Deuxième conférence interparlementaire
« Vers un progrès de l’Europe »
Jeudi 7 avril 2016 à 14h – Salle Lamartine
Madame la Rapporteure générale, chère Valérie Rabault,
Mesdames, Messieurs les députés,
Mesdames, Messieurs,
Bienvenue à toutes et à tous à l’occasion de cette seconde conférence interparlementaire européenne, organisée par Madame la Rapporteure générale de la commission des finances, que je tiens à remercier tout particulièrement.
Chère Valérie Rabault, je crois cette initiative utile à tous les amoureux de l’Europe.
Oui, nous sommes toutes et tous ici, des amoureux de l’Europe. Non pas des amoureux béats mais des amoureux éclairés. Eclairés par l’histoire.
Nous savons ce qu’a pu représenter le projet européen au lendemain de la guerre pour installer un continent de paix et de prospérité.
Nous mesurons combien l’Europe a été porteuse de grands projets, de nouvelles libertés.
Nous connaissons ses réussites : la consolidation d’un marché unique de 500 millions d’habitants ; la création d’un espace de libre circulation des personnes – l’Espace Schengen ; le lancement de grands programmes industriels [Airbus Group ou le programme spatial Galilée] ; le plébiscite d’Erasmus auprès de la jeunesse, et je pourrais citer bien d’autres exemples.
Nous savons aujourd’hui quel patrimoine nous avons la responsabilité de transmettre aux générations futures.
Mais, Mesdames et Messieurs, en amoureux de l’Europe, nous avons le devoir d’être lucides sur la voie qu’elle emprunte et les dérives auxquelles elle se livre.
Lucides devant la crise de défiance qui touche une Europe échouant à protéger et creusant le fossé entre ses institutions et ses populations. Notamment les plus vulnérables. Singulièrement les plus jeunes subissant la morsure de la crise et du chômage.
Nous sommes lucides devant la fatigue, l’épuisement des pays de la périphérie de la zone euro qui endurent plans d’austérité et plans de secours. Comment ne pas le comprendre dans le cas de la Grèce, d’ailleurs empêtrée dans la crise des migrants ?
Comment imaginer qu’un pays puisse dégager un excédent primaire de 3,5 % sur quasiment vingt ans pour rembourser sa dette ? Après les innombrables plans de la dernière chance des années écoulées, un nouveau bras de fer se répète entre la Grèce et ses créanciers autour de son programme FMI. L’histoire se répète tragiquement.
On continue les cures d’austérité dont il a été démontré par le FMI lui-même qu’elles pouvaient tuer une Europe guérie, en laissant les plus vulnérables sans filets sociaux.
Au niveau européen, on continue à esquiver la question d’un effacement partiel de la dette grecque, qui pourtant redonnerait un peu d’oxygène au peuple grec.
Nous sommes lucides devant la crise des réfugiés qui risque de s’accentuer avec le retour des beaux-jours en Méditerranée. Non, le problème n’est pas le million de réfugiés arrivés en 2015, mais bien les vingt millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui n’ont d’autre choix que l’exil pour échapper à la mort. Cette crise est une menace existentielle qui interroge les valeurs humanistes incarnées par l’Union Européenne.
Nous sommes lucides devant les effets sociaux et psychologiques du terrorisme sur nos sociétés, sur nos peuples, installant l’idée que le retour des frontières d’antan serait la meilleure des solutions. Pourtant, nous savons que seule l’Europe unie viendra à bout du terrorisme international.
Nous sommes lucides devant les conséquences d’une sortie éventuelle de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne.
Si le référendum pose à l’Europe de bonnes questions, en particulier sur l’organisation et le fonctionnement de l’Union Européenne à vingt-huit États-membres, je crains que le repli sur soi dans un monde globalisé ne soit qu’une protection illusoire pour la Grande-Bretagne et finalement un coup fatal porté au projet européen.
Vous l’aurez compris, jamais le doute sur la pérennité du projet européen n’aura été aussi fort en Europe. Jamais, depuis l’après-guerre, le discours populiste n’aura semblé rencontrer un tel écho. Jamais les peuples n’auront paru aussi peu concernés par leurs institutions européennes.
