Intervention devant la communauté française à Washington

Rencontre avec la communauté française à Washington

 

Monsieur l’Ambassadeur,

Monsieur le Consul général,

Monsieur l’Administrateur, représentant de la France auprès du FMI et de la Banque mondiale,

Mesdames et Messieurs les présidents d’associations,

Mesdames et Messieurs les conseillers du commerce extérieur,

Madame le Proviseur du lycée Rochambeau,

Mes chers compatriotes,

Chers amis,

 

C’est un plaisir pour moi d’être ici parmi vous ce soir. Merci d’être venus si nombreux malgré l’horaire un peu complexe. Merci à notre ambassadeur et à toute son équipe pour leur accueil et leur travail. Vous accueillez aujourd’hui mon premier déplacement à l’extérieur de l’Hexagone en dehors de la visite que j’ai voulu faire symboliquement en allant saluer mon collègue Norbert Lammert, président du Bundestag, dans le cadre des relations que nous devons entretenir entre la France et l’Allemagne pour l’évolution européenne.

Il est vrai que ce voyage intervient à l’occasion de la rencontre du G8 parlementaire, mais je me réjouis de l’occasion qui m’est donnée d’être aux Etats-Unis, un pays que nous aimons pareillement, vous qui avez choisi d’y vivre ; et moi qui ai l’occasion régulière de le visiter, après avoir eu le bonheur de le découvrir alors que je n’étais encore qu’un tout jeune parlementaire.

Dans la voiture, je racontais à notre ambassadeur que j’ai été élu en 1981. A l’époque, vous imaginez ce qu’était la réaction des responsables politiques américains qui voyaient éclore cette nouvelle génération… Et du coup, j’ai fait partie de ceux qui ont eu la chance extraordinaire d’être invités à de multiples reprises parce qu’ils nous auscultaient par certains côtés… Avec cette capacité qu’ont les Américains à ouvrir toutes les portes, j’ai pu découvrir mille facettes de ce pays, de ses réalités, mille facettes qui ont pour moi forgé et entretenu cette relation privilégiée que j’ai avec les Etats-Unis.

Car nous, Français, savons bien tout ce qui nous unit et que nous partageons avec les Etats-Unis.

Je m’adresse à vous aujourd’hui avec beaucoup de respect car vous êtes et vous le savez – notre ambassadeur ne m’en voudra pas – nos meilleurs ambassadeurs à l’étranger. Comme je vous l’ai dit, ce n’est pas et de loin la première fois que je me trouve à Washington. Mais aujourd’hui, dans les fonctions qui sont les miennes et à l’occasion de ce voyage, j’ai la chance de pouvoir vous rencontrer et je l’espère de pouvoir vous écouter et échanger avec vous, citoyens engagés que vous êtes. Aussi serai-je d’ailleurs très bref pour nous laisser le temps de vous donner la parole et de nous rencontrer.

Je sais combien vous êtes attachés à notre pays, que vous servez d’ailleurs si bien par votre dynamisme et votre engagement au quotidien. Et je sais tout l’intérêt que vous portez au redressement qui est engagé. C’est pourquoi, très simplement, je voudrais vous faire part du programme de travail qui est engagé et qui nous mobilisera tout au long de cette année au Parlement, où vous avez désormais votre représentante Mme Corinne Narassiguin.

Non pas pour vous citer des éléments d’agenda, mais pour vous donner la vision du président de la République, de la majorité parlementaire et du premier ministre qui en est issu.

Chers Amis, vous avez beau payer en dollars, il ne vous a pas échappé que l’euro traverse une crise sans précédent. Et quelles que soient les annonces courageuses prises par la Banque Centrale Européenne hier, il y a encore énormément d’inconnues. Cette crise s’ajoutant et se mêlant à d’autres qui n’ont pas épargné un seul pays au monde des dernières décennies. Eclatement de la bulle Internet, crise asiatique, subprimes, dettes souveraines…

Ces dix dernières années, l’endettement a été utilisé comme palliatif à la mollesse de la croissance économique et à la rudesse des besoins sociaux. Endettement privé pour certains pays – je pense notamment à l’Angleterre. Endettement public pour certains autres – je pense singulièrement à notre pays la France.

