Séminaire de lancement du jumelage entre l'Assemblée nationale et la Chambre des représentants du Parlement marocain
Rabat, lundi 13 juin 2016
Monsieur le Président, cher Rachid Talbi El Alami,
Mesdames et Messieurs les élus, chers collègues,
Chers amis,
Toutes les langues du monde sont quelquefois trop pauvres pour exprimer l’intensité d’un sentiment. Je n’ai pas, aujourd’hui, de mot assez fort pour qualifier l’honneur que je ressens de me retrouver devant vous. Le jumelage entre nos deux Assemblées est assurément un événement décisif de la vie de nos institutions respectives. C’est aussi, n’en doutons pas, un moment important de la vie démocratique de nos deux pays, le Royaume du Maroc et la République française.
Je tiens à vous remercier personnellement, M. le Président Rachid Talbi El Alami, de cette invitation. Avec mon collègue Philippe Folliot, vice-président du groupe d’amitié France-Maroc, nous transmettons les sentiments de fraternité des députés français. Je remercie également avec chaleur Chafik Rachadi, votre Vice-Président, qui part vers d’autres horizons ; le jumelage doit beaucoup à son énergie. La Chambre des représentants, dans la cohérence de la Constitution de 2011 du Royaume du Maroc, a manifesté le désir de se doter d’instruments renforcés pour la réalisation de ses nouvelles prérogatives. Le peuple marocain demande à ses représentants des actions nouvelles : évaluation des politiques publiques, séances plus nombreuses en matière d’initiative des lois, contrôle de l’action du gouvernement, garantie des droits de l’opposition, lien avec les médias, autant de domaines qui, au-delà de leurs aspects politiques, requièrent l’adoption de techniques d’organisation particulières.
C’est pourquoi votre Chambre des représentants a adopté un Plan stratégique pour la mise à niveau et le développement de son action, extrêmement ambitieux, dont la lecture donne la mesure de votre volonté et de votre ardeur à construire une vie démocratique rigoureuse et intense. Votre Plan stratégique aborde tous les aspects d’une démocratie avancée, des conditions du respect de votre indépendance aux stratégies de communication, en passant par l’établissement d’E-Parlement ultra-moderne ou l’automatisation de procédures parlementaires.
Pour réaliser cette ambition, vous avez sollicité l’Union européenne afin de bénéficier de techniques d’expertise publique développées au sein de pays de l’Union. C’est l’objectif de ce Jumelage institutionnel.
Bien entendu, le peuple français ne pouvait qu’accourir.
La France entretiendra toujours avec le Maroc une relation d’amitié, de fraternité, d’admiration et d’estime qui se manifeste chaque jour. A chaque occasion d’exprimer cette estime, nous serons là.
La Chambre des communes du Royaume-Uni est notre partenaire dans ce jumelage et deux éminentes institutions de nos pays respectifs assurent les gestions logistiques, administratives et financières du jumelage et de ce consortium franco-britannique, l’École nationale d’administration, et la Westminster Foundation for Democracy. Le Bundestag allemand, la Chambre des Représentants de Belgique et le Parlement grec assurent également un appui précieux.
Dans le cadre de ce jumelage, nous mettrons au service du Parlement marocain notre expertise. Il s’agit là d’une expertise d’accompagnement, les parties prenantes du jumelage étant force de proposition.
Il appartiendra à la Chambre des représentants de mettre en œuvre les conseils et orientations développés au cours des rencontres à venir.
Nous sommes tous très attachés à ce que la Chambre des représentants du Maroc bénéficie pleinement de ce programme. Il s’agit d’un partenariat technique, en aucun cas politique. En effet, ni la France ni l’Union européenne ne disposent d’aucune légitimité pour donner des directives au peuple marocain. Il est évident que la transmission de techniques, de méthodes, ne suffit pas. Une technique ne se transmet avec efficacité que si son assimilation est pensée en fonction d’un destinataire particulier, avec ses spécificités, avec ses singularités, avec, et je prononce le mot avec plaisir, son génie propre. Oui, nous nous adapterons à votre génie propre, M. le Président, et j’espère que nous en serons dignes.
Une fonctionnaire de l’Assemblée nationale, notre conseillère Nathalie Dournovo, se trouve affectée à votre disposition en tant que "conseillère résidente de jumelage" (CRJ) et en qui nous avons toute confiance.
Neuf missions d’expertise ont déjà été conduites et ont porté sur des sujets divers : les systèmes d’information, la gestion de la bibliothèque, les procédures administratives et financières de la Chambre, l’analyse du projet de loi de finances, l’appui à la législation, les méthodes de contrôle parlementaire, les motions et pétitions ou encore les archives. Nos activités communes s’apprêtent à s’intensifier encore, avec plusieurs nouvelles missions prévues dans les prochains mois.
Le jumelage aura deux composantes.
Tout d’abord un soutien à l’amélioration de la performance de l’action parlementaire en matière de vote des lois, de contrôle de l’action du gouvernement, d’évaluation des politiques publiques et de diplomatie parlementaire.
La deuxième composante est le renforcement des compétences et des capacités de l’administration et de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information.
Le travail ne manquera pas. Et nous sommes, tous ici, ravis de ce labeur. Entre amis, il n’y a pas d’effort dans l’application commune. L’écrivain marocain sans doute le plus populaire en France, Tahar Ben Jelloun, qui est né à Fès, a écrit les vers suivants sur l’amitié : "L'amitié est un don / Soleil par tous les temps / Sous toute latitude / C'est une fulgurance de présence / Une prairie entre les mains".
Sous les mots du poète, il n’y a pas que l’intensité d’une relation affective en-dehors des réalités institutionnelles.
Le grand poète marocain rappelle nos existences souvent graves à la beauté première des harmonies populaires. Nous sommes deux pays plus qu’amis, deux pays frères.
Des premiers marins phéniciens de la haute Antiquité accostant à Larache, au-delà des colonnes d’Hercule, au poète Jean Genet qui a exigé d’être enterré au Maroc, face à l’Océan, les témoignages de fascination devant les profondeurs, les beautés et les éclats du Maroc ne manquent pas. Le Royaume du Maroc est aujourd’hui un pays que le monde entier regarde. Tanger, Fès, Casablanca, Rabat, Volubilis, Meknès, citer ces villes, c’est ouvrir des empires de sens, des synthèses merveilleuses d’images, de couleurs et de prestiges. Le Maroc a toujours su affronter toutes les modernités avec la confiance et la force d’un peuple qui connaît son histoire et en demeurera toujours fier.
Nous affrontons des défis comparables : l’espoir en une jeunesse à qui l’on doit apporter des réponses, des emplois à rendre prospères, une sécurité toujours menacée (et je sais qu’il y a quelques mois encore, des attentats ont été déjoués au Maroc).
Ce jumelage, c’est encore et toujours le témoignage de cette amitié que rien ni personne n’altérera. Nous avons besoin les uns des autres, comme, depuis l’ouverture des routes phéniciennes, grecques, romaines, nous avons, les uns avec les autres, construit ensemble les plus belles civilisations. Nos jeunesses, les yeux de nos enfants, brillants d’exigences et d’espérance, nous regardent.
Vive la Chambre des représentants !
Vive le peuple marocain !
Vive le Maroc ! Et vive la France !