Ouverture de la cérémonie de remise des Victoires des Autodidactes

Victoires des autodidactes 2015
Jeudi 9 avril à 18h30 à l’Hôtel de Lassay

Monsieur le Président du Harvard Business School Club
de France, M. Pierre GADONNEIX,
Monsieur le Président de Mazars en France,
M. Hervé HELIAS,
Mesdames et Messieurs,

Bienvenue à l’Assemblée Nationale pour ce moment que l’on pourrait, au premier abord, juger paradoxal…
D’un côté, l’Assemblée nationale…
Cœur battant de la démocratie…
Où se célèbrent chaque jour l’histoire et les instruments de la République.
Au premier rang desquels l’Ecole, et ce que j’appelle volontiers la « promesse différée de l’éducation nationale » : travaille mon fils, travaille ma fille, et tes efforts seront récompensés…

De l’autre, les « autodidactes »…
Dont on dit d’eux – l’expression est un peu convenue – qu’ils « se sont faits tout seuls »…
Hors l’Ecole. Hors les institutions. Hors la République.

C’est par là que je voudrais commencer : être autodidacte, ce n’est pas être l’enfant de personne ni de rien.
Nombre d’entre vous, présent ici, ont emprunté des chemins de traverse.
Nombre d’entre vous ont pu quelquefois rencontrer l’échec, puis la seconde chance.
Nombre d’entre vous – tous, à vrai dire – ont réalisé une œuvre, une entreprise, celles que l’on construit patiemment, avec ardeur et persévérance.   
Mais aucun de vous – je dis bien aucun – ne s’est fait tout seul, en dehors de la République.

Etre un autodidacte, ce n’est pas être l’artisan d’un succès solitaire. Etre un autodidacte, ce n’est pas être l’acteur d’une aventure égoïste.
Vous tous, avec vos histoires singulières, avec vos parcours atypiques, avez rencontré la République, à un ou à plusieurs moments de votre itinéraire.
Forcément à l’Ecole. Même quand elle ne diplôme pas, l’Ecole forme, forge, cultive, éduque.
Puis dans la vie associative de votre ville, de votre quartier ou de votre campagne.
Puis encore dans le recours aux services publics – patrimoine de ceux qui n’ont pas de patrimoine – qui constituent un filet de sécurité pour qui veut oser, tenter, entreprendre.
Moi-même, d’une certaine manière, je peux me dire autodidacte ! La réussite n’était pas écrite dans les lignes de ma main. La fabrique de la loi, la science législative, jamais ne les ai-je apprises dans les grandes écoles.
Et pour autant, je sais ce que je dois à la République, ce que je dois à son école, à ses maîtres. Je sais ce que je dois à ses militants associatifs, à ses services publics.
A la lecture du parcours des nominés de cette soirée, j’ai pu voir, que dans vos aventures, vous avez à plusieurs reprises rencontré la République.
Au hasard, Pierre RIOU, le dirigeant du groupe RIOU Glass, qui est parvenu en 2012, grâce à la Banque Publique d’Investissement, à passer de l’activité de transformation du verre à la fabrication du verre à plat.
La BPI, qu’est-ce d’autre qu’un instrument de la République ?
D’autres ont provoqué cette rencontre républicaine en nouant des partenariats avec des organismes de formation pour donner sa chance à notre jeunesse.
 
Si dans le parcours d’un autodidacte, il y a toujours une rencontre qui est déterminante, je me réjouis de voir que nombreux parmi vous sont ceux qui accordent une importance particulière à rendre la deuxième chance qui leur a été donnée, aux plus jeunes, aux décrocheurs.

Finalement, le moment que nous partageons aujourd’hui, c’est une allégorie de ce qu’est la République du 21e siècle : le dialogue constant entre volonté individuelle et solidarité nationale.
Voilà précisément l’idée que je me fais de l’égalité républicaine.
L’égalité républicaine…
Pas le laisser-faire, le laisser-aller. L’honneur de la République et d’une Nation moderne, c’est de ne laisser personne sur le bord du chemin.
Mais pas l’égalitarisme non plus. Les talents existent, et ils doivent être reconnus.
Ce moment est donc là pour célébrer.

Mais ce moment est là aussi pour combattre.
- Combattre l’échec.
C’est le sens, par exemple, de notre action de développement des écoles de la deuxième chance, qui, aujourd’hui au nombre d’une quarantaine, permettent sur une partie importante du territoire de proposer un accompagnement global pour favoriser l’insertion sociale et professionnelle des jeunes sortis sans diplôme du système scolaire,
les « décrocheurs ».
Ces jeunes ont le droit à l’échec et ils ont aussi le droit à une deuxième chance. C’est le devoir de la République.
Je suis convaincu que vous êtes et serez les premiers à leur offrir un stage, un premier emploi, un premier contrat en apprentissage, car vous savez quelle richesse ils peuvent représenter pour votre entreprise, pour votre pays.
- Combattre les conservatismes et les corporatismes qui figent la hiérarchie sociale.

Je pense tout particulièrement à ce satané syndrome de la reproduction des élites qui gangrène notre société. Songez qu’en 2009, l’ENA comptait sur 81 élèves, 4 élèves qui avaient un parent ouvrier et 13 un parent employé…
Il faut défier les parcours tracés, et je mesure bien le chemin parcouru en dehors des sentiers battus par chacun des autodidactes présents dans cette salle.
Face à un tel constat, plus que jamais, nous devons oxygéner notre démocratie, notre société, et notre économie pour mettre fin à toutes les rentes de situation qui bloquent notre société.
Alors que la plupart des dirigeants des CAC 40 est issue des grandes écoles, vous avez fait le choix de réaliser un rêve et de partager une vision du monde au travers de votre entreprise, et souvent en partant de rien, à l’instar des autodidactes les plus célèbres du monde (Steve Jobs, le fondateur d’Apple ou Bill Gates, le créateur de Microsoft) qui ont commencé leur aventure dans leur garage.

Aussi, Mesdames et Messieurs, je suis particulièrement heureux de rendre hommage à vos parcours qui portent en eux le « nouveau patriotisme » que je défends depuis longtemps. Vous démontrez que la France est un pays d’audace et d’innovation où l’on peut partir de loin et apporter beaucoup au pays.
Je parlais de « paradoxe » au commencement de mon propos. Je voudrais évoquer « l’évidence » pour conclure.

Autodidactes, vous êtes des visages de la République.
Quoi donc de plus « évident », quoi donc de plus naturel que de vous rendre hommage ici à l’Assemblée nationale, cœur battant de la démocratie, temple de l’égalité républicaine ?

Je vous remercie.