Discours du Président de l’Assemblée nationale
Clôture du colloque « Refaire la démocratie »
Vendredi 7 octobre 2016
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Messieurs les Secrétaires généraux,
Mesdames et Messieurs les membres du groupe de travail sur l’avenir des Institutions,
Mesdames, Messieurs,
Ce qui est proprement extraordinaire avec la démocratie, c’est qu’on voudrait ne jamais arrêter d’en débattre.
C’est d’ailleurs l’essence même de la démocratie : « un débat nécessairement sans garant et sans terme » pour reprendre les mots du philosophe Claude Lefort.
Alors forcément, après le marathon que nous venons de vivre, nous sommes quelque peu tristes de nous séparer.
En même temps, chers amis, nous avons besoin de reprendre des forces…
Car le chemin ne s’arrête pas là.
La question des Institutions continuera à se poser dans les prochaines semaines, dans les prochains mois et dans les prochaines années.
Le cadre multinational dans lequel nous vivons désormais, les changements profonds qu’a connus notre pays au cours des cinquante dernières années, ouvriront, à terme, une nouvelle ère constitutionnelle. C’est ma plus profonde conviction.
La démocratie est un combat de longue haleine.
Rien n’est acquis. Il suffit de regarder avec lucidité les forces qui s’affrontent. Même si la proportion de démocraties dans le monde s’est accrue de 50% en vingt ans, nous le savons : elle est aujourd’hui menacée de toutes parts.
Fragilisée y compris en France, pays de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, où selon une étude récente, 30% des électeurs estiment, je cite, qu’un « autre système pourrait se substituer à la démocratie ».
Alors oui, chers amis, continuons à débattre et à veiller sur notre bien le plus précieux.
Car, comme on le dit dans la maison des Starks d’une célèbre série télévisuelle :
« Winter is coming ».
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Je voudrais sincèrement remercier tous les intervenants. Les universitaires, chercheurs, et plus généralement le monde intellectuel qui a accepté de participer à ces débats.
Si la politique manque si souvent d’idées, nous savons au moins pourquoi.
C’est tout simplement parce que ce type de rencontres et d’échanges, sont bien trop rare. Un monde qui pense et un monde qui décide. Deux mondes qui ne se connaissent pas, qui ne se voient pas, ou si peu.
Voilà pourquoi j’ai souhaité depuis quatre ans ouvrir grand les portes de l’Assemblée nationale.
Voilà pourquoi j’ai voulu la composition paritaire de ce groupe de travail.
Ouvrir les portes aux forces vives de l’esprit, comme à celles et à ceux qui innovent chaque jour dans notre pays - pas uniquement dans le domaine économique, mais aussi associatif, environnemental, humanitaire et politique.
Pour votre présence aujourd’hui, je vous adresse une nouvelle fois, au nom de la représentation nationale, tous mes remerciements.
Je les adresse également à ceux qui nous ont fait le plaisir d’animer nos débats : Thomas Legrand, Laurent Joffrin, Ferdinand Mélin Soucramanien, Martial Foucault et Olivier Duhamel.
Nos partenaires doivent être à nouveau salués : Sciences Po, le GEVIPAR, le CEVIPOF, France Inter, Libération, La revue L’Histoire où œuvre mon complice Michel Winock, et les éditions Thierry Marchaisse.
Encore et toujours, un grand merci aux services de l’Assemblée nationale, de l’hôtel de Lassay, à toutes celles et à tous ceux qui ont rendu cet événement possible, à tous les parlementaires et les élus qui sont venus nous faire partager leurs convictions, leur fougue et leur talent. Enfin, mes remerciements vont au public, qui lui aussi, a su par ses questions et ses interventions faire vivre ce débat.
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En vertu de la Constitution, l’Assemblée nationale a pour mission de voter la loi, de contrôler l’exécutif et d’évaluer les politiques publiques. Mais elle a aussi une autre fonction, qu’on trouve dans l’étymologie même du mot Parlement : la mission de parler, tout simplement.
