Intervention de Claude BARTOLONE, Président de l’Assemblée nationale
1ère Convention des Départements de France
Vendredi 11 octobre 2013
Monsieur le Président du Conseil général du Nord,
Monsieur le Président de l’Assemblée des départements de France,
Mesdames et Messieurs les Présidents de conseils généraux,
Mesdames et Messieurs les conseillers généraux,
Je suis heureux d’être parmi vous pour cette Première convention des départements de France.
C’est l’occasion pour moi de dire que l’Assemblée des départements de France (ADF) est une association utile, forte et mobilisée. Elle doit être félicitée pour son travail et pour son engagement. Elle représente des milliers d’élus qui s’investissent sans compter et des dizaines de milliers de fonctionnaires territoriaux qui chaque jour travaillent au plus prêt de nos concitoyens.
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Vous avez choisi de placer votre rencontre sous le thème « La France des départements, solidaire et entreprenante ». Vous avez bien fait. C’est un excellent choix.
Je m’explique.
Qu’on le veuille ou non, nous sommes entrés dans un nouveau monde.
Le monde ne traverse pas une énième crise cyclique. Le monde change.
L’espérance de vie s’accroît d’année en année. Les équilibres démographiques sont bouleversés.
Les progrès scientifiques chamboulent nos manières de vivre, de communiquer, de produire, de consommer.
Les mœurs évoluent. La prise de conscience environnementale s’intensifie.
Ce nouveau monde est une chance pour la France en même temps qu’un questionnement pour chacun des Français : « Ai-je encore ma place ? »
Pour que chacun puisse trouver sa place, nous n’avons qu’un choix à faire, celui d’une France solidaire et entreprenante.
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Une France solidaire tout d’abord. La solidarité est notre boussole. Elle doit le rester dans ce monde en mutation. Dans un pays moderne, nul ne doit être laissé au bord du chemin.
Une France solidaire, vous disais-je, est une France solidaire à tous les niveaux. Elle prend racine dans les territoires.
Ce n’est pas à vous que je vais rappeler que les départements sont les grands acteurs de la solidarité, qu’ils consacrent plus de la moitié de leur budget aux politiques en matière d'action sociale et médico-sociale.
Chaque jour, vous donnez corps à la solidarité dans les territoires :
- En protégeant nos enfants et en assurant notamment l'insertion et la promotion sociale des jeunes et des familles ;
- En protégeant les personnes en situation de handicap, en pilotant les MDPH et en délivrant la prestation de compensation du handicap ;
- En protégeant les personnes âgées. Qui est en première ligne des politiques d’autonomie en délivrant l’APA ;
- En assurant la gestion du revenu de solidarité active (RSA).
Sur ce point, je tiens ici à parler de la pauvreté dans les territoires. Je le dis souvent, je refuse toute « échelle de souffrance ».
La pauvreté et le chômage ne sont pas le lot des grandes villes et des banlieues. On souffre à la ville comme on souffre à la campagne. Pour cette raison, tous les efforts doivent être faits pour garantir à chacun de vivre dans des conditions dignes. L’action menée par les collectivités dans ce domaine est immense. Elle doit l’être encore plus demain.
Dans ce nouveau monde, la France solidaire c’est aussi :
- La solidarité entre les territoires. Dans ce domaine, nous devons constamment innover, repenser les mobilités, les services publics et les services aux publics ;
- La solidarité avec les générations futures, en laissant une planète dans un état convenable.
Je vous le dis, les collectivités locales sont en première ligne dans le défi de la transition énergétique.
D’ailleurs, les départements ont été précurseurs : la Haute Qualité Environnementale (HQE) ou les critères environnementaux pour les marchés publics n’ont plus de secret pour eux. Il faut poursuivre dans cette voie.
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Une France solidaire donc. Mais aussi une France entreprenante.
Je ne suis pas de ceux qui croient au déclin de notre pays. Rappelons ces quelques vérités.
La France est la 5ème puissance économique mondiale. La 2ème puissance maritime mondiale. Le 1er producteur agricole et 2nd exportateur agricole de l’Union européenne.
