Déplacement en Algérie

Discours de M. le Président
Ouverture des travaux de la Grande commission
France-Algérie
Assemblée populaire nationale, Alger, jeudi 2 juin 2016 

Monsieur le Président, cher Mohamed-Larbi Ould Khelifa,
Mesdames et Messieurs les élus de l’Assemblée Populaire Nationale, chers collègues,

Croyez bien, chers amis, que c’est un grand plaisir pour nous, pour tous les membres de notre délégation, d’être reçus aujourd’hui à l’Assemblée Populaire Nationale à l’occasion de cette session de la Grande commission interparlementaire.

La Grande commission n’est pas, on le sait désormais après ces quelques années, un simple lieu de coopération. Nous ne nous réunissons pas pour échanger quelques concepts d’actualité, quelques informations, quelques résultats de techniques de gestion de la vie parlementaire.

Bien au contraire, cette Grande commission s’avère avec le temps ce qu’elle promettait de devenir lors de sa longue période de gestation, le lieu par excellence d’exercice d’une amitié, l’amitié profonde, irréductible aux affres de l’Histoire, éternelle entre deux peuples souverains, le peuple algérien et le peuple français.

En 2013, lorsque nous inaugurâmes ici même ce chapitre privilégié de notre histoire parlementaire commune, je ne doutais pas de sa fertilité et de la solennité du moment. Une Grande commission interparlementaire, c’est bien davantage qu’un acte de diplomatie, c’est l’hommage d’un peuple à la souveraineté d’un peuple frère. 

Il demeure désormais décisif que les Grandes commissions se tiennent le plus régulièrement possible, pour que nos peuples conviennent de leurs analyses, de leurs réflexions sur une marche du monde que nous ne pouvons, d’une rive à l’autre de la Méditerranée, regarder ou examiner seuls. Est-ce de  l’espoir d’influence ? Je ne crois pas. Est-ce une occasion de faire un point sur une relation bilatérale féconde et intense ? Je ne crois pas non plus, nos diplomaties ne manquant guère d’occasions d’accompagner les innombrables projets économiques, sociaux, culturels, de coopération civile, qui lient nos deux pays. 

Non, notre Grande commission est bien plus grande que tout cela. Je suis né, moi aussi, sur la rive sud de la Méditerranée. Comme vous, j’ai appris à regarder l’horizon de la mer vers le nord.
Je sais distinguer dans les paroles ou dans les regards de mes compatriotes l’amour et l’attachement à une terre, à une culture, à une histoire, à une langue.
L’Algérie n’est pas que la terre d’en face, qu’une terre que tant de Français ont passionnément aimée. Non, l’Algérie est la terre, la culture, l’imaginaire, le souvenir et l’actualité de milliers et de milliers de mes compatriotes qui ont de la famille ici, qui sont quelquefois nés ici, qui un jour, peut-être, reviendront pour deux jours, deux ans, ou pour toujours, dans ce pays qui leur est si cher, qu’ils regardent et qu’ils aiment comme eux-mêmes. 

Pour l’instant, nous sommes ici pour travailler, et revenons à notre journée. Plusieurs députés m’accompagnent, amoureux ou proches de votre pays.
Je vous remercie d’avoir accueilli si généreusement, et dans les meilleures conditions pour un travail fructueux, mes collègues députés Patrick Mennucci, Sylviane Bulteau, André Chassaigne, Marcel Bonnot, Kheira Bouziane-Laroussi,  Michel Sordi,  Pouria Amirshahi, ainsi que le Secrétaire général de l’Assemblée nationale, Michel Moreau.
Les heures qui viennent nous verront aborder et approfondir avec vous deux thèmes particuliers qui composent l’agenda de la Grande commission de cette année. Le premier thème sera le partenariat algéro-français dans le domaine de l’investissement et du commerce ; le deuxième la sécurité et la lutte contre le terrorisme dans la région Méditerranée.
Les deux thèmes ont été choisis au plus près de l’intérêt de l’amitié entre nos deux peuples. Les relations économiques et commerciales entre l’Algérie et la France sont constantes, intenses et n’ont cessé de se développer. Elles ont triplé depuis le début de notre jeune siècle.