C’est pourquoi, avec Mars Di Bartolomeo, président de la Chambre des députés du Luxembourg, et Laura Boldrini, présidente de la Chambre des députés italienne, nous avons lancé une consultation populaire sur l’avenir de l’Union européenne, pour « une Europe plus proche des citoyens ».
Cette consultation est une première réalisation concrète de notre volonté d’associer à nos efforts les citoyens de l’Union pour que les peuples retrouvent le goût de l’aventure européenne en s’exprimant sur elle.
Il y a urgence européenne. Il y a urgence à renouer avec l’essence-même du projet des pères fondateurs pour réconcilier nos concitoyens avec l’idéal européen. Ce projet n’était pas économique, il était passionnément politique, fondamentalement philosophique.
Au lendemain du soixantième anniversaire du traité de Rome, n’est-il pas temps de poser les jalons d’un nouveau projet politique à la mesure de l’urgence européenne ?
Pour ce nouveau projet politique, nous avons besoin de plus de collectif et de solidarité, car il n’existe aucun chemin solitaire possible pour faire face à la crise économique, à la crise des migrants, à la crise écologique ou géopolitique.
Et c’est bien en fonction de ces priorités politiques que nous devons déterminer le cadrage économique et budgétaire, de même que les mécanismes de solidarité. Je l’ai dit dès le début de ce quinquennat : « 3 % de déficit » ne fait pas une politique, surtout lorsque l’on sait que ce niveau de déficit correspond à un niveau de croissance de 5 %.
Peut-on véritablement fixer les mêmes cadres budgétaires quand on constate que l’un d’entre nous supporte tous les efforts d’accueil des migrants, qu’un autre assume la sécurité européenne dans des théâtres d’opération militaires à l’étranger ?
Face à des pays-continents qui s’arment d’une politique de défense, d’une politique industrielle, d’une politique économique, l’Europe doit revisiter son logiciel au regard de ce nouveau monde. La libre-concurrence ne peut être l’instrument de la division européenne, l’obstacle à l’émergence de projets européens ou l’excuse à l’absence de projets collectifs à la mesure de nos défis communs.
Avec ceux qui souhaitent avancer plus loin dans la construction européenne, nous devons être force de propositions : pourquoi pas une gouvernance intégrée de la zone euro avec un ministre des finances de la zone euro ? Pourquoi pas un budget propre de la zone euro ? Pourquoi pas une agence européenne du Trésor ? Pourquoi pas un objectif clair de croissance et d’emploi dans le mandat de nos institutions [notamment, la Banque Centrale Européenne] ?
Vous l’aurez bien compris, il s’agit non de poser des rustines sur les institutions européennes, mais de proposer un nouveau souffle pour l’Europe et pour la zone euro, en phase avec les espérances de nos peuples.
J’ai la conviction qu’un congrès des parlements nationaux de la zone euro peut contribuer à renforcer le contrôle démocratique sur les institutions de la zone euro et à impulser une nouvelle dynamique européenne pour traiter du présent et de l’avenir de l’Europe.
Malgré le volontarisme exceptionnel de la BCE, force est de constater que l’inflation reste basse, la croissance potentielle faible et l’investissement timide. Aujourd’hui, il y a urgence à nourrir une reprise fragile, surtout quand on sait que depuis la crise des dettes souveraines au sein de la zone euro, l'investissement public est tombé à des plus bas records, bien en-dessous des niveaux des Etats-Unis ou du Japon. Imaginez qu’en zone euro, l’investissement public est deux fois plus faible qu’aux États-Unis.
J’appelle ainsi de mes vœux un nouveau pacte européen pour l’investissement, la croissance et l’emploi en Europe dont vous seriez les initiateurs.
Tous ces sujets sont repris dans les travaux que vous allez mener durant ces 2 jours.
Mes chers amis, ces défis nous imposent du courage.
Le courage de défendre nos valeurs.
Le courage de proposer un projet politique fidèle à l’esprit et à la vision que nous ont légués les pères fondateurs de l’Europe.
De courage, nous ne manquons pas.
Alors, au travail.