Hommage en séance publique aux victimes des attentats
Mardi 13 janvier 2015
Frédéric Boisseau, Philippe Braham, Franck Brinsolaro, Jean Cabut, dit Cabu, Elsa Cayat, Stéphane Charbonnier, dit Charb, Yohan Cohen, Yoav Hattab, Philippe Honoré, Clarissa Jean-Philippe, Bernard Maris, dit Oncle Bernard, Ahmed Merabet, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, François-Michel Saada, Bernard Verlhac, dit Tignous, Georges Wolinski.
La semaine dernière, des êtres humains que le fanatisme transforma en automates de la mort, ont assassiné des journalistes parce qu’ils étaient libres, ont abattu des policiers parce qu’ils étaient républicains, ont exécuté des citoyens parce qu’ils étaient juifs.
Ces marionnettes de la tyrannie avaient un but : faire tomber sur la France une chape d’effroi, pour que plus rien ne soit possible, si ce n’est la peur.
Ils avaient un moyen, abolir le sentiment de fraternité, pour que désormais, nous ne voyions aujourd’hui dans l’autre qu’un objet de méfiance, et demain un objet de haine.
Ils ont voulu abolir la France des Lumières, cette France dont nous sommes les représentants, les héritiers, les garants.
La France de Charlie Hebdo, c’est la France de l’écriture et de la démesure, c’est la France des poètes, des pamphlétaires et des philosophes, c’est la France de l’irrévérence et de la fulgurance. En un mot, c’est la France.
Et puis il y eut l’attentat antisémite, barbarie sans nom, sauvagerie ultime, qu’aucun mot ne peut qualifier.
En tout, ils étaient 17.
17 êtres humains que l’ignorance et l’obscurantisme n’ont pas laissé vivre.
17 concitoyens que nous n’oublierons jamais.
J’exprime toute la solidarité et la compassion de l’Assemblée nationale aux familles des victimes de ces assassinats.
Avant-hier, dans les rues des villes et des villages de France, cœur gros et tête haute, notre peuple a montré aux barbares du monde entier que la République demeurait debout.
Debout, unie et reconnaissante, notamment à l’égard de la police de la République, qui a payé un lourd tribut à sa vocation de placer notre sécurité au-dessus de leur propre vie. Et je veux, en votre nom à tous, dire à nos forces de l’ordre la fierté et la gratitude de la Représentation nationale.
Le monde entier a pu voir la détermination d’un peuple qui a toujours traversé les épreuves de son Histoire par sa capacité à se transcender, à dépasser toutes ses singularités pour se penser indivisible.
Et si la plus grande des gloires de la France était justement celle-là ? Que nous tous ici, nous avons une famille, une rue de naissance, un coteau familier, une colline, un quartier qui nous définissent… Mais qu’à l’articulation de cette singularité, naît cette identité supérieure à toute autre qu’on appelle la citoyenneté.
Cette identité qui permet que toutes les différences les plus belles ne soient pas des dissonances, mais au contraire, qu’elles deviennent les consonances les plus justes.
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Et maintenant ?
Avant-hier, dans les rues de France, par la force de ces vagues déferlantes, comme par instinct de survie, l’esprit public s’est rallumé. Ce désir de Résistance, c’était aussi une Renaissance.
Ces manifestations magnifiques d’unité nous confient à présent une responsabilité devant l’Histoire. Elles devront aboutir dans les jours, les semaines, les mois qui viennent, à des choix forts.
Unité de la Nation et autorité républicaine, tel doit être notre équilibre vertueux.
L’unité nationale.
En 2015, et pour longtemps encore, pourvu que nous sachions vivre ensemble.
Pas simplement cohabiter ; vivre ensemble. C’est-à-dire faire société commune, ne pas se regarder en chiens de faïence, faire primer l’intérêt général sur les intérêts individuels et le droit sur la force. S’inscrire dans une aventure collective, une équipée patriotique.
Un patriotisme ouvert, éclairé, confiant.
Un patriotisme qui se réapproprie son hymne et son drapeau au nom de la défense des valeurs et des instruments de la République.
Unité de la Nation, donc, et autorité républicaine.
Nous sommes bel et bien en guerre contre le terrorisme et la barbarie. Faire vivre et grandir nos valeurs, cela réclame des mots mais aussi des actes.
Nul angélisme ni excuse sociologique devant les pousses-au-crime et les professionnels de la mort, aguerris ou apprentis. Et nulle complaisance à l’égard de ceux qui tenteront tous les raccourcis, tous les amalgames.
Le président de la République et son gouvernement souhaitent prendre des dispositions. Que nos compatriotes sachent que cette assemblée saura prendre ses responsabilités au service de la sécurité de tous les ressortissants français, en tout point du territoire national et en dehors de nos frontières.
Elle entend démontrer à nos concitoyens que l’image d’unité populaire du 11 janvier n’est pas « pour solde de tout compte ».
L’unité nationale est le bouclier qui protège notre société de la division. L’État républicain sera le glaive levé contre ceux qui défient ce que nous sommes et ce que nous entendons perpétuer : cet art de France du vivre ensemble.
Et cela vaut aussi en Europe où notre pays se doit de porter l’étendard de la lutte pour la Liberté.
***
Nous, fils et filles de France, grand pays patiné par l’Histoire,
Nous voyons d’où nous venons.
Nous sentons qui nous sommes.
Plus encore depuis le 11 janvier, la Marseillaise aux lèvres, nous savons ce que nous voulons.
Vivre…
Vivre libres.
Vivre égaux.
Vivre ensemble, en fraternité.
Chérir quelques principes, au premier rang desquels la laïcité. Elle ne saurait être négociable.
Ces valeurs, celles de la République, nous rappellent chaque jour qu’il n’est pas de plus grande fierté que celle d’être citoyens français et de plus grande mission que d’être ses serviteurs.
Au nom de la Représentation nationale, je vous invite, à la mémoire des 17 victimes de la barbarie, à observer une minute de silence.