Conférence de presse de Monsieur le Président de l’Assemblée nationale
2 octobre 2013
Mesdames et Messieurs,
La France entre dans l’ère du non-cumul des mandats. Il peut y avoir des tergiversations ; il y en a. Il peut y avoir des débats ; il y en aura aussi. Mais l’engagement du président de la République sera tenu. C’est inexorable, irréversible. Parce qu’il y a une volonté politique et que c’est le sens de l’Histoire.
Je suis même de ceux qui pensent que le non-cumul des mandats peut être un puissant signal adressé à nos compatriotes : la démocratie française avance, se remet en question, s’améliore. Le non-cumul, c’est une conquête démocratique pour la France.
Mais pour que l’Histoire aille dans le bon sens, cette « France du non-cumul », il nous faut la préparer.
J’en suis convaincu, un jour ou l’autre, viendra le temps de la grande réforme constitutionnelle qui permettra de graver dans le marbre un nouvel équilibre des pouvoirs faisant la part belle au parlement. Voilà pour l’idéal.
Mais plutôt que d’attendre le grand soir constitutionnel, je préfère engranger les petits matins. Utiliser les institutions telles qu’elles existent pour avancer par la politique des petits pas. Des petits pas qui, regardez bien, forment un chemin : faire entrer l’Assemblée nationale dans l’ère du non-cumul, et en faire une chance pour la démocratie.
1. Faire entrer l’Assemblée dans l’ère du non-cumul, ça commence par la rendre plus moderne et plus transparente.
Il y a un an, à pareille époque de l’année, je tenais devant vous ma première conférence de presse. Je prenais un certain nombre d’engagements – et je vous encourage à me relire.
On ne prend pas assez le temps de revenir sur les textes prononcés. Pourtant, c’est fondamental quand on veut installer un peu de cohérence et de continuité dans une action.
Mais surtout parce que je suis convaincu que la meilleure manière de renouer le lien de confiance entre les Français et leur démocratie, c’est le sens de la parole donnée, c’est la politique par la preuve. Dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit.
Il y a un an, je vous annonçais que l’Assemblée nationale entrait dans l’ère de la sobriété budgétaire. Parole tenue.
La règle que j’ai édictée a été mise en oeuvre : zéro euro de plus pour le budget de l’Assemblée nationale pendant 5 ans. La dotation de l’Etat était de 518 millions d’euros en 2013. Elle sera de 518 millions d’euros les années suivantes.
Des économies ont été réalisées, notamment sur les frais de déplacement. Dorénavant, toute nouvelle dépense de l’Assemblée nationale est gagée sur une économie. Et je veux remercier les Questeurs pour leur efficacité dans le respect de nos objectifs.
Il y a un an, je vous disais ma volonté d’aller vers plus de transparence dans nos comptes. Parole tenue.
Les comptes de l’Assemblée sont désormais soumis à la certification de la Cour des comptes, par convention signée le 23 juillet 2013. J’ajoute que l’exercice 2012 a été publié sur le site Internet de l’Assemblée pour une totale transparence.
Il y a un an, je vous promettais une réforme de l’IRFM attentive à la fois à l’exemplarité et à la garantie d’indépendance. Parole tenue.
L’indemnité représentative de frais de mandat a été réduite de 10% au 1er janvier 2013. Cette mesure a dégagé 4,4 millions d’euros qui ont été reversés sur le crédit collaborateurs afin d’améliorer la situation des assistants parlementaires. Une mission relative à l’IRFM, permettant d’en définir les usages avec plus de précisions, a été confiée à la Déontologue, Mme Noëlle Lenoir, qui présentera en novembre ses conclusions aux membres du Bureau.
Il y a un an, je m’engageais à ce que le voile soit levé et l’arbitraire rompu en ce qui concerne la réserve parlementaire. Parole tenue.
Nous avons changé la règle du jeu en faveur de plus d’équité – dorénavant, un député de l’opposition dispose d’autant de crédits qu’un député de la majorité.
De plus de transparence – l’Assemblée nationale publiera en fin d’année l’utilisation qui en a été faite par chaque député.
Il y a un an, je m’engageais à réglementer l’activité des représentants d’intérêt à l’Assemblée nationale. Parole tenue.
Le 27 février 2013, Monsieur Christophe Sirugue, Vice-Président de l’Assemblée nationale, a remis un rapport sur le lobbying à l’Assemblée. Plusieurs des recommandations de ce rapport sont entrées en application hier.
Il y a un an, je m’engageais à ouvrir les portes et les fenêtres de l’Assemblée nationale. Parole tenue.
L’Assemblée nationale est devenue une véritable « ruche ». Les partenaires sociaux, les entrepreneurs, les représentants des territoires, le monde de la Justice, les think-tank de toutes sensibilités, tels que la Fondation Jaurès, l’Institut Montaigne, la Fondation Schuman, Terra Nova et bien d’autres, ont été associés à des initiatives à l’Assemblée nationale.
