Séminaire de lancement du jumelage
Académie diplomatique, Rabat, lundi 13 juin 2016
Madame la directrice de l’Académie marocaine des études diplomatiques,
Mesdames et Messieurs les représentants du Corps Enseignant,
Chers cadres-stagiaires de l’Académie marocaine des études diplomatiques,
Je suis très heureux d’être ici parmi vous, à l’Académie marocaine des études diplomatiques. C’est un lieu exceptionnel, et sa réputation traverse la Méditerranée. Votre académie porte une grande ambition pour la nouvelle génération de diplomates marocains. Elle est réputée pour l’excellence de la formation qu’elle dispense, par les partenariats internationaux qu’elle développe.
Vous avez l’intelligence de vous tourner à la fois vers l’Afrique, en accueillant un certain nombre de cadres-stagiaires venant des autres pays du continent, et vers l’Europe, et notamment la France. Je pense évidemment, en disant cela, à l’accord qui a été signé avec l’École nationale d’administration française, et dans le cadre duquel deux évènements ont déjà pu avoir lieu. Je salue à ce titre le travail accompli par la directrice de l’Académie, Nadia El Hnot.
Parlons de la Méditerranée. Le Maroc et la France ne sont pas deux pays comme les autres, et leurs relations ne sont pas de simples relations diplomatiques bilatérales. Il faudrait parler, au minimum, d’un partenariat d’exception. Les pays bordant les rives méditerranéennes font face à plusieurs défis d’envergure : l’amélioration de la démocratie, le danger du terrorisme, qui a frappé en 2015 la Tunisie, la France par deux fois, et la Belgique le 22 mars.
Je pense aussi à l’afflux de réfugiés par centaines de milliers espérant trouver en Europe un nouvel avenir et qui, trop souvent, trouve la mort dans une mer qui, de berceau de la civilisation, en est devenue le tombeau.
Face aux éléments tourmentés, la relation d’exception franco-marocaine apparait comme un pont solide. Le partenariat qui unit le Maroc et la France, au-delà d’une relation bilatérale privilégiée, est aussi un moteur essentiel du développement de la coopération de l’espace euro-méditerranéen. Le Dialogue en Méditerranée Occidentale, dit Dialogue 5+5, a ainsi été lancé à Rome en 1990 à l’initiative de la France, pour favoriser la concertation à la fois au Maghreb et entre les deux rives de la Méditerranée occidentale. Il regroupe cinq pays de la rive nord (Espagne, France, Italie, Malte et Portugal) et les cinq pays du Maghreb (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie). Après une pause marquée lors des évènements de 2011, le Dialogue 5+5 a été relancé le 6 octobre 2012 à La Valette.
Le Maroc a, lui aussi, toujours joué un rôle très actif dans le Dialogue 5+5. Nos priorités, centrées sur la jeunesse, l’économie et la sécurité, sont parfaitement convergentes. Arrivant après la visite du Président François Hollande à Tanger, la co-présidence franco-marocaine du 5+5 illustre bien le moteur méditerranéen que nous représentons.
Les projets décidés sont portés par ce que nous nommons Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée. Le 13 juillet 2008, l'UpM a pris la suite du partenariat qui existait depuis 1995. L’UpM compte 43 membres : les 28 États membres de l’Union européenne et 15 États riverains de la Méditerranée. La Libye est observateure depuis 2013.
L’UpM a su évoluer sous l’impulsion de son Secrétaire général, marocain, M. Fathallah Sijilmassi.
Elle est devenue, dans le cadre d’une coopération régionale renforcée, une institution dynamique. La France est pleinement engagée dans ses projets. Je peux citer par exemple le projet actuellement en cours « Femmes d’avenir en Méditerranée », qui offre un programme de formations et de renforcement de capacités à l’attention des jeunes femmes issues de la rive sud de la Méditerranée.
Un autre projet d’envergure, mis en œuvre dans le cadre de l’UpM et qu’il convient de saluer, est celui de l’Université Euro-méditerranéenne de Fès (UEMF). C’est un établissement d'enseignement supérieur et de recherche à caractère régional plein d’avenir, d’excellence et d’ambition, dans la ville d’une des plus anciennes et prestigieuses universités du monde.
Pour mener à bien ses projets, l’UpM s’est par ailleurs doté d’un opérateur culturel : la Fondation Anna Lindh (FAL) pour le dialogue des cultures.