Bien loin de l’impératif de performance et de résultat – bien que nous soyons très performants, je vous rassure ; pas encore en termes de parité, c’est certain, et l’inauguration de la statue d’Olympe de Gouges, première statue d’une femme parlementaire à entrer à l’Assemblée nationale, sera l’occasion de le rappeler – c’est un lieu où l’on croit encore en la puissance de la parole et à la confrontation des idées.
L’avenir de l’Assemblée nationale est aussi là : être et devenir la véritable caisse de résonance des débats qui agitent notre société.
Un lieu où le débat puisse être éclairé, sans perdre de sa densité.
Un lieu qui ne croit pas que la politique se résume à prendre une décision et de se soumettre à l’urgence.
Que la réflexion, la compréhension des aspirations de notre société sont tout aussi importantes et nécessaires. Que l’Assemblée nationale soit en ce sens et pour reprendre les mots prononcés hier par Michaël Foessel : un lieu de « décélération » dans un monde qui tente d’aller toujours de plus en plus vite, rejetant ainsi toute pensée complexe.
Je ne crois pas en la disparition de la démocratie représentative - qui reste le seul régime à permettre que la personne qui a pris une position soit identifiée, responsable du choix qu’elle a opéré, et qu’elle puisse rendre des comptes - mais à son enrichissement, à sa combinaison avec d’autres formes de démocratie ; à une « hybridation » pour reprendre le terme utilisé hier par Nathalie Kosciusko-Morizet, qui rejoignait sur ce point le constat et une partie des propositions de notre rapport.
Avançons amis démocrates ! Avançons nos idées, faisons connaitre nos actions, ne cessons pas d’innover et d’expérimenter.
La société est aujourd’hui en avance sur le politique. Il ne faut pas le déplorer mais s’en réjouir, à condition bien évidemment que le Politique ne ferme pas les yeux. Qu’il observe, qu’il lise, qu’il s’inspire. Plus que jamais, il doit comme le disait le président François Mitterrand « ouvrir grand les fenêtres ».
Voilà pourquoi nous avons également mené depuis plus de quatre ans, je l’ai dit hier, plusieurs chantiers qui vont dans ce sens à l’Assemblée nationale. Je ne vais pas à nouveau les mentionner.
En revanche, qu’il me soit permis d’évoquer les chantiers des mois à venir : l’actuelle consultation citoyenne et numérique sur l’évaluation de la loi égalité femme-homme, à laquelle chaque citoyen, chaque citoyenne est invité à participer ; l’organisation prochaine du premier « Datacamp » de l’Assemblée nationale - mot anglais qui n’a pas trouvé encore sa traduction en français - et qui vise à désigner une « conférence participative », réunissant des développeurs informatiques, des citoyens, qui souhaitent grâce aux données que nous avons mises en ligne, construire de nouveaux outils et renforcer la démocratie.
Dans la foulée, l’Assemblée nationale organisera en décembre un grand atelier à l’occasion du sommet international « pour un gouvernement ouvert ».
Bien d’autres initiatives suivront sous cette législature et sous les suivantes. Car tout ce que j’ai souhaité initier, je ne l’ai pas porté seul. Ce sont des députés de gauche et de droite qui ont conduit ces projets.
Ensemble, nous continuerons à les faire vivre.
Ensemble, citoyennes et citoyens, nous continuerons à faire vivre la démocratie.
La démocratie est le bien de tous, le pouvoir appartient à chacun, il suffit de le saisir.
Alors oui, nous ne sommes qu’au début du chemin. Oui le chemin sera long.
Mais, chers amis, rien ne s’arrête, tout commence.
Chers amis du groupe de travail, un dernier merci. Nous sommes amenés à nous revoir, ici et ailleurs. Le combat continue. Mais ne désespérons pas. Comme le disait le philosophe : l’avenir dure longtemps !