La France est le deuxième partenaire économique de l’Algérie, le premier investisseur en Algérie.
Partenaires privilégiés, nous devons encore et encore tout faire pour améliorer la fluidité des relations entre nos entreprises, entre nos travailleurs, entre nos produits et nos ressources.
En ce qui concerne la sécurité et la lutte contre le terrorisme, les besoins sont urgents, et nos peuples sont inquiets. Dignes et courageux toujours, héroïques quelquefois, attentifs et pleins d’espoir, nous devons collectivement répondre à leurs légitimes et compréhensibles inquiétudes. Je dis « collectivement », car nous devons les rassurer et leur assurer que l’avenir de nos enfants doit s’inscrire dans un avenir que ne doivent pas assombrir les peurs des bombes, des guerres, des terrorismes et des conflits armés. Nous savons que le peuple algérien, peuple libre par excellence, ne se laissera jamais dominer ni par la peur ni par l’intimidation. 

Nous avons tous en tête l’odieuse attaque du site gazier d’In Amenas, en janvier 2013, qui fit 67 victimes. Nous savons que l’Algérie a fait face avec un courage et une résolution que vos amis admirent.
Depuis, la France a été victime d’attaques odieuses et contre lesquelles nous avons dû, nous, la représentation nationale, réagir avec force.
Depuis, la Méditerranée, berceau de notre civilisation commune, est devenue, trop souvent, un tombeau pour des milliers d’innocents qui fuient la guerre.
Depuis, de grandes instabilités, dont résultent tant de violences, tant d’effroi, se sont installées, proches de vous. 

Aujourd’hui, ensemble, nous travaillerons à l’action de nos peuples devant ces circonstances que l’Histoire impose. Je ne rentrerai pas dans les détails ni les polémiques, mais je dirai juste un mot.  
Quel que soit l’avenir des politiques de sécurité, non seulement rien ne doit se faire sans l’Algérie, mais l’Algérie doit disposer d’une voix prépondérante dans les projets de l’avenir. Toutes les actions de coordination régionale doivent s’inspirer de la grande expérience de l’Algérie dans la lutte anti-terroriste. Oui, vous disposez de cette expérience, l’Histoire vous a contraint à la construire. Vous vous êtes battus, il n’y a pas si longtemps, tout le monde s’en souvient, seuls, oui, seuls contre la furie de ces mêmes tortionnaires. L’intérêt de nos deux pays de se nourrir de l’expérience de l’autre est évident, avec, comme but, comme enjeu, un renforcement radical de la coopération opérationnelle. C’est ainsi que nous construirons ensemble la paix et des enceintes régionales capables de la garantir. Et cela suppose, il est vrai, de renforcer les mécanismes bilatéraux pour une coopération opérationnelle au Sahel.

Chers amis, nous sommes ici pour construire ensemble un beau chapitre de notre Histoire commune. Nos rivages ont connu les mêmes architectes, les mêmes cultivateurs, les mêmes philosophes, les mêmes artistes, les mêmes ingénieurs, les mêmes rêveurs. Ils étaient phéniciens, ils étaient grecs, ils étaient romains. Aujourd’hui, il y a des mosquées et des églises des deux côtés de la Méditerranée, des livres se vendent dans nos langues respectives, se traduisent et parlent de nos terres, de nos religions, de nos Histoires et de nos soucis d’une rive à l’autre. Les études arabes fleurissent en France, les musiques arabes, berbères se jouent et électrisent. En Algérie, la Francophonie demeure vivante et accueillante, en permettant à la langue française de vivre une vie propre à votre beau pays, cette langue française que votre immense écrivain Yacine Kateb avait déjà qualifiée, pour les algériens, de belle « prise de guerre ».

Nos peuples nous regardent. Algériens et Français, avec leur cortège de gloire et leur idéal de grandeur et de paix, nous regardent.

Vive le peuple algérien !
Vive l’Algérie ! Et vive la France !