Discours sur l'économie et la dette

Réunion des Présidents d’Assemblée du G 8 à Washington

Samedi 8 septembre 2012 – 1ère session (matin)

 

Economy and Debt

Economie et dette

Intervention de M. le Président Claude Bartolone

 

 Mister Speaker, Dear Colleagues

Mesdames, Messieurs les présidents,

 

L’implication des parlements nationaux sur le sujet dont nous débattons aujourd’hui– Economie et Dette – apparaît primordiale pour que les réponses proposées par les Gouvernements à la crise financière relayée par la crise des dettes souveraines soient largement et complètement assumées et soutenues par toutes les institutions de nos démocraties représentatives.

 

Nos débats s'inscrivent dans une problématique mondiale qui est bien connue : au cours des dix dernières années, un bon dixième de la valeur ajoutée des pays de l'OCDE a été transféré vers les pays émergents. Dans ces conditions, le moyen le plus facile de maintenir l'activité et le niveau de vie de nos populations a été l'endettement, qu'il soit public ou privé. Dans la zone euro, le ratio d'endettement global est passé, en dix ans, de 175 % à plus de 220 % du PIB. Pour la France, il est passé d'environ 150 % à 210 %.

 

Je souhaiterais vous communiquer quelques éléments sur la situation de la France à cet égard et sur les dispositions prises pour remédier à notre endettement public excessif.

 

En l’espace de 40 ans, la France est passée d’une économie à forte croissance fondée sur le dynamisme de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises, à une économie dont le ressort est, pour l'essentiel, l’endettement public et où la croissance est à la fois plus faible et plus volatile.

Le besoin de financement de l’économie française est principalement imputable aux administrations publiques : la dette publique française est ainsi passée de 20 % du PIB en 1972 à 66% du PIB en 2002 et devrait frôler 90 % du PIB fin 2012.  Elle représente aujourd’hui une charge de plus de 26 000 euros par habitant, et de 62 000 euros par ménage.

 

 

La maîtrise de la dette publique est désormais au centre des débats politiques et parlementaires. Le nouveau Gouvernement français s’est engagé, devant l’Assemblé nationale et vis-à-vis aussi de ses partenaires européens, sur une trajectoire de redressement des comptes publics, afin de retrouver le chemin de la croissance.

 

Le financement de l’économie par le recours à l’endettement, et l’endettement public en particulier, n’est pas un mal en soi.

 

Mais, la question de la soutenabilité de la dette publique française se poserait rapidement si rien n’était fait. La France est menacée d’une perte de sa souveraineté financière car la part de notre dette détenue par des investisseurs étrangers n’a cessé de progresser depuis dix ans pour atteindre 65 % en 2011. Est aussi en jeu l’équité entre les générations : il est injustifiable de reporter les charges publiques actuelles sur les générations futures, dès lors qu’il s’agit de financer par l’emprunt des charges de fonctionnement courant.

Dès leur installation, le Président de la République et le nouveau Gouvernement se sont clairement engagés sur la voie du redressement des comptes publics et de la croissance.

 

Il s’agit de revenir à un principe simple : celui de couvrir ses dépenses annuelles par ses recettes annuelles. Pour y parvenir, il faut d’abord réduire le déficit public qui a atteint 5,2 % en 2011, et qui devra être limité à 4,5 % en 2012, 3% en 2013 et continuer à diminuer régulièrement pour retrouver l’équilibre en 2017.

 

Dès lors que la dette publique regroupe la dette de l’Etat et de ses établissements publics (soit 78 % de la dette publique), la dette sociale (12 % de la dette publique) et la dette des collectivités territoriales (10 % de la dette publique), le Gouvernement doit envisager des mesures de redressement sur ces trois secteurs.

 

En ce qui concerne la réduction la dette de l’Etat, pour 2012, le Gouvernement a demandé au Parlement de voter une augmentation des recettes de l’Etat de plus de 7 milliards d’euros. Pour les années 2013 à 2017, le Gouvernement prévoit d’augmenter les impôts de manière ciblée sur les ménages et entreprises les plus riches ayant bénéficié ces dix dernières années d’avantages fiscaux injustifiés.

Il reviendra au Parlement dès le mois prochain, lors de la discussion du budget de l’Etat, de faire des choix qui seront difficiles. Les discussions seront certainement longues et passionnées comme nous en avons déjà connues lors de l’examen d’une loi de finances rectificative au mois de juillet. C’est aussi le cas, j’imagine, dans vos chambres respectives lorsqu’il s’agit d’adopter le budget. En tout état de cause, je suis certain que l’Assemblée nationale française jouera pleinement le rôle qui lui revient en matière budgétaire. C’est en période de crise, qu’il est nécessaire que la démocratie fonctionne bien. Je ne doute pas que le Parlement français saura rétablir l’équilibre des finances publiques tout en tenant compte des attentes formulées par les citoyens lors des récentes élections présidentielles et législatives.

