Éloge funèbre en mémoire du Député Jean-Yves Besselat

 

Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues, mesdames, messieurs, madame, le 23 mars de cette année, Jean-Yves Besselat nous quittait à l’âge de soixante-neuf ans, au terme d’un combat qu’il a livré, de manière discrète et exemplaire, durant neuf années, avec acharnement et sans jamais se plaindre. Tenace et fort jusqu’au bout, il laissait paraître à tous, dans l’exercice de son mandat parlementaire, et à son entourage immédiat, qu’il surmonterait cette maladie implacable.

Cependant, il s’en est allé avant les élections législatives auxquelles il avait décidé finalement de ne pas se représenter, passant le témoin à notre collègue Édouard Philippe, son suppléant. Homme d’une foi solide, qui aura été le cœur de sa vie, il est alors parti sereinement.

La représentation nationale rend hommage à ce grand défenseur des gens de mer et de l’économie portuaire.

Le destin a voulu, qu’en ce jour de mars, fut signée entre l’État, la région et la communauté d’agglomération du Havre, la convention sur les nouveaux locaux de l’École nationale de la marine marchande. C’était l’un des projets les plus chers de l’élu normand.

Conseiller général de 1982 à 2008, élu du 5e canton du Havre, il exerce cette fonction pendant vingt-six ans, jusqu’en 2004, et devient, en 1998, vice-président du Conseil général.

En 1983, il entre au conseil municipal du Havre où il siège pendant dix-huit ans, jusqu’en 2001.

Il n’était certes pas homme à poursuivre chimères et honneurs ni à se présenter sans risque au suffrage des électeurs. C’est avec grand courage qu’il s’est lancé tout entier dans la vie politique, après avoir hésité à renoncer à sa carrière de cadre dans l’ancien groupe havrais Trouvay et Cauvin.

Animé par de profondes convictions qu’il puisait dans le gaullisme social, il s’est consacré avec enthousiasme et détermination aux autres, qui lui ont rendu un hommage empreint de grande émotion au moment de sa disparition.

Député depuis 1995, à l’occasion d’une élection partielle, à la suite de la démission d’Antoine Rufenacht, devenu maire du Havre et dont il a été le fidèle suppléant en 1988 et en 1993, il est constamment réélu en 1997, en 2002 et en 2007.

« Ma passion, c’est la mer ! », aimait-il rappeler, faisant comprendre qu’il s’agit pour la France d’un enjeu capital.

Né à Quimper, nul doute que ce goût a trouvé à s’exprimer dans sa Normandie d’adoption, baignée par la mer, des falaises cauchoises jusqu’aux grèves du Cotentin. Comme en Bretagne, la mer a procuré aux habitants du littoral une subsistance, mais elle a imposé aussi, bien des épreuves. Pourtant, note André Siegfried, « la Normandie n’en reste pas moins une personnalité originale et distincte, (...) originale, elle l’est, par sa façon spéciale d’envisager les problèmes de la vie publique, de concevoir les questions de partis et de gouvernement ».

En fait, Jean-Yves Besselat se considérait surtout comme havrais et observait même qu’au Havre il y avait beaucoup de Bretons.

Jean-Yves Besselat a su faire de cette passion de la mer, de sa compétence des dossiers maritimes, et de sa ténacité au service de l’indépendance maritime de la France, l’axe de ses mandats.

Il utilise les moyens de l’institution parlementaire pour interroger le gouvernement et défendre de nombreux amendements.

Il exerce aussi un rôle majeur en qualité de rapporteur du budget de la mer et il est, à ce titre, reconnu, par les acteurs du monde socio-économique et par ses collègues, comme un expert des questions maritimes et notamment de la sécurité en mer. Aussi, était-il même désigné comme « Monsieur littoral ».