Dans le même temps, dans notre belle France, la courbe du chômage s’est envolée, la souffrance sociale s’est renforcée, les divisions se sont exacerbées, et des mesures fiscales ont été prises qui – comment dire ? – n’ont pas spécialement contribué à améliorer ces indicateurs…

Autant vous dire que l’équation face à laquelle se trouvent les pouvoirs publics n’est pas simple : comment brider la dette sans brimer les Français ? Comment réconcilier le pays tout en faisant face aux choix difficiles que nous impose la réalité ? Comment concilier le microscope pour répondre à l’urgence et la longue-vue pour préparer l’avenir ?

Ce débat, vous le connaissez et l’entendez en quelque sorte en stéréo avec la campagne présidentielle américaine.

Pour résoudre cette équation, la volonté de la France, c’est la justice. Justice dans le redressement, justice dans l’effort, juste dans la répartition. C’est le sens de la réforme fiscale en cours qui devra déboucher sur un principe : à chaque Français de contribuer au redressement à la mesure de ses moyens. Gage aux plus aisés de montrer l’exemple. Etre patriote, ce ne peut pas être simplement soutenir l’équipe de France de football.

La volonté de la France, c’est la confiance. On ne peut accepter qu’un jeune, un seul jeune, puisse avoir le sentiment que sa vie se termine avant même d’avoir commencé parce qu’il n’a pas accès aux fondamentaux d’une vie adulte : un emploi, un logement, un savoir. C’est pour cela que la France a fait des choix.

En cette rentrée, au niveau de l’Hexagone, trois priorités : l’emploi, l’emploi et l’emploi ! Avec les emplois d’avenir pour desserrer l’étau sur les populations les plus éloignées de l’embauche – ce sera le texte qui sera discuté dès mardi à l’Assemblée nationale. Avec le contrat de génération demain qui permettra d’inciter à la « première chance » et de rassembler les générations de salariés.

De même, l’école redevient la grande cause de la France. Lorsque l’on regarde au niveau international, tous les pays qui ont voulu se préoccuper de leur avenir n’ont pas réussi à le faire sans avoir investi massivement dans l’éducation et dans la recherche. Déjà, je dois vous le dire, le climat s’est détendu. Demain, en remettant un enseignant devant chaque classe – c’est bien le moins ! – et en revisitant les contenus pédagogiques pour que l’école vive avec son temps, nous allons nous efforcer de re-monétiser le diplôme et la formation, de faire renaître la promesse différée de l’éducation nationale : « travaille mon fils, travaille ma fille, et tes efforts seront récompensés ».

Enfin, le logement. Tout commence par le logement. Il suffit de voir le nombre d’émissions de télévision consacrées au « chez soi » pour comprendre que le « home sweet home », c’est le rêve français. D’autant plus que ce logement, non seulement est nécessaire pour s’abriter ou trouver un emploi, mais pas seulement. Les enseignants ou les pédagogues qui sont dans cette salle aujourd’hui doivent le savoir, toutes les études le démontrent, le facteur discriminant de l’échec scolaire, c’est la taille du logement.

Des efforts considérables vont donc être fournis pour construire, construire et construire encore. Y compris en renforçant les pénalités attribuées aux élus locaux qui ne veulent pas de logements sociaux chez eux.

La volonté de la France, c’est la responsabilité. Je ne suis pas naïf et je connais les idées qui peuvent quelquefois être véhiculées lorsqu’un gouvernement issu de la gauche prend les rênes de la France… Eh bien sachez que notre pays a à faire à une nouvelle génération d’élus. Qu’il s’agisse du président de la République, du premier ministre, du président du Sénat ou de moi-même président de l’Assemblée nationale, le carré de la République est constitué d’hommes ayant exercé des fonctions d’élu local. On en sort forcément pragmatique.

