Colloque "Les enjeux économiques et stratégiques de l'Outre-mer français du Pacifique"

Discours d’ouverture
Colloque sur les collectivités françaises du Pacifique
Mercredi 5 novembre

Monsieur le Président de l’Association des CCI des Outre-mer,
Monsieur le Président de la Fédération des entreprises d’Outre-mer,
Chers collègues,
Mesdames et messieurs,

C’est avec grand plaisir que j’accueille à l’Assemblée nationale ce colloque consacré aux trois collectivités françaises du Pacifique. Si ces territoires sont à certains égards fort éloignés de notre Hexagone, par la géographie bien sûr, par leurs architectures institutionnelles propres également, ce ne sont pas les territoires oubliés de la République.

La France possède le deuxième domaine maritime mondial. Et la moitié de cet espace de souveraineté se situe dans l’Océan Pacifique. Pour reprendre la formule de Jules Michelet, « c’est par la mer qu’il convient de commencer toute géographie » car « la face du globe paraît bien autrement compréhensible, si l’on en classe les régions par bassins maritimes ». Ce n’est donc pas une provocation ou une tocade que d’affirmer que la France est un des quinze États de l’Océanie lointaine, avec 3 territoires, 550 000 ressortissants et désormais plus d’expatriés dans les États riverains du Pacifique qu’en Afrique.

La France ne peut donc pas se contenter d’être un simple spectateur de cette Mare Nostrum du 3ème millénaire mais elle doit bel et bien s’y affirmer comme un acteur légitime et y faire fructifier ses atouts réels.

Certes, au cours de notre histoire, notre pays a souvent et durablement tourné le dos à la mer. Mais les mentalités évoluent et prennent de mieux en mieux en compte notre potentiel maritime mondial.

Il y a 5 ans, le Grenelle de la mer et le Livre Bleu, avec son plan énergie bleue, ont été particulièrement ambitieux pour les outre-mer avec un objectif de 50% d’énergies renouvelables.

Vos territoires sont en ce sens autant de zones privilégiées d’expérimentation et de démonstration. Qui sait par exemple en métropole qu’un hôtel de grand standing à Bora Bora utilise depuis 2006 le système SWAC, autrement dit la climatisation par eau froide puisée en profondeur et que cette innovation technologique va pouvoir être maintenant déclinée au centre hospitalier de Tahiti ?

Le Livre bleu, c’est aussi la mise en place d’une politique ambitieuse de protection de nos aires marines, avec l’ensemble de la ZEE calédonienne devenue au printemps dernier l’aire marine protégée du « parc naturel de la mer de Corail » et l’adoption par le gouvernement de la Polynésie française d’un programme de politique maritime intégrée.

Dans le champ économique, le Cluster maritime français, avec plus de 300 entreprises membres, est devenu en quelques années le grand outil de promotion du secteur marchand de la France maritime. Il connaît désormais ses déclinaisons ultramarines, dont celle de Polynésie française depuis juin dernier et bientôt, je l’espère, celle de la Nouvelle-Calédonie.

C’est aussi le succès des deux pôles « mer », nos pôles de compétitivité à vocation mondiale de Brest et Toulon qui réunissent plus de 600 membres - établissements de recherche, de conception et de production - et qui mènent une politique active de coopération avec les outre-mer.

Je pense en particulier au partenariat autour des biotechnologies bleues et des énergies marines renouvelables conduit avec la grappe d’entreprises Tahiti Fa’ahotu, le premier pôle d’innovation polynésien.

Si je salue sans ambiguïté le travail réalisé par Jean-Louis Borloo au cours de la précédente législature, je tiens à souligner l’engagement constant depuis deux ans et demi du Gouvernement et de la majorité sur notre politique maritime.

L’an dernier, c’est une séance entière de l’Assemblée nationale qui a ainsi été consacrée à un débat sur celle-ci – et les outre-mer y ont pris toute leur place - . Prochainement, la publication d’une nouvelle stratégie nationale de la mer et des littoraux déclinée pour chaque façade maritime viendra conclure le travail initié par les Assises de l’économie maritime et du littoral. Nous veillerons à ce que les outre-mer, et en particulier les collectivités du Pacifique pour lesquelles les procédures sont souvent plus longues du fait du principe de spécialité législative, en soient naturellement et pleinement partie prenantes.