C’est avec humour qu’il fustigeait, dans la deuxième puissance maritime du monde, par la superficie de sa zone économique, une trop grande indifférence terrienne aux problèmes de la marine et des ports : il demandait, pressant les gouvernements d’agir, d’« affecter davantage de crédits à la mer, quitte à faire moins de ronds-points sur les routes ».

Il s’est beaucoup dépensé en faveur du dispositif des quirats, qui autorisait les personnes physiques à déduire de leur revenu imposable les sommes investies dans la flotte de commerce française.

Rapporteur en 2005 de la proposition de loi relative à la création du registre international français, déplorant que les navires transportant nos marchandises ne soient, pour l’essentiel, pas français, il entend rendre le pavillon français compétitif et permettre à la France, en qualité d’« État du pavillon », de jouer son rôle en matière de contrôle du respect des normes internationales de sécurité maritime et des droits sociaux fondamentaux des marins.

Rapporteur en 2008 du projet de loi portant réforme portuaire, il est considéré comme l’un des pères du renouveau des ports français, dans un contexte de gigantisme et de mutation de l’économie maritime et portuaire mondiale.

Administrateur de l’Institut français de la mer, il a beaucoup œuvré en faveur du cluster maritime français, afin de développer, à l’instar de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas, des synergies entre les différents secteurs d’activité liés à la mer et de les promouvoir en France et à l’étranger.

Attaché aux relations maritimes historiques avec l’Europe du Nord, il a exercé la présidence du groupe d’amitié France-Danemark.

Il n’a pas peu contribué à sensibiliser nos concitoyens au rôle de la mer et au développement des activités maritimes de la France dans les domaines de l’économie, de la défense, de l’écologie, des loisirs ainsi que des sciences et techniques.

Défenseur inlassable du dossier de l’École de la marine marchande, il a été l’un des inspirateurs de l’enseignement maritime français.

Il voulait encourager les vocations et faire savoir que le métier de marin, même s’il est exigeant, est l’un des plus beaux qui soit.

Jean-Yves Besselat aimait aussi attirer des manifestations nationales au Havre. C’est lui par exemple qui organisa l’inoubliable escale du Charles de Gaulle en juin 2004. C’est lui aussi qui avait fait revenir l’ancien France dans la cité océane. Cinquante ans après le premier départ pour New York de ce fleuron de la flotte transatlantique française, l’exposition, organisée au Havre, qui témoigne du lien charnel entre la ville et le navire, lui est dédiée.

Il parlait toujours de Linaïk, la femme de sa vie, comme d’un soutien immense. Il partageait avec elle, toujours présente au Havre comme à Paris, le goût des voyages. Il aimait, comme elle, les mers chaudes et les îles lointaines.

Avec elle, sur le front de mer, au cours de longues promenades, il contemplait la mer, le jour, celle décrite dans son Journal par le grand peintre Eugène Delacroix, qui a transfiguré le décor de notre assemblée.

Et le soir, Jean-Yves Besselat fixait la rade, admirée par Guy de Maupassant, dans laquelle les feux de Sainte-Adresse se réfléchissent et les phares jettent leurs longs et puissants regards : « Puis, sur l’eau profonde, sur l’eau sans limites, plus sombre que le ciel, on croyait voir çà et là les étoiles. Elles tremblotaient dans la brume nocturne, petites, proches ou lointaines, blanches, vertes ou rouges aussi. Presque toutes étaient immobiles, quelques-unes, cependant, semblaient courir ; c’étaient les feux des bâtiments à l’ancre, attendant la marée prochaine, ou des bâtiments en marche, venant chercher un mouillage. »

Homme de bien, ouvert, généreux, honnête, attentionné, il a été à sa façon, a-t-on pu dire, un de ces gens de mer qui sont notre fierté.

À son épouse, Linaïk Besselat, qu’il a tant aimée et protégée, à sa famille, ses amis et ses proches, à ses collègues du groupe UMP, j’adresse au nom de l’Assemblée nationale et en mon nom personnel, mes condoléances attristées.