Colloque « Refaire la démocratie »

Discours d’ouverture du colloque
Refaire la démocratie
Par le Président de l’Assemblée nationale
Jeudi 6 octobre 2016

 

Madame la membre du Conseil constitutionnel,
Madame et Messieurs les Questeurs,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Messieurs les Secrétaires généraux,  
Mesdames et Messieurs les membres du groupe de travail sur l’avenir des Institutions,  
Mesdames, Messieurs,

A vous voir réunis ici, à l’Assemblée nationale, pour ces deux journées consacrées à notre démocratie, le groupe de travail sur l’avenir des Institutions pourrait considérer qu’il a atteint son but.
Il faut dire que le chemin fut long et, disons-le, semé d’embûches.
J’ai annoncée, le 8 octobre 2014, la création de ce cette mission.

Que n’ai-je alors entendu… Un groupe de travail réfléchissant à l’avenir des Institutions à l’Assemblée nationale… mais quelle idée ?! Mais où est donc, la lettre de mission du gouvernement ? Quel est le calendrier ?  A quoi cela pourrait-il bien servir ?

Il est vrai que, dans notre pays - c’est d’ailleurs une particularité française - les révisions de la Constitution ont été pensées à coup de rapport administratif, dans le cadre de commissions composées quasi exclusivement de juristes et de membres de l’administration, et toujours à la demande de l’exécutif. Jamais le Parlement ne s’était saisi de telles questions.
Il se trouve cependant que cette idée n’est pas apparue saugrenue à - au moins - une vingtaine de personnes, dont beaucoup d’entre elles sont aujourd’hui présentes.
Des professeurs de droit ont accueilli avec enthousiasme l’idée de travailler bénévolement avec des historiens et des philosophes, des acteurs de la société civile et du monde syndical… voire même, horresco referens, avec des hommes et des femmes politiques. Pour cela, je voudrais, ici et solennellement, les remercier chaleureusement.  

Merci à vous, Marie-Louise Antoni, Denis Baranger, Marie-Anne Cohendet, Michaël Foessel, Mireille Imbert-Quaretta, Christine Lazerges, Ferdinand Mélin-Soucramanien, Alain-Gérard Slama, Bernard Thibault, Virginie Tournay et Guillaume Tusseau.

Quant aux parlementaires sollicités, à droite comme à gauche,  ils ont également accepté avec intérêt l’idée de ce groupe paritaire et transpartisan, composé d’autant d’élus que de personnalités qualifiées. Ils se sont investis pleinement, dans cette aventure et méritent à ce titre également d’être salués : je pense à Bernard Accoyer,  Marie-George Buffet, Luc Carvounas, Karine Berger, Seybah Dagoma, Cécile Duflot, Arnaud Richard, Alain Tourret, Cécile Untermaier et Marie-Jo Zimmermann.

Un historien de renom - vous le savez - Michel Winock, a accepté de prendre, avec moi, la barre de cette embarcation.
Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? murmurait alors une partie de ses confrères.

Cher Michel Winock, merci pour votre travail, votre engagement, et votre disponibilité.
Il est rare de pouvoir profiter de l’œil avisé d’un historien si reconnu, et d’entendre une parole si passionnante.  
Puisque nous en sommes aux remerciements, je voudrais aussi saluer les partenaires de cet événement : Sciences Po, le CEVIPOF, le GEVIPAR, France Inter, Libération, LCP, et enfin, les éditions Thierry Marchaisse, qui ont assuré la publication de la nouvelle édition du rapport. Enfin et comme toujours, les services de l’Assemblée nationale, pour leur excellence, leur dévouement, et leur engagement, chaque jour, au service de la démocratie.

Le groupe de travail sur l’avenir des Institutions s’est réuni pour la première fois le jeudi 27 novembre 2014. Ses travaux se sont achevés le 2 octobre 2015, soit quasiment un an plus tard.
A l’occasion de 17 réunions, nous avons ensemble procédé à l’audition de plus d’une trentaine de personnalités sur des thèmes aussi divers que la globalisation, l’Europe, le référendum, la démocratie sociale et environnementale, le statut des élus, les partis politiques, la dyarchie et la responsabilité du pouvoir exécutif, le temps politique, les modes de scrutin, le bicamérisme, la simplification législative, le renforcement du Parlement, la représentation des citoyens, ou bien encore la justice…

Le groupe de travail s’est fixé un calendrier simple : prendre le temps de la réflexion. Il n’était pas là pour répondre à je ne sais quelle commande, dans je ne sais quel délai. Notre objectif, ambitieux, n’était pas de proposer un « mécano institutionnel » mais de partir des évolutions profondes qu’a connu notre pays depuis plus de cinquante ans,  pour poser cette vaste question, et tracer quelques pistes : quelles institutions françaises au XXIème siècle ?

Partir, pour une fois, de l’état de notre société, des mutations qu’elle a connues, des besoins qu’elle exprime, avant de se plonger dans le débat juridique : tel était notre feuille de route ; ne pas se concentrer sur un détail, mais dessiner une vue d’ensemble.
Peut-on en dire de même des 24 précédentes révisions constitutionnelles ? Qu’il me soit permis d’en douter… A titre d’exemple, je ne suis pas sûr que toutes les conséquences politiques du quinquennat et de l’inversion du calendrier électoral aient été véritablement anticipées.

