Conférence de presse
«Aide européenne aux plus démunis »
Hôtel de Lassay, 21 janvier 2013
Il est des moments d’unité nationale. Nous l’avons récemment connu, et nous continuons de le vivre avec le soutien unanime de la Représentation nationale à nos soldats engagés au Mali.
Je crois aussi qu’il est des questions essentielles de cohésion nationale qui peuvent nous réunir. L’avenir de l’aide européenne aux plus démunis est de celles-ci.
C’est pourquoi, alors que les négociations vont prochainement reprendre en vue du Conseil européen des 7 et 8 février, j’ai proposé à l’ensemble des groupes de l’Assemblée nationale de nous réunir aujourd’hui pour affirmer notre volonté commune que l’Europe continue à aider les plus pauvres des Européens.
Jeudi prochain, l’Assemblée aura également l’occasion d’exprimer son unité lors d’un débat dans l’hémicycle organisé sur ce thème à l’initiative de la commission des affaires européennes. Je vous prie d’ailleurs d’excuser aujourd’hui sa présidente, Danielle Auroi, qui est dans le cadre de ses fonctions en déplacement ce matin à Bruxelles avant de nous rejoindre à Berlin.
J’ai aussi souhaité associer à cette unité, la société civile, et je salue la présence aujourd’hui dans cette salle des quatre associations gestionnaires de l’aide européenne en France : Les Restos du cœur, Le Secours populaire français, les Banques alimentaires françaises et la Croix rouge française.
Je salue Véronique Colucci. On sait que le combat de Coluche n’a pas peu compté pour la mise en place par Jacques Delors du premier programme d’aide européen.
Depuis deux ans est en discussion l’avenir de l’aide européenne aux plus démunis. Depuis 25 ans, elle était fondée sur une utilisation des excédents agricoles de la PAC.
La réduction de ces excédents agricoles a mené certains de nos partenaires à remettre en cause le financement de cette aide : son montant, et même son principe.
La France se bat, aux côtés des associations, pour, non seulement maintenir, mais pérenniser cette aide.
Je veux saluer ici la détermination et l’engagement du Président de la République, qui s’est personnellement impliqué, et du gouvernement pour sortir ce dossier de l’ornière dans laquelle il était tombé. Je pense à l'action à Paris et à Bruxelles des trois ministres Bernard Cazeneuve, Marie-Arlette Carlotti et Guillaume Garot.
La France soutient le projet de fonds qui permettrait d’élargir l’aide non plus seulement à l’aide alimentaire, mais à des démarches d’inclusion sociale.
Les associations qui sont ici savent combien l’aide alimentaire est essentielle mais ne peut pas se suffire à elle-même. Elle est l’outil d’un premier contact pour ouvrir un dialogue vers une vraie démarche d’insertion. Offrir un repas, c’est s’offrir l’opportunité de parler d’hébergement, de santé, de recherche d’un emploi.
J’ai eu l’occasion de le constater une nouvelle fois le 21 novembre dernier lors d’une visite dans un nouveau centre des Restos du cœur.
La discussion de ce budget européen pour les années 2014-2020, qui s’inscrit dans un contexte financier que nous connaissons tous, est particulièrement difficile.
L’Europe doit gérer ses finances au plus juste, chacun en convient, mais il me parait absurde qu’elle le fasse au détriment de l’aide aux plus démunis.
Le Programme européen aide aujourd’hui 18 millions de d’Européens. Comment pourrait-on, aujourd’hui, en pleine crise, renoncer à un tel soutien alors même que l’Union doit se fixer comme objectif de faire baisser la pauvreté de 25% d’ici 2020.
Les dernières propositions sur la table sont déjà très exigeantes. La Commission européenne a proposé une enveloppe de 2.5 milliards et une enveloppe de 2.3 milliards a été débattue lors du dernier Conseil européen de novembre.
Les associations, et la Commission elle-même, considèrent déjà que ces crédits seront nettement inférieurs aux besoins. On ne peut donc pas envisager une nouvelle réduction.
Certains de nos partenaires considèrent que cette aide devrait relever des seuls Etats membres. Ce serait une application du principe de subsidiarité. Ils ne remettent donc pas seulement en cause le niveau des crédits budgétaires mais le principe même d’une aide de l’Europe aux plus pauvres.
Je pense que cet argument n’est pas seulement funeste pour les plus démunis, elle est funeste pour l’Europe elle-même.
Je crois que ce n’est pas l’Europe que la France veut. Je crois que ce n’est pas l’Europe que souhaitent les personnes rassemblées dans cette salle.
Je le dis avec force : la crise économique que nous traversons soumet l’Union Européenne à un défi sans précédent. Chaque euro du budget européen doit être un euro utile, des économies sont nécessaires.
Mais, porter atteinte au programme européen d’aide aux plus démunis, ce ne serait pas seulement revenir sur une politique européenne essentielle, ce serait une remise en cause d’une certaine idée de l’Europe.
L’Europe ne peut pas être perçue par nos concitoyens comme une structure bureaucratique chargée de s’occuper des marchés, des capitaux. Elle doit être une Europe de la solidarité. Il faut donc qu’elle continue à s’engager pour les plus pauvres. Certes les contraintes budgétaires de l’Europe sont fortes, mais j’appelle à une prise de conscience. Il en va de l’avenir de l’Europe : elle ne peut pas se construire en laissant de côté les plus fragiles.
Plus que jamais dans la crise, cette aide européenne doit être maintenue et suffisamment dotée.
Plus que jamais dans la crise, l’Europe doit être aux côtés de ceux de ses citoyens qui ont le plus besoin de sa solidarité.