Ouverture du colloque de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur « Le principe d’innovation »
Jeudi 5 juin 2014
Monsieur le Président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Cher Bruno Sido
Monsieur le Vice-Président de l’Office, Cher Jean-Yves Le Déaut,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames et Messieurs
Je suis très heureux de vous accueillir, ici, à l’Assemblée nationale, pour cette audition publique sur « le principe d’innovation ».
Je tiens tout d’abord à vous remercier, vous, députés et sénateurs de L’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques pour cette initiative.
C’est pour moi l’occasion de saluer le travail de l’Office parlementaire depuis 1983.
Né de la noble intention d’éclairer le Parlement sur les sujets dont la technicité scientifique dépasse notre domaine d’expertise initial, cet Office permet, depuis plus de trente ans, d’apprécier la portée de la politique et des projets gouvernementaux dans les domaines scientifiques et technologiques, et ce, par un travail de recherche au fond et d’expertise.
Les questions abordées par les 18 députés et les 18 sénateurs qui le composent sont parfois au centre de polémiques très vives. Je citerai les OGM, les nanotechnologies, les gaz de schiste, le traitement et l’enfouissement des déchets nucléaires, ou la bioéthique.
Mais votre office parlementaire s’est donné pour objectif d’aborder ces questions de manière sereine et pluraliste, et cela doit être salué car il permet le bon fonctionnement du débat public.
Rien n’est plus dommageable que l’impossibilité du débat public. Le débat public ne doit pas être craint. Il est au cœur de la démocratie.
Loin des animosités partisanes, vous rendez ce débat possible, en faisant travailler ensemble députés et sénateurs, qu’ils soient issus de la majorité ou de l’opposition. Et c’est cette parité et votre expertise qui permettent aux parlementaires de recentrer le débat autour des véritables enjeux.
Vous le savez, le rôle que vous assumez me tient particulièrement à cœur, dans la mesure où je défends l’idée selon laquelle le Parlement doit se recentrer sur un travail au fond. Au fond des textes et au fond des enjeux. De manière générale.
D’une certaine façon, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques participe déjà à ce nouveau Parlement du XXIème siècle que j’appelle de mes vœux.
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Chers amis,
Vous êtes dans l’enceinte du parlement.
C’est au parlement que nous pouvons faire vivre le débat et faire naître les accords de majorité.
Au parlement que nous pouvons entendre ce que nos élus ont à dire de l’état de la France, des attentes du peuple.
Au parlement que nous pouvons structurer le débat et donner leur entière visibilité aux réformes.
Pour bien façonner la loi au « parlement», il faut d’abord veiller à ce que les parlementaires soient bien informés, pour être au cœur des initiatives et de la loi innovante.
J’en suis convaincu : il est temps d’aller vers un rééquilibrage entre le parlement et le gouvernement en ce qui concerne l’origine des textes de loi. Cela ne se fera ni d’un simpleclaquement de doigts ni par une réforme constitutionnelle complexe.
Commençons déjà par revisiter nos comportements.
Les parlementaires peuvent et doivent prendre