Nous avons l’une des mains d’œuvre les mieux formées au monde. Nous attirons des étudiants venus des quatre coins du globe. En cette période de prix Nobel, il n’est pas inutile de dire que la France est le 4ème pays en nombre de Prix Nobel reçus.
Nous avons toutes les cartes en mains. Pour relancer la croissance. Pour remettre la machine à emploi en marche.
Pour y parvenir, la France doit renouer avec l’esprit d’entreprendre. Mieux, elle doit retrouver le goût du risque. Ne laissons jamais s’installer l’idée que notre pays serait le simple musée de l’Europe. Celui que les pays émergents viendraient photographier « en mémoire du temps où ».
La France est une grande Nation industrielle qui n’entend pas se résigner au déclin dans la mondialisation.
Commençons par valoriser nos entrepreneurs. Nous ne disons pas assez à nos entrepreneurs que nous sommes fiers d’eux.
La France est fière de ses entrepreneurs, de ses artisans, de ses commerçants, de ses patrons de très petites, petites et moyennes entreprises, de ses capitaines d’industries, ceux qui créent de la richesse, ceux qui innovent, ceux qui prennent des risques. Ceux qui respectent leurs salariés, leurs conditions de travail, leur vie. Ceux qui sont attentifs au dialogue social et qui en font une richesse pour le développement de l’emploi.
L’emploi, j’y viens.
Tout doit être engagé pour remporter la bataille de l’emploi. Et dans ce combat, les territoires sont en première ligne.
Ayons toujours à l’esprit que les collectivités représentent 70% des investissements publics. Je vous le dis, rien ne doit entraver cette capacité d’investissement qui constitue l’une des plus grandes sources de croissance pour le pays.
- Les collectivités territoriales sont en première ligne pour la bataille de l’emploi. Directement confrontés aux conséquences désastreuses de la détérioration de la situation de l'emploi, les élus locaux se sont fortement engagés pour l’emploi, la formation et le développement économique.
Chaque jour, ils veillent à réconcilier les secteurs de l’insertion sociale et l'insertion professionnelle.
Déjà les départements financent des milliers d’emplois dans l’économie sociale et solidaire, autant d’emplois qui irriguent les territoires et qui ne sont pas délocalisables.
Il faut poursuivre dans ce sens. Et innover.
Je veux ici parler de la croissance verte, je sais qu’elle sera une opportunité majeure pour créer de l’activité et des emplois dans les collectivités.
- Les collectivités sont aussi les premiers acteurs de l’innovation. Elles favorisent et renforcent l’innovation en tissant des liens entre les centres de recherche, les universités, les pouvoirs publics, les entreprises locales.
Si la politique de la recherche se joue à l’échelle nationale, les collectivités territoriales assurent la promotion de l’innovation dans les entreprises. Tout doit être engagé pour encourager l’innovation. Car une France qui innove, c’est une France qui gagne.
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Solidaire et entreprenante. C’est notre feuille de route pour la France.
Mais comme vous, je le sais, pour réussir ce pari, nous devons installer un nouveau pacte de confiance entre l’Etat et les territoires.
1. Ce nouveau pacte de confiance entre l’Etat et les territoires, il redéfinit les missions de chacun.
Concernant les départements, l’Assemblée a déjà adopté :
- un nouveau nom, le « conseiller départemental »,
- un nouveau mode de scrutin, le « scrutin binominal » qui fera des assemblées départementales les premières véritables assemblées paritaires,
- des critères équilibrés pour le redécoupage des cantons, même si ici ou là, des ajustements sont encore nécessaires,
- le renouvellement en une fois des assemblées.
Autant de décisions importantes, attendues depuis longtemps par de nombreux élus départementaux.
En début de semaine c’est la proposition de loi portant création d'un conseil national d'évaluation des normes qui a été votée définitivement.
Et je ne vous dévoilerais rien en vous disant que de nombreux textes concerneront les départements dans les semaines qui viennent.
D’ici la fin de l’année, les députés débattront :
- de la proposition de loi relative au statut de l’élu qui permettra une meilleure reconnaissance de l’engagement des élus locaux ;
- du projet de loi sur la ville ;
- et surtout, du Projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, qui viendra en deuxième lecture à l’Assemblée mi novembre.