***
Mesdames et Messieurs, la première année de cette législature aura permis de remettre l’Assemblée nationale sur les bons rails. Je n’ai pas dévié d’un iota de la philosophie que j’énonçais il y a un an : ni immobilisme ni populisme. Pas dévié non plus des précautions que j’indiquais : la transparence et l’indépendance.
Nous avons avancé. Sans démagogie, sans stigmatisation. Et je dois vous dire que ma plus grande fierté, c’est d’avoir obtenu le consensus des groupes politiques sur ces réformes. Il y a ce qui relève des choix politiques, et l’Assemblée est le lieu de la confrontation démocratique entre deux visions et deux chemins. Mais il y a aussi ce qui relève de la responsabilité républicaine. Celle-là mérite bien un consensus. Il s’est produit. Je ferai en sorte que cet état d’esprit demeure pour la deuxième année de la législature.
2. Faire entrer l’Assemblée nationale dans l’ère du non-cumul, c’est aussi lui permettre de mieux travailler pour mieux légiférer et mieux évaluer.
L’Assemblée nationale doit travailler de manière plus organisée, plus efficace. J’ai proposé début 2013 d’instituer un groupe de travail sur l’organisation et le fonctionnement de l’Assemblée nationale. Ce groupe, respectueux des équilibres entre la majorité et l’opposition, a pu dégager une majorité autour de quelques propositions qui sont autant de petits pas.
Je déposerai donc d’ici à la fin de l’année une proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale.
Parmi les 11 mesures soumises au Bureau, je proposerai que l’ouverture de journées supplémentaires soit désormais soumise à autorisation de la Conférence des Présidents.
De même, il ne pourrait plus être dérogé à l’heure limite pour les séances de nuit sans autorisation préalable de la Conférence des Présidents.
Une proposition sera faite pour limiter la durée moyenne consacrée à la discussion générale.
Je proposerai une modification de la composition du Comité d’évaluation et de contrôle, de manière à assurer une participation accrue des groupes politiques.
Une proposition sera faite pour limiter les recours abusifs à la procédure des questions écrites et renforcer les garanties de réponse dans un délai raisonnable.
Enfin, des mesures seront présentées pour consolider les droits des groupes minoritaires et d’opposition.
Mieux travailler, disais-je, pour mieux légiférer. Nous devons retrouver le sens de la loi. Au fond, il s’agit de savoir comment faire pour que la loi soit en mesure de répondre aux défis du monde qui vient. Un monde qui va plus vite et qui réclame plus d’agilité mais aussi davantage de repères.
Certes, nous ne votons pas plus de lois aujourd’hui qu’hier, contrairement à une idée reçue. Mais la taille des textes a explosé. En 1975, les lois promulguées faisaient en moyenne 4 pages. Au début des années 2000, elles en font près de 24. La loi est devenue trop bavarde.
Voilà pourquoi je souhaite que l’Assemblée définisse une nouvelle stratégie pour mieux légiférer. Mes services ont d’ores et déjà commencé à travailler en lien avec Monsieur Thierry Mandon, particulièrement investi sur ce sujet.
Et je proposerai prochainement à la conférence des Présidents la création d’une mission d’information sur ce que doit être le juste périmètre de la loi.
Par ailleurs, 2014 sera l’année de l’évaluation des grandes lois votées par le parlement. Je dois vous dire ma fierté devant le travail accompli par la mission d’évaluation des emplois d’avenir conduite par Monsieur Jean-Marc Germain. C’était un pari. Certains n’y croyaient pas. D’autres y voyaient malice. Au final, cette expérience est plus que prometteuse. Nous allons la généraliser.
Je vous annonce que la prochaine mission d’évaluation parlementaire se penchera sur la mise en place de la Banque publique d’investissement.
3. Enfin, Mesdames et Messieurs, l’Assemblée nationale du non-cumul, elle doit mieux « éclairer ».
Le parlement doit être porteur du temps d’avance. Il doit être ce lieu où l’on pense, où l’on prépare la France de demain et d’après-demain.
L’Assemblée nationale doit être aux avant-postes de la révolution verte. Et je veux faire de la transition écologique la grande cause de l’année 2013/2014 à l’Assemblée nationale.
Adopter des comportements éco-citoyens est la moindre des choses quand on prétend porter une parole sur la transition écologique. Nous allons en prendre toute notre part en 2014. Mais je ne veux pas que nous nous contentions de réaliser quelques gestes éco-citoyens, si indispensables soient-ils.
J’ai constaté durant le débat national sur la transition énergétique, que c’est un chantier si riche qu’il n’a pas trouvé son public, ni dans les médias, ni chez les parlementaires.