J’ai souhaité depuis un an accueillir, un soir par mois à l’Hôtel de Lassay, un débat thématique autour de la transition écologique. Hier soir, ces « mardis de l’avenir » étaient consacrés aux outre-mer.

Nous avons mieux compris combien les enjeux sont particulièrement forts dans vos collectivités et quelle est la responsabilité partagée par tous, en premier lieu les responsables publics et les acteurs économiques.

Cette responsabilité, c’est celle de protéger les milieux maritimes comme terrestres et la biodiversité. Parce que ce sont, de façon encore plus évidente et affirmée qu’en métropole, à la fois des patrimoines et des atouts exceptionnels.

Atouts océaniques tout d’abord avec les énergies marines, les molécules de la mer et les ressources minérales profondes dont l’IFREMER a dressé un premier inventaire prometteur en 2010. Plusieurs campagnes ont ainsi eu lieu dans les eaux de Wallis-et-Futuna. Les atouts maritimes, ce sont aussi bien sûr les ressources halieutiques, les ressources commerciales
- avec les relais des grandes routes maritimes - et les ressources touristiques.

Atouts littoraux et terrestres également avec des collectivités désormais mieux intégrées à leur environnement régional.

Trop longtemps, nous n’avons pensé de relations que bilatérales entre la métropole et les territoires d’outre-mer.

Les relations régionales, certes compliquées par les questions politiques et nucléaires, étaient réduites voire inexistantes. Cela a heureusement évolué. Nos voisins du Pacifique ne nous regardent plus comme une puissance coloniale et les collectivités françaises du Pacifique ont développé leurs relations régionales, leurs échanges et leurs investissements, tandis que la France prend progressivement sa place dans la région.

Cette place, trouvée ou retrouvée dans le Pacifique sud, s’exprime depuis près de deux décennies maintenant par un symbole fort : l’installation à Nouméa de la Commission du Pacifique sud, organisme de coopération qui regroupe

27 États et territoires, dont la France et chacune de vos trois collectivités.

C’est la raison pour laquelle votre colloque, cet après-midi, fait œuvre utile : nos compatriotes connaissent encore mal les atouts et les forces de leurs outre-mer et singulièrement, parmi ceux-ci, de leurs collectivités du Pacifique.

Pour dire les choses un peu crûment, les médias n’ont longtemps parlé de vous que sous l’angle touristique quand ce n’était pas pour parler de confrontation communautaire chez les uns ou d’essais nucléaires pour d’autres.

Or vos collectivités, ce sont des territoires d’innovation de performance. Et je ne pense pas simplement à la magnifique filière de grands joueurs que Wallis-et-Futuna offre au rugby français !

Les COM du Pacifique disposent d’une palette de secteurs d’activité très variée, au-delà de l’agro-alimentaire, de la pêche et pour la Nouvelle-Calédonie, de l’exploitation du nickel. Vos territoires disposent aussi, il faut le faire savoir, d’un tissu industriel performant et innovant avec, par exemple, un secteur de la construction navale qui compte des entreprises locales dynamiques, en Polynésie mais aussi en Nouvelle-Calédonie. La Nouvelle-Calédonie possède aussi la plus forte densité artisanale de France, avec 440 artisans pour 10 000 habitants et un tissu industriel composé essentiellement de PME dont 15% seulement ont plus de 10 salariés. Ce maillage est source d’activité et de lien social et il répond directement aux besoins de proximité.

Ce colloque va nous permettre de vous entendre, vous les entrepreneurs de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, pour mieux comprendre comment nous pouvons vous aider. Car ce serait un leurre, dans cet océan au centre de la compétition économique internationale, de croire qu’il y existerait une forme de rente de situation. La France est une nation du Pacifique donc elle doit soutenir ses acteurs économiques pour qu’ils puissent investir afin de relever les défis économiques.

De vos échanges émaneront, je n’en doute pas, des propositions communes aux COM du Pacifique. Je ne doute pas qu’elles seront ensuite portées par vos élus et attentivement étudiées, comme s'y est engagée hier lors de la discussion budgétaire la ministre des outre-mer au sujet de la  défiscalisation. Nous partageons tous cette ambition d’une France qui sache faire fructifier son positionnement au cœur de cette zone stratégique.

Je vous remercie