Enfin, l’année prochaine, nous travaillerons sur les textes touchant aux compétences régionales et départementales.
Vous le voyez, le Parlement est impliqué pour mieux définir les missions de chacun et permettre le renforcement du pacte de confiance entre l’Etat et les collectivités locales.
Le Parlement, justement, j’y viens. En tant que Président de cette grande maison, je sais à quel point tisser des liens entre l’Assemblée nationale, les collectivités territoriales et les associations d’élus est important.
C’est pour cette raison que je crois profondément dans le Parlement de non-cumul et dans la France du non-cumul.
Permettez-moi ici d’en dire un mot.
Il peut y avoir des tergiversations ; il y en a. Il peut y avoir des débats ; il y en aura aussi. Mais l’engagement du président de la République sera tenu. C’est irréversible. Parce que c’est le sens de l’Histoire.
Mais pour que cette réforme réussisse, encore faut-il la préparer.
Il nous faudra revisiter les relations entre l’Assemblée et les collectivités locales, mieux associer les associations d’élus au travail parlementaire. Le rôle de l’ADF sera dans ce contexte encore plus important.
2. Ce nouveau pacte de confiance entre l’Etat et les territoires, il doit offrir aux collectivités les moyens nécessaires pour agir.
La semaine prochaine, l’Assemblée nationale commencera l’examen du budget de la Nation. L’effort global à réaliser se chiffre en dizaine de milliards d’euros. Il s’impose à tous.
Les collectivités sont prêtes à prendre leur part de l’effort, je le sais.
Mais je veux vous assurer que nous aurons une exigence : celle d’une répartition équitable de ces efforts et d’une réforme nécessaire de la fiscalité locale engagée en cohérence avec celle de la fiscalité nationale.
Vous le savez mieux que moi, la question de la crise des finances publiques et la rénovation de la fiscalité locale sont nos priorités.
Vous connaissez mon attachement à ces sujets, au principe d’autonomie financière, ma sensibilité aux critères de péréquation entre collectivités. Cela concerne tous les départements, les départements urbains mais aussi et surtout les départements ruraux qui doivent gérer le financement de l’APA.
Sur ce point, le projet de loi de finances tranchera sur les critères de répartition. Je souhaite qu’un vrai consensus émerge de ce débat, sans division superficielle entre les partisans des urbains d’une part et les partisans des ruraux d’autre part.
J’ajoute que Claudy Lebreton et son Bureau, ont réussi à convaincre le Gouvernement de proposer une première réponse au financement des allocations de solidarité. Je veux dire ici mon soutien à cette proposition solidaire vis-à-vis de millions de Français.
Pour ma part, je veillerai à ce que les députés soient au rendez-vous.
J’ai bien entendu votre demande relative au relèvement du taux des droits de mutations. Avec moi vous avez un allié.
3. Ce nouveau pacte de confiance entre l’Etat et les territoires, il ancre la décentralisation dans les esprits.
François Mitterrand disait que la France avait eu besoin de la centralisation pour se faire, puis de la décentralisation pour ne pas se défaire.
Aujourd’hui plus que jamais, nous devons assumer pleinement la décentralisation pour sortir définitivement de la crise.
Trop souvent, nous nous trouvons face à une ambiguïté concernant la décentralisation avec de grandes lois d’une part, et la persistance d’une culture jacobine et centralisatrice de l’autre.
C’est le moment de réaliser pleinement la décentralisation. De l’ancrer définitivement dans les esprits et dans les actes.
Cette convention arrive à un tournant.
En 2015 les départements seront renouvelés dans leur intégralité et non plus par moitié. Le nouveau mode de scrutin sera mis en place pour maintenir l’ancrage territorial et assurer une représentation égale des femmes et des hommes. Les départements doivent saisir ces opportunités pour montrer leur modernité.
Les territoires évoluent, bougent. C’est la preuve que la décentralisation fonctionne. Qu’elle doit conduire nos politiques actuelles et futures.
La « France des départements » agit.
La « France des départements, solidaire et entreprenante » est en marche. Elle est l’avenir de la France tout court.
Je vous remercie.