Créée en 2005 à Alexandrie dans le cadre du troisième volet du processus de Barcelone, elle promeut le dialogue interculturel. S’appuyant sur un ensemble de réseaux nationaux de 4000 organismes, pour la plupart issus de la société civile et répartis sur 42 États euro-méditerranéens, la Fondation a vocation à servir de catalyseur pour promouvoir les échanges, la coopération et la mobilité des personnes à tous les niveaux, en visant les jeunes et leurs activités. La présidente de la Fondation Anna Lindh est, depuis janvier 2015, Élisabeth Guigou, d’ailleurs présidente de la commission des affaires étrangères de notre Assemblée nationale.
Vous voyez que les députés et les parlementaires peuvent parler de diplomatie et agir sur les questions diplomatiques.
Cela n’allait pas toujours de soi, et je me souviens d’un grand ministre français des affaires étrangères (Hubert Védrine) qui disait que l’expression diplomatie parlementaire était une contradiction dans les termes. Je dois rassurer les tenants de cette opinion : il n’y a pas deux diplomaties en France. Les affaires étrangères, c’est le domaine du Président de la République, dont la volonté et la stratégie sont servies par un ministère. Les parlementaires jouent un rôle de plus en plus important, non pas contre, mais avec l’exécutif.
Je suis convaincu que la diplomatie parlementaire a toute sa place à côté de l’action gouvernementale. Elle n’est pas le fait de spécialistes des relations internationales mais elle permet à des hommes qui viennent d’horizons différents, qui exercent des métiers différents, qui ont des opinions différentes de nouer des relations, des amitiés souvent, avec les élus d’autres pays et ainsi de rapprocher les peuples.
En tant que Président de l’Assemblée nationale, je reçois souvent des chefs d’État, des ministres étrangers, et nous avons ensemble un rôle de clarification, d’impulsion important. Les députés peuvent également adopter des résolutions sur des sujets internationaux.
Surtout, l’Assemblée nationale doit être liée, connectée au monde entier. C’est l’objet de ses 168 groupes d’amitié qui jouent un rôle fondamental d’explicitation, de préparation, d’entretien des relations bilatérales.
L’Assemblée nationale française est enfin devenue une des instances parlementaires les plus déterminées dans le monde en matière de renforcement de la démocratie parlementaire. A ce titre, elle est le partenaire privilégié de tous les acteurs multilatéraux présents sur le terrain.
C’est d’ailleurs un jumelage avec le Maroc créé à la suite d’un appel d’offre de l’Union européenne portant sur l’organisation du travail parlementaire au sein de la Chambre des représentants qui me vaut le plaisir d’être ici avec vous aujourd’hui.
Les relations nouées dans le cadre de la diplomatie parlementaire permettent enfin de partager les défis communs que nous avons à relever : c’est particulièrement vrai dans le cadre euro-méditerranéen.
Ainsi en est-il du défi climatique : de nombreux échanges entre parlementaires des deux rives de la Méditerranée ont eu lieu pour la préparation de la COP21 à Paris l’an dernier. Ce travail continue aujourd’hui et le fait que la COP22 ait lieu au Maroc ne peut qu’encourager la poursuite de cette coopération.
Je pense au terrorisme : les échanges constants que nous avons avec les parlementaires étrangers sur ce sujet conduisent chacun à prendre conscience que les solutions ne sont pas nationales mais nécessitent une coopération intense entre la rive Nord et la rive Sud de la Méditerranée. C’est un sujet de débat dans les assemblées parlementaires internationales, dans les rencontres entre groupes d’amitié. Les parlementaires peuvent ainsi s’inspirer des politiques et des bonnes pratiques relevées au cours de ces échanges.
Je pense enfin à l’éducation et la place faite à la jeunesse. Au Nord comme au Sud de la Méditerranée, c’est la jeunesse qui est la plus durement touchée par les difficultés d’accès à la formation, par le chômage et nous devons, chez nous comme chez vous, offrir à nos jeunesses la confiance en l’avenir, la promesse d’un monde meilleur.
Pour conclure, je veux vous dire que nos traditions diplomatiques viennent de loin, et sont aussi anciennes que nos nations et nos civilisations. Nous sommes deux peuples frères, aux Histoires entrelacées comme les arabesques sculptées des Almoravides que l’on admire avec tant de plaisir sur les murs de vos villes. Notre relation et notre amitié sont issues de l’aube des siècles, et ne s’éteindront jamais.
Vive la diplomatie marocaine ! Vive le peuple marocain !
Vive le Maroc ! Et vive la France !