A ce titre, il y a certaines choses que nous savons.

Nous savons que tout doit être fait en faveur du développement économique parce que sans lui rien n’est possible. Ni le commerce, ni l’activité, ni l’emploi. Ni les impôts. Combien de fois j’explique en tant qu’élu local aux chefs d’entreprises de la Seine-Saint-Denis, puisque l’ambassadeur a évoqué ce territoire d’où je suis issu, je leur dis : « j’ai besoin que vous gagniez de l’argent. Plus vous en gagnerez, plus je pourrai en prendre ». Et, c’est vrai, on oublie de le dire : pour qu’il y ait impôt, il faut qu’il y ait recette, il faut qu’il y ait activité économique.

Nous savons que la compétitivité est le défi du 21e siècle et que nous devons faire le pari de la qualité, à travers l’intelligence, la recherche et l’innovation.

Nous savons que la « marque France » signifie quelque chose partout dans le monde. Et vous qui vivez aux Etats-Unis le voyez chaque jour dans les yeux de vos voisins. La France, c’est une façon d’être, c’est un rapport au beau. C’est une dimension des services publics qui quelques fois attire même des citoyens américains, notamment lorsqu’ils approchent de l’âge de la retraite où ils découvrent ce que peut représenter le système de santé français, et finalement aussi son cadre de vie.

Nous savons que la laïcité, si nous voulons qu’elle reste l’alpha et l’oméga de notre vie commune, passe par la reconnaissance de certains des besoins légitimes de nos compatriotes d’une confession ou d’une autre.

Nous savons que la sécurité est une exigence pour qui veut être libre.

Nous savons que l’Europe est notre avenir et qu’il nous faut, pas à pas, engranger des avancées pour qu’elle bascule vers un objectif de croissance et que sa réalité se rapproche de notre idéal : l’Europe sociale.

Nous savons que l’amitié franco-américaine est un trésor parce que nous avons nos valeurs en partage et que la France et l’Europe ont besoin des Etats-Unis comme les Etats-Unis ont besoin de la France et de l’Europe. Au nom de l’Histoire, bien sûr. Au nom de l’avenir d’abord. Cette amitié-là, elle se manifeste par ma présence durant ces trois jours et elle se cultive avec la vôtre chaque jour en ayant fait le choix de vivre ici.

Chers Amis, il y a quelques années, quitter notre pays pour les Etats-Unis se traduisait par l’expression d’un manque, d’un éloignement. J’en sais quelque chose, puisque je suis, pour continuer à vous donner tous les secrets qu’a commencé à révéler notre ambassadeur, je suis le père d’un fils ayant fait le choix de travailler et de vivre en Australie, et qui aura la double nationalité à la fin de l’année.

Mais au 21e siècle, avec le haut-débit, avec la presse en ligne, avec le streaming, avec « FaceTime » pour les amateurs de la marque à la petite pomme, on peut vivre ailleurs et rester Français !

Alors soyons Français ! Restez Français ! Soyez-en fiers comme nous sommes fiers que vous nous représentiez à l’étranger. Avec vos talents, avec votre culture, avec votre mode de vie !

Et puisque je parle de mode de vie… A présent, comme on sait le faire en France à la fin d’un discours, je vais vous rencontrer, et buvons ensemble le verre de l’amitié.

Vive l’amitié franco-américaine, vive les Etats-Unis, et vive la France !

M. Claude Bartolone s'adresse à la communauté française à Washington
©Ambassade de France aux États-Unis

 

©Ambassade de France aux États-Unis

 

M. Claude Bartolone et M. François Delattre, Ambassadeur de France aux Etats-Unis
©Ambassade de France aux États-Unis