la baisse des prix des médicaments, et des économies sur les dépenses de gestion. Quand les revenus des professions de santé et les profits de l’industrie du médicament sont en jeu, vous pouvez imaginer à quelles sollicitations, pour ne pas parler de pressions, sont soumis les députés. Nous avons à cet égard mis en place un code de déontologie et un dispositif de déclarations des intérêts détenus par les députés mais aussi par son entourage familial qui entrera en vigueur cet automne.

 

La réduction de la dette locale est également une question importante dont le Parlement, bien qu’il comporte en son sein un grand nombre d’élus locaux, a parfois du mal à se saisir. Je crois avoir innové dans ce domaine, en prenant moi-même l’initiative et en présidant une commission d’enquête sur les produits financiers à risque  contractés auprès des établissements bancaires par les collectivités territoriales. Cette commission a monté que certaines banques  ont proposé de façon systématique, et notamment à de nombreuses petites communes, des produits potentiellement toxiques, leur faisant courir à terme des risques considérables sans qu’ils disposent des outils nécessaires à leur gestion financière.

Grâce à ces différentes mesures, l’endettement public en proportion de la richesse nationale devrait décroître dès 2014 et refluer de 7,3 points par rapport à 2012 à l’horizon 2017. Il s’agit là d’une rupture majeure après dix ans de progression annuelle quasi-ininterrompue.

Cette stratégie d’assainissement des comptes publics s’accompagne de mesures en faveur du soutien à la croissance et à l’emploi, tant au niveau national qu’européen.

 

Au plan national, plusieurs mesures de soutien en faveur de l’investissement des entreprises et de la consommation des ménages sont envisagées dont certaines devront être approuvées par le Parlement.  Je citerai à cet égard la création d’une banque publique de l’investissement venant au soutien des PME ou la création de 150 000 emplois d’avenir. Par ailleurs, le fort taux d’épargne des ménages en France (16,1 % pour 2011) constitue un atout pour la relance de son économie.

 

Au plan européen, sous l’impulsion du Président François Hollande, la négociation autour de la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) signé le 2 mars 2012 par le précédent chef de l’Etat, a été significativement réorientée pour introduire un volet en faveur du soutien à la croissance en Europe.

 

Cette initiative française a été couronnée de succès, puisqu’elle a donné lieu à l’adoption du Pacte pour la croissance à l’occasion du sommet européen des 28 et 29 juin 2012.

 

En conséquence, la politique budgétaire européenne, à laquelle la France entend prendre toute sa part, comporte désormais trois volets indissociables.

 

Plusieurs outils de solidarité ont été mis en place au sein de la zone euro, un mécanisme temporaire de stabilisation financière  jusqu’au mois de juin 2013, auquel succèdera un mécanisme permanent de gestion de crise, le mécanisme européen de stabilité (MES), véritable organisation internationale, disposant d’un capital propre d’au minimum 80 milliards d’euros qui lui permettra de lever jusqu’à 700 milliards de fonds en cas de besoin. Je tiens également à saluer ici, les décisions courageuses prises par le Président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, en vue de surmonter les difficultés actuelles de la zone euro.

 

La coordination de la politique budgétaire des Etats membres sera approfondie grâce à l’introduction de nouveaux instruments destinés à rétablir les comptes publics dans les meilleurs délais, dont les plus significatifs sont l’introduction d’une norme budgétaire et la mise en place de nouvelles sanctions en cas de non-respect de l’obligation de prendre des mesures appropriées pour corriger les écarts par rapport à la norme budgétaire.

 

Une démarche commune a été adoptée pour relancer la croissance en Europe. Le Pacte pour la croissance en est la traduction, puisqu’il instaure un plan de 120 milliards d’euros soit 1 % du PIB de l’Union européenne, afin de mettre la croissance au premier rang des priorités de l’Europe.

L’ensemble du dispositif que j'ai brièvement décrit traduit l’engagement de la France au sein de l’Union européenne, pour concilier soutien à l’activité, maîtrise des dépenses publiques et réformes de structures au niveau national et européen, afin de retrouver un sentier vertueux de croissance durable s’accompagnant d’une réduction continue de l’endettement public.

 

Il montre aussi la lourde tâche à laquelle est confrontée le Parlement pour contrôler et valider la démarche engagée par le Gouvernement.

 

Vous l'avez bien compris, les marges sont faibles et le défi est grand. L'opinion publique française, et européenne, a pleinement conscience de la situation et des efforts à accomplir. Les acteurs publics eux aussi connaissent leur feuille de route, et fuyant la résignation, ils sont bien décidés à demander à chacun une juste contribution. Le redressement est engagé car je vous le dis, la dette c'est l'ennemi du progrès et le progrès c'est la possibilité de construire une société plus juste.  Je soutiendrai toujours le progrès.

M. Claude Bartolone, Président de l'Assemblée nationale, M. John Boehner,
 Président de la Chambre des Représentants des Etats-Unis
 et M. Andrew Scheer, Président de la Chambre des Communes du Canada
©Ambassade de France aux États-Unis