 

Les débats de l’Assemblée nationale ne seront pas moins animés quand, juste après le budget de l’Etat, nous aborderons celui de la sécurité sociale. La réduction du déficit des comptes sociaux et de la dette sociale suppose en particulier de prendre  des mesures de maîtrise des dépenses de santé grâce à des évolutions structurelles de l’offre de soins, le respect de meilleures pratiques à l’hôpital pour en réduire le coût, un renforcement des actions en faveur de la baisse des prix des médicaments, et des économies sur les dépenses de gestion. Quand les revenus des professions de santé et les profits de l’industrie du médicament sont en jeu, vous pouvez imaginer à quelles sollicitations, pour ne pas parler de pressions, sont soumis les députés. Nous avons à cet égard mis en place un code de déontologie et un dispositif de déclarations des intérêts détenus par les députés mais aussi par son entourage familial qui entrera en vigueur cet automne.

 

La réduction de la dette locale est également une question importante dont le Parlement, bien qu’il comporte en son sein un grand nombre d’élus locaux, a parfois du mal à se saisir. Je crois avoir innové dans ce domaine, en prenant moi-même l’initiative et en présidant une commission d’enquête sur les produits financiers à risque  contractés auprès des établissements bancaires par les collectivités territoriales. Cette commission a monté que certaines banques  ont proposé de façon systématique, et notamment à de nombreuses petites communes, des produits potentiellement toxiques, leur faisant courir à terme des risques considérables sans qu’ils disposent des outils nécessaires à leur gestion financière.

Grâce à ces différentes mesures, l’endettement public en proportion de la richesse nationale devrait décroître dès 2014 et refluer de 7,3 points par rapport à 2012 à l’horizon 2017. Il s’agit là d’une rupture majeure après dix ans de progression annuelle quasi-ininterrompue.

Cette stratégie d’assainissement des comptes publics s’accompagne de mesures en faveur du soutien à la croissance et à l’emploi, tant au niveau national qu’européen.

 

Au plan national, plusieurs mesures de soutien en faveur de l’investissement des entreprises et de la consommation des ménages sont envisagées dont certaines devront être approuvées par le Parlement.  Je citerai à cet égard la création d’une banque publique de l’investissement venant au soutien des PME ou la création de 150 000 emplois d’avenir. Par ailleurs, le fort taux d’épargne des ménages en France (16,1 % pour 2011) constitue un atout pour la relance de son économie.

 

Au plan européen, sous l’impulsion du Président François Hollande, la négociation autour de la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) signé le 2 mars 2012 par le précédent chef de l’Etat, a été significativement réorientée pour introduire un volet en faveur du soutien à la croissance en Europe.

 

Cette initiative française a été couronnée de succès, puisqu’elle a donné lieu à l’adoption du Pacte pour la croissance à l’occasion du sommet européen des 28 et 29 juin 2012.

 

En conséquence, la politique budgétaire européenne, à laquelle la France entend prendre toute sa part, comporte désormais trois volets indissociables.

 

Plusieurs outils de solidarité ont été mis en place au sein de la zone euro, un mécanisme temporaire de stabilisation financière  jusqu’au mois de juin 2013, auquel succèdera un mécanisme permanent de gestion de crise, le mécanisme européen de stabilité (MES), véritable organisation internationale, disposant d’un capital propre d’au minimum 80 milliards d’euros qui lui permettra de lever jusqu’à 700 milliards de fonds en cas de besoin. Je tiens également à saluer ici, les décisions courageuses prises par le Président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, en vue de surmonter les difficultés actuelles de la zone euro.

 

La coordination de la politique budgétaire des Etats membres sera approfondie grâce à l’introduction de nouveaux instruments destinés à rétablir les comptes publics dans les meilleurs délais, dont les plus significatifs sont l’introduction d’une norme budgétaire et la mise en place de nouvelles sanctions en cas de non-respect de l’obligation de prendre des mesures appropriées pour corriger les écarts par rapport à la norme budgétaire.

 

Une démarche commune a été adoptée pour relancer la croissance en Europe. Le Pacte pour la croissance en est la traduction, puisqu’il instaure un plan de 120 milliards d’euros soit 1 % du PIB de l’Union européenne, afin de mettre la croissance au premier rang des priorités de l’Europe.

L’ensemble du dispositif que j'ai brièvement décrit traduit l’engagement de la France au sein de l’Union européenne, pour concilier soutien à l’activité, maîtrise des dépenses publiques et réformes de structures au niveau national et européen, afin de retrouver un sentier vertueux de croissance durable s’accompagnant d’une réduction continue de l’endettement public.

 

Il montre aussi la lourde tâche à laquelle est confrontée le Parlement pour contrôler et valider la démarche engagée par le Gouvernement.

 

Vous l'avez bien compris, les marges sont faibles et le défi est grand. L'opinion publique française, et européenne, a pleinement conscience de la situation et des efforts à accomplir. Les acteurs publics eux aussi connaissent leur feuille de route, et fuyant la résignation, ils sont bien décidés à demander à chacun une juste contribution. Le redressement est engagé car je vous le dis, la dette c'est l'ennemi du progrès et le progrès c'est la possibilité de construire une société plus juste.  Je soutiendrai toujours le progrès.

M. Claude Bartolone, Président de l'Assemblée nationale, M. John Boehner,
 Président de la Chambre des Représentants des Etats-Unis
 et M. Andrew Scheer, Président de la Chambre des Communes du Canada
©Ambassade de France aux États-Unis