Forum interparlementaire franco-marocain - Discours d'ouverture du deuxième atelier

Deuxième atelier du Forum franco-marocain :
« Les Parlements face aux enjeux environnementaux »
Intervention de Claude Bartolone,
Président de l’Assemblée nationale
(16 avril 2015)

Monsieur le Président de la Chambre des Représentants du Royaume du Maroc,
Monsieur le Président de la Chambre des Conseillers,
Madame et Messieurs les présidents des groupes d’amitié France-Maroc et Maroc-France des Parlements français et marocains,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur l’Ambassadeur,
Chers amis,

L’Assemblée nationale est très heureuse de vous accueillir, pour ce deuxième atelier du Forum parlementaire.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaite vous dire, comme j’ai pu l’affirmer hier au Président Talbi El Alami, le plaisir immense que les parlementaires français éprouvent à vous recevoir pour cette deuxième session du Forum parlementaire France-Maroc.

Le partenariat exceptionnel qui unit la France et le Maroc doit continuer de traduire au niveau parlementaire, de façon toujours plus resserrée. Nous devons veiller à ce que le dialogue entre nos deux gouvernements ne soit plus interrompu à l’avenir, à ce qu’il corresponde aux attentes de nos concitoyens, et qu’il débouche, très concrètement, sur des mesures législatives facilitant leur quotidien.

Durant les quelques mois de distance que nous avons prise, les parlementaires français et marocains ont maintenu leurs contacts et cherché à raisonner leurs gouvernements. Félicitons-nous de la voie que ces derniers ont finalement empruntée, et regardons vers l’avenir.

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Parlons du sujet qui nous réunit cet après-midi.

C’est un sujet d’avenir par excellence, car l’essence même de l’engagement écologique est de préparer celui de nos enfants. Je veux le dire clairement : si les modalités de la transition écologique font l’objet de négociations internationales, la transition écologique dans son principe, elle, n’est pas négociable. C’est la seule solution pour surmonter la crise multiple que nous traversons, en imaginant de nouveaux modèles de croissance, porteurs d’un mode de vie plus sobre et plus sain, qui préservera les générations futures de crises encore plus graves. Il faut distinguer notre analyse de court terme de notre analyse de moyen et long terme. Je le dis souvent : l’on peut vivre avec 4 % de déficit, l’on ne pourra pas vivre avec 4 degrés en plus. Il ne faut pas hésiter à investir, à mettre dans la transition énergétique le « prix » qu’elle exige.

Le Maroc, qui a décidé de consacrer 2 % de son PIB à sa stratégie de développement durable, sait que derrière ce coût se profilent des gains réels à moyen terme, avec notamment la création de 250.000 emplois à l’horizon 2020.

Vous le savez, la France est mobilisée, comme vous, au plan national et sur la scène internationale, pour donner toutes les chances d’aboutir à la COP 21, qui se tiendra au Bourget, en Seine-Saint-Denis, en décembre prochain.

Or nous avons pris la mesure du volontarisme marocain et celle des progrès réalisés par votre pays : nos échanges permettront de mieux comprendre la façon dont vous appréhendez ces enjeux et préparez à la fois les rendez-vous de la COP21 et de la COP22, que votre pays accueillera en 2016.

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L’engagement du Maroc, comme celui de la France, est ancien, et son approche ambitieuse.

Cela fait plus de 50 ans que votre pays a engagé un processus d’adaptation au changement climatique, avant même que le sujet ne figure dans l’agenda international.

Parce qu’il a connu des périodes de sécheresse récurrentes, il a très tôt cherché à maîtriser ses cours d’eau, protéger ses bassins et stabiliser ses sols. La diversité des conditions pluviométriques, et plus généralement climatiques, de ses régions lui a permis d’appréhender les problèmes dans leur pluralité, et d’accumuler une expérience utile à l’ensemble de ses partenaires. L’impact environnemental de l’accélération économique, en même temps que l’urbanisation, la densification de la population, et sa concentration sur le littoral, ont accéléré la prise de conscience des autorités marocaines que la croissance du pays dépendrait de sa capacité à proposer des solutions de développement urbain et rural durables. En cela, vous êtes des précurseurs dans votre région.

