Les 5èmes rencontres de la laïcité
« Respect et dépassement des différences »
mardi 16 décembre 2014
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux de pouvoir vous accueillir aujourd’hui à l’Assemblée nationale, à l’occasion des cinquièmes rencontres de la laïcité.
Des rencontres qui sont devenues, grâce à toi, cher Jean Glavany, de véritables rendez-vous. Toi dont l’engagement et les combats nous rappellent à quel point les mots socialisme et laïcité s’entremêlent et s’enlacent, par leur histoire, par leur projet : celui de l’émancipation républicaine.
Ils nous rappellent à quel point la laïcité n’a pas besoin d’être simplement invoquée, mais d’être expliquée, pensée et incarnée à travers des exemples concrets.
C’était l’enjeu du « Guide pratique de la laïcité » que tu as publié. C’est l’enjeu également de ces rencontres.
« Respect et dépassement des différences » : tel est le thème que vous avez choisi cette année.
Un thème qui sonne comme une réponse à ceux qui aiment confondre, dans notre pays, unité et uniformité. Un thème qui sonne comme une réponse à ceux qui pensent qu’on peut bâtir une Nation en juxtaposant, simplement, des particularités.
***
En 1936, le penseur marxiste Antonio Gramsci définissait ainsi la crise : « La crise consiste dans le fait, que le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et que dans ce clair-obscur, surgissent les monstres ».
Les monstres, nous connaissons tous ici leur visage. Ce sont les visages de ceux qui menacent notre unité, de ceux qui menacent notre Nation. De ceux qui nous privent de tout destin collectif.
Le visage le plus terrible est bien évidemment celui du fondamentalisme, de ce croyant-ignorant. De celui qui connait mieux Internet que les prophètes, le fanatisme que la culture, les technologies que les Lumières.
Bien sûr, ce sont les visages les plus effrayants et les plus dangereux.
Mais ce ne sont pas les seuls à menacer notre unité.
Il y a également les visages de tous ceux qui se replient sur eux-mêmes, quelle que soit leur croyance. Qui, loin d’accepter et de respecter les différences, tentent au contraire d’en imposer.
Il y a également les visages de tous ceux qui invoquent des lois qu’ils n’ont jamais lues, des principes qu’ils n’ont jamais compris. Les visages de ceux qui tentent de nous faire croire que l’identité de notre pays serait figée depuis des siècles et que la France serait en proie à une guerre culturelle. Que telle ou telle religion serait une menace pour notre pays, ou qu’elle serait simplement incompatible avec la République.
A l’instar des monstres qui rodent dans les rêves d’enfants, les monstres qui hantent notre actualité sont le fruit de nos peurs collectives. Ils se nourrissent de l’ignorance.
Voilà pourquoi des évènements comme celui-ci sont si précieux.
Parce qu’ils nous rappellent l’importance de ce mot : laïcité. Parce qu’ils nous rappellent que la laïcité ce n’est pas le rejet des différences, ce n’est pas le rejet des croyances, ce n’est pas l’uniformité.
La laïcité, c’est notre façon de faire Nation. De rassembler autour de la même table - celle de la République - les enfants de France, quel que soit leur milieu, leur religion ou leur origine.
La laïcité c’est ce qui nous invite à dépasser nos propres différences.
Voilà , pourquoi elle est si essentielle aujourd’hui.
Car oui, un nouveau monde est en gestation. Un nouveau monde mondialisé, « métropolisé », connecté, numérisé… Un nouveau monde dans lequel la place de chaque individu n’est plus déterminée à sa naissance - par sa classe, son milieu, sa famille. Un nouveau monde dans lequel les individus sont amenés à définir, pour partie, eux-mêmes leur identité. Un nouveau monde dans lequel les individus veulent être reconnus dans leur singularité et leur originalité.
Un monde globalisé auquel répond une multitude de crispations identitaires.
Oui, voilà pourquoi la laïcité n’a jamais été autant d’actualité.
Parce que sa force c’est justement de pouvoir conjuguer différences et unité.
Parce que la laïcité c’est la liberté de conscience pour chacun et pour chacune. C’est-à -dire la liberté de croire, mais aussi la liberté de ne pas croire. La liberté de pratiquer une religion, mais aussi la liberté de ne pas pratiquer une religion.
Parce que la laïcité c’est l’égalité entre les religions et entre les croyances.
Parce que la laïcité c’est l’indépendance de l’État par rapport au religieux.
L’indépendance cela ne veut pas dire l’ignorance. J’entends souvent dire « oui mais la loi 1905 affirme que la République ne reconnait aucun culte». Oui, c’est vrai. Mais parce que le mot reconnaître a, dans ce texte, un sens bien précis. Il rappelle qu’à l’époque du Concordat, n’étaient « reconnus », c’est-à -dire n’étaient en vérité autorisés, que quatre cultes sur notre territoire.
La laïcité n’implique pas que l’on ignore ou que l’on méprise les différences. Mais que l’on soit en mesure de les dépasser.
Or on ne peut les dépasser sans les reconnaître et les accepter. À condition, bien sûr, qu’elles respectent dans leur manifestation le cadre de la République.
Un cadre qui permet non seulement d’assumer ses différences mais aussi et surtout de les choisir ; de ne pas être prisonnier des différences de son milieu ou de sa famille.
***
Mesdames et Messieurs,
Vous êtes réunis aujourd’hui à l’Assemblée nationale pour évoquer ce grand principe qu’est la laïcité.
Ce n’est pas un hasard.
C’est ici qu’a été forgée la laïcité.
C’est ici, sur l’enclume de la tribune de l’Assemblée nationale, qu’a été frappée la loi de 1905.
Une loi de libertés qui respecte et protège les différences, tout en permettant de les dépasser.
C’est cet esprit de 1905 que nous devons faire vivre.
C’est cet esprit de 1905 que nous devons réveiller. Comme l’écrivait Victor Hugo : « Quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates, comme on allume des flambeaux ».
Je vous remercie.