Chaque membre a accepté, à l’issue de nos travaux, de se prononcer via un questionnaire préférentiel, comprenant plus d’une centaine de questions et sous-questions, sur chaque proposition et thème abordés.
De ces réponses et de nos débats est né un rapport, et 17 propositions. 17 propositions transpartisanes pour oxygéner et réarmer notre démocratie.  17 propositions que nous avons accepté d’endosser, y compris lorsqu’elles n’étaient pas en accord avec les positions que nous avions défendues au départ. Mais un principe démocratique avait été fixé, il convenait donc le respecter.
17 propositions que nous livrons modestement au débat, sans prétendre qu’elles seraient, à elles seules, à-même de répondre à nos difficultés, ou qu’elles seraient exemptes de toute faiblesse ou de toute contradiction.

Seul mon collègue et prédécesseur Bernard Accoyer, fidèle à sa première intervention, a maintenu sa position de rejet de toute évolution de nos institutions. Par la qualité de ses oppositions, il nous a néanmoins permis d’affiner nos raisonnements  et d’interroger nos certitudes.
Qu’il en soit ici remercié. Et cela d’autant plus qu’il ne peut être parmi nous aujourd’hui en raison d’un deuil familial,  lui qui avait tant à cœur d’intervenir sur la question de l’avenir du Parlement, une question à laquelle il a beaucoup réfléchi et sur laquelle il a longuement écrit. Heureusement, Philippe Gosselin a accepté, au pied levé et pour notre plus grand plaisir, de le remplacer.

Nos propositions ont été présentées le 25 septembre 2015 au Président de la République, et le rapport a été par la suite publié.
Il a produit disons…son effet. Nous voulions mobiliser sur ce thème, inviter les uns et les autres à s’exprimer, à réagir. Force est de constater, qu’il n’est pas passé inaperçu.
Il est devenu rapidement à la fois - c’est la règle du jeu -  l’objet de critiques, mais aussi une boîte dans laquelle certains et certaines sont venus puiser : des analyses, des propositions, des recommandations…
Le septennat non renouvelable est devenu, à la surprise générale, la nouvelle mesure phare à promouvoir et à défendre dans les meetings et sur les plateaux télé.

Nous n’avons rien inventé. Nous avons juste voulu comprendre et susciter le débat sur notre démocratie et nos institutions.
Pas n’importe quel débat, pas un « débat en chambre », réservé à quelques happy few, lecteurs compulsifs de la Constitution.
Même s’il est possible qu’il y en ait quelques-uns qui se soient glissés aujourd’hui parmi nous...  

Voilà pourquoi, à la suite du rapport et de nos débats, qui ont toujours été publics - différence notable par rapport aux précédentes commissions chargées d’aborder ces questions - nous avons décidé de lancer une consultation en ligne.
4 319 personnes ont participé et rempli le même questionnaire que celui qui avait été soumis aux membres du groupe de travail.
Plus de 4 000 personnes pour un sujet dont nous dit qu’il n’intéresse pas les Françaises et les Français…ce n’est pas si mal !  A moins, qu’au contraire, nos compatriotes souhaitent justement que l’on débatte ensemble de notre démocratie.  

C’est, vous l’avez compris, tout notre objectif.
Alors, forcément, vous voir aujourd’hui ici réunis, constater que de nombreuses personnalités politiques de droite et de gauche ont répondu avec enthousiasme à l’appel, tout cela pourrait nous laisser penser que nous avons atteint notre but ultime.

Il n’en est évidemment rien. Nous voudrions au contraire que ces deux journées soient un nouveau point de départ.
Certes, nous sommes extrêmement heureux d’accueillir des députés de gauche et de droite talentueux, dont certains candidats aux primaires de la droite ; de connaître ainsi mieux leurs positions.
Le Président de la République, lui-même, a répondu présent. Les Présidents Nicolas Sarkozy et Valéry Giscard d’Estaing, qui avaient été invités, ont décliné en revanche notre invitation ; le premier pour des raisons d’agenda, le second parce qu’il ne souhaitait pas s’exprimer à la veille des primaires et de la campagne présidentielle.
Quoi qu’il en soit, nous formons le vœu que le débat sur la démocratie vive et mobilise, notamment à l’occasion de la campagne qui s’annonce et par-delà les échéances électorales.

Je formule d’ailleurs à ce titre une proposition. Et si au lieu exceptionnellement de parler d’identité,  nous consacrions un peu de temps à notre démocratie ?
Et si au lieu d’essentialiser le débat, nous invitions nos concitoyens à débattre et à déterminer ensemble le chemin que devra demain emprunter notre Nation ?
Nous l’avons déjà dit : ce rapport est une invitation et ces journées, nous l’espérons, le début d’une longue discussion. Par-delà les hautes personnalités qui nous font l’honneur d’être parmi nous aujourd’hui, je sais aussi que de nombreux étudiants sont venus assister à ces deux journées.
Je les invite eux aussi à se plonger pleinement dans ce débat, à le faire vivre, à exprimer leur position, à s’engager pour que vive la démocratie, et à ne jamais refuser le combat politique qui nous rassemblera toujours davantage que l’apathie.

Comme l’écrivait Louis Barthou, l’un de nos aïeuls parlementaires :

« La peur des coups n’est pas toujours le commencement de la sagesse, il faut souvent, dans l’intérêt public, se décider à en porter et se résigner à en recevoir. La tour d’ivoire ne convient qu’aux poètes. Il est du devoir des autres hommes d’en descendre pour se mêler à l’action. La politique est une bataille dont on ne peut pas recueillir  les bénéfices sans en courir les risques. Si vous ne voulez pas que le Politique soit un politicien et que le mandat s’avilisse en métier, frottez-vous d’huile, entrez dans l’arène et livrez le bon combat pour la cause que vous jugez bonne. Il y a, même en temps de paix, des services commandés ».

Bons débats !