Je salue la décision d’avoir inscrit, dans la nouvelle Constitution de 2011, le droit à un environnement sain et au développement durable. Vous avez, chers amis marocains, adopté l’année dernière, une loi-cadre sur l’environnement et le développement durable, qui intègre la protection de l’environnement et la contrainte climatique dans toutes les politiques publiques et envisage la croissance verte comme une composante de la dynamique économique et industrielle du pays.

Vous nous direz davantage de la mise en place concrète de ces mesures.

C’est aussi pour nous, à l’Assemblée, un sujet d’actualité et de mobilisation. Nous examinons actuellement le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, porté par Mme Ségolène Royal.

Un groupe de travail a été constitué par les commissions concernées dans la perspective de la COP 21, pour travailler avec le gouvernement et lui donner toutes les chances de succès.

Depuis l’année dernière, l’Hôtel de Lassay, que nous rejoindrons ce soir, accueille les Mardis de l’avenir, un cycle de conférences consacré aux enjeux de la transition énergétique et donnant la parole à des militants associatifs, des chercheurs, des politiques, des professionnels, des étudiants – et même de très jeunes écoliers ! –, pour penser le monde de demain et alimenter la réflexion collective.

Comme l’a rappelé la ministre marocaine déléguée à l’environnement, Mme Hakima Al Haite [prononcer Hakima El Heyti – « h » aspiré] , que cette Assemblée a eu le plaisir d’écouter il y a quelques mois, ce sont toutes ces catégories de population qu’il faut mobiliser et engager pour l’avenir. Qui est mieux placé que les élus pour porter ces messages au plus près des citoyens ?

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En même temps qu’ils veulent contribuer à la signature d’un accord ambitieux en décembre, nos Parlements doivent en effet travailler à assurer la meilleure implantation possible des stratégies environnementales dans les dispositifs législatifs et auprès de nos concitoyens, dans nos circonscriptions.

Ces objectifs, nous les réaliserons d’autant plus aisément que nous y travaillerons ensemble, Français et Marocains.

Pourquoi ?

Parce que nos deux pays exercent une influence réelle sur leurs continents respectifs, pour lesquels ils constituent des fenêtres et des portes ouvertes sur l’Atlantique, la Méditerranée et l’Afrique. Mais aussi parce que votre approche peut servir de modèle.

Elle prend en compte certaines spécificités africaines, comme la raréfaction et la dégradation des terres fertiles, l’accélération rapide de l’exode rural et de l’urbanisation. L’Afrique peut compter sur le Maroc pour plaider en faveur d’un engagement financier important des pays industrialisés et un juste équilibre entre mesures d’atténuation et mesures d’adaptation.

Votre action, tournée vers le secteur privé, avec l’aide des partenaires extérieurs, démontre que des méthodes nouvelles sont possibles.

Certes, les filières industrielles qui naissent de cette orientation restent modestes, mais elles peuvent de toute évidence connaître une expansion rapide, et trouver d’ailleurs en Afrique des opportunités importantes de croissance.

Le secteur privé marocain y jouissant déjà d’une présence solide, je ne doute pas qu’un intérêt commun existe entre les pays africains et le Maroc pour engager un tel processus, avec l’aide, entre autres, de la France.

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Un partenariat fort entre nos Assemblées est d’ailleurs envisageable cette année. L’année 2015 se prête particulièrement à un exercice conjoint franco-marocain.  

Faisons aboutir un accord à Paris pour définir chez vous les actions concrètes qui en découlent. Plusieurs rendez-vous nous attendent, avec un fort tropisme euro-méditerranéen : j’y vois autant d’occasions d’avancer concrètement.

Le Maroc exercera bientôt la présidence de l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la Méditerranée, tandis que la présidente de la Commission des Affaires étrangères, Mme Elisabeth Guigou, que je tiens à féliciter au nom de tous, a été élue à la présidence de la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue des cultures.

Je souhaite, pour ma part, vous annoncer officiellement mon souhait de co-présider avec vous, Monsieur le Président de la Chambre des Représentants, une réunion parlementaire euro-méditerranéenne sur ces questions. Il nous faut échanger (c’est ce que nous faisons) et consulter la société civile (c’est ce que je veux faire avec vous à l’automne) : c’est ainsi seulement que nous identifierons les meilleures façons d’adapter nos dispositifs législatifs au mouvement qui se dessine, et d’y impliquer les citoyens que nous représentons.

Mesdames et Messieurs les parlementaires, vous aurez compris mon impatience à échanger avec vous sur ce sujet, et je vous cède donc la parole.

Je vous remercie.