Cérémonie de remise des Victoires des Acteurs publics

Victoires des Acteurs publics
jeudi 4 décembre 2014

Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs les nominés,
Mesdames, Messieurs,

Bienvenue à vous tous, ce soir, à l’Assemblée nationale, pour cette nouvelle édition des Victoires des Acteurs publics.

Vous êtes ici dans la maison commune, dans la maison du peuple, dans la maison où chaque pierre, chaque tableau, chaque statue, rappellent qu’au principe de notre action, il y a la volonté populaire, l’intérêt populaire, c’est-à-dire la plus haute exigence pour le monde public.

La France et les Français partagent cette exigence, la classe politique aussi, la France est connue pour défendre ce modèle, notamment ses services publics, même et surtout au sein de l’Union européenne.

Donc tout va bien ... Eh bien non, tout ne va pas bien.

Tout ne va pas bien, parce que ce qu’on appelle la France des services publics, la France de l’État-providence, ce patient ouvrage à l’échelle d’une nation qui se penche sur elle-même, qui se penche sur son peuple, qui se penche sur ces besoins universels, sur son avenir et sur son destin, ce patient ouvrage que partout dans le monde on appelle le modèle français, le modèle social français, le modèle public français, il est plus que jamais à l’ordre du jour de le défendre et de le prolonger.

L’époque, hélas, n’est pas à l’exaltation de la solidarité. Il y en eut dans l’Histoire pourtant, mais ce n’est pas la nôtre. L’actualité nous montre tous les jours des projets de remise en cause de notre système de solidarité.

L’actualité nous montre tous les jours  que s’il est facile de proposer de tout détruire, il est plus difficile de construire, il est plus difficile de préserver, il est plus difficile de résister.

Tout ne va pas bien, car les Français doutent de l’Europe.

Ils ont l’impression qu’on leur demande des réformes structurelles inspirées davantage par une sacrosainte macroéconomie avide de concurrence que par le souci d’amélioration de la vie des peuples.

Tout ne va pas bien, car les Français, trop souvent, doutent de la sincérité de leur Etat. Ils entendent un discours managérial étrange depuis quelques temps, même dans la bouche de leur classe politique, même dans la bouche des grands commis de l’Etat. Ils entendent des chiffres, des pourcentages, des slogans, ils entendent un vocabulaire de gestion, de comptabilité, de présentation d’indicateurs, alors qu’ils attendent des fresques de volontés, des indicateurs de destin, des mots qui changent la vie, des expressions qui déclinent sur la terre les créations de l’imagination. Cette faculté de transformation incarnée par l’action solidaire de l’État, du monde public, c’est cela qui fonde l’espoir, c’est pour cela qu’on est fonctionnaire, c’est pour cela qu’on fait de la politique.

Et pourtant, cette parole de confiance envers un modèle social qui nous protège de l’austérité, qui peut décider d’une croissance de reprise en protégeant les acteurs économiques des aléas de l’Histoire et des cycles économiques, qui peut accompagner la reprise par les investissements publics, qui peut attirer les industries, les talents et les innovations par la promotion d’un milieu de vie économique et humain agréable et protecteur, elle est portée par la France.

Inlassablement depuis mai 2012, notre pays est l’incarnation d’un discours international fondé sur cette exigence. Il la porte, sommet européen après sommet européen, G20 après G20, sommet franco-allemand après sommet franco-allemand.

Et il en faut du courage pour défendre ce que nous célébrons ce soir.

Il en faut du courage pour dire à tous les lauréats de ce soir, tous les nominés de ces Victoires des Acteurs publics :
« continuez, continuez, n’écoutez pas les voix de la désespérance, n’écoutez pas les voix des je ne sais quels déclins, je ne sais quels suicides français, n’écoutez pas les voix qui chantent faux des berceuses dissonantes pour vous faire pleurer, ayez confiance en vous, ayez confiance dans cette grande histoire, dans cette grande nation qui toujours s’est redressée face à l’Histoire, qui n’a éludé aucun des grands défis de la modernité, qui toujours s’est transformée quand il le fallait en un laboratoire fascinant où liberté et modernité, innovation et égalité se sont fondues en une même potion que le monde nous envie et que le monde, si souvent, imite ».

Il n’y a pas d’alternative ? C’est faux ! C’est impossible le modèle français dans la mondialisation ? Impossible ?

Rappelez-vous, déclinologues et millénaristes, rappelez-vous qu’ « impossible n’est pas français » comme l’a écrit Napoléon à un de ses généraux et que notre nation est décrite justement dans les manuels scolaires du monde entier, à la rubrique Histoire, comme celle de tous les possibles.

Impossible, la modernisation ? Impossible, la France publique au XXIème siècle ?

Impossible, alors que l’économie numérique irrigue la France, mais sans que la République ne perde rien de son projet émancipateur ? Oui, notre pays est engagé dans un programme inédit d’économies budgétaires auquel toute l’administration fait face avec courage. Et oui, nous protégerons tous les totems sociaux français, car notre peuple fait des efforts, notre peuple travaille, économise, fait mieux avec moins, et qu’il a droit, ce grand peuple français pour qui rien n’est trop grand, à l’éternité de ses grandes conquêtes, celles de 1789 bien sûr, celles de 1848, celles de 1871, celles du Front populaire, et celles de tant d’autres victoires … 

La pensée française a perdu il y a quelques jours Serge Moscovici, un des survivants de cette période fastueuse de la philosophie de notre pays. Pionnier de l’écologie, du féminisme, il eut, dans son beau livre la Société contre nature, cette belle phrase sur ce qu’on appelle encore les civilisations primitives : « Leurs pierres ne sont pas des pierres d’attente mais des pierres d’assise, fondations d’une construction complète ». Cette phrase refuse qu’aucun peuple, qu’aucune catégorie, qu’aucun sexe ne soient là pour en servir un autre, ne soient là pour autre chose que pour leur dignité et leur droit au bonheur.

Eh bien, il est temps que les gens obsédés par l’externalisation de l’assistance comprennent cela : le modèle social français, l’Etat français de la compétitivité, de la protection et du  service public ne sont pas un moment de l’Histoire, ils n’annoncent pas une période de dérégulation généralisée où certains seront plus riches parce qu’ils sont beaucoup plus influents ou puissants. Le modèle social français, c’est la République.

La République n’est pas que dans ces salons, dans nos réunions finalement trop sages, dans nos colloques définitivement trop policés.

La République, elle est partout dans les créations innovantes des nominés de ce soir, elle est partout où un Français vit, travaille et souffre, elle est dans les rues où nous n’allons pas assez voir ce qui s’y passe, elle est là où les tramways, les hôpitaux, les écoles sont aujourd’hui, iront demain, elle est partout où l’on respire l’air de la liberté et le parfum de l’égalité.

Merci.