Je souhaite que la représentation nationale prenne sa part dès aujourd’hui dans la réflexion et la sensibilisation aux enjeux de cette transition.
Tous les premiers mardis du mois, se tiendront à l’Hôtel de Lassay, les Mardis de l’Avenir, manifestations dédiées à l’échange et à la confrontation d’idées pour que nous soyons producteurs d’intelligence et d’initiatives dans le domaine de la transition énergétique. Je vous donne rendez-vous mardi 5 novembre pour la première des Mardis de l’Avenir qui sera consacrée à la question des transports.
L’Assemblée doit aussi se mêler davantage de l’autre grande question d’avenir : quelle Europe ?
L’Assemblée nationale ne saurait être le « petit greffier » de la commission et du parlement européens. Quand on sait combien les lois européennes sont omniprésentes dans la vie des Français, le parlement du non-cumul ne doit plus se contenter d’un rôle de transposition, mais assumer un rôle de coproduction – tel que le prévoit le traité de l’Union européenne dans son article 12, ne l’oublions pas.
Je souhaite donc que l’Assemblée se mêle davantage de ce qui la regarde. Je veux qu’elle s’immisce dans la production des normes européennes.
Comment ? En introduisant à l’Assemblée nationale le réflexe européen.
Ça commence par l’organisation du travail en interne et la mise en valeur des sujets européens dans le travail parlementaire. On ne peut plus accepter que le parlement intervienne après la bataille des normes à Bruxelles ou à Strasbourg. J’aurai l’occasion tout au long de l’année de faire des propositions en ce sens au Bureau de l’Assemblée nationale.
- Comment armer les commissions thématiques ? Pourquoi pas par l’intermédiaire d’un agenda européen au sein de chaque commission. Nos amis allemands le font, pourquoi pas nous.
- Comment rendre l’Assemblée plus présente dans le lobbying européen ?
- Comment accompagner le futur gouvernement de la zone euro que François Hollande appelle de ses voeux ?
Enfin, je souhaite que l’Assemblée nationale se penche sur la troisième question majeure des années et décennies qui viennent : l’intégration républicaine.
Songez que depuis 1945, il n’y a jamais eu de débat parlementaire sur cette question à l’Assemblée nationale… L’Assemblée doit réinvestir ce sujet.
Elle a déjà commencé à le faire. Souvenez-vous, la conférence des présidents a créé une mission d’information sur les immigrés âgés, qui a rendu un rapport remarqué – je salue le travail de Messieurs Alexis Bachelay et Denis Jacquat. Plusieurs ministres ont pris des engagements forts : nous veillerons à ce qu’ils soient pleinement respectés.
Mais il est temps d’aller plus loin et de se mettre en ordre de bataille pour penser véritablement les politiques d’intégration.
Il existe en France un Haut conseil à l’intégration. Nombreux sont ceux qui réclament sa suppression. Simone Veil elle-même – alors qu’elle en a été la présidente – estimait, il y a déjà dix ans, que cette structure était devenue inefficace…
Il est temps de supprimer ce comité Théodule.
En contrepartie, je proposerai au Bureau de l’Assemblée que soit créé un « Office parlementaire des migrations, de l’intégration et de la nationalité ».
J’aurai l’occasion de revenir dans les semaines qui viennent sur cette proposition.
***
Mesdames et Messieurs, j’en termine.
Je suis toujours frappé par une chose. Lors des journées du patrimoine – et désormais des Nuits Blanches à l’Assemblée – nos services rivalisent d’imagination pour faire face à l’afflux de Français qui viennent voir, toucher et photographier la Maison de la Nation – et permettez-moi au passage de saluer les fonctionnaires de l’Assemblée dont je ne louerai jamais assez la qualité, la neutralité et le dévouement.
Et dans le même temps, tous les sondages révèlent qu’une grande majorité de nos compatriotes ont une image… comment dire… « dégradée » des parlementaires en général.
Et nous devrions nous satisfaire de cela ? Nous devrions faire avec ? Moi, je ne me résoudrai jamais à ce que l’Assemblée nationale soit ce lieu dont on dit qu’on aime les paysages sans en aimer les habitants. Ce n’est pas une fatalité. Nous avons prise là-dessus. Et tout a été fait en ce sens durant la première année de cette législature.
Pour cette deuxième année, l’Assemblée nationale marche sur ses deux pieds : elle veut se moderniser et elle veut se renforcer pour être au rendez-vous de la France du non-cumul.
Au-delà, chacun de nous en est conscient, cette nouvelle ère nécessitera plus que des ajustements. Je souhaite que dès la promulgation de la loi interdisant le cumul, une mission exceptionnelle soit instituée, composée à la fois de parlementaires et de constitutionnalistes, pour établir des propositions d’évolution de la place de l’Assemblée nationale dans nos institutions.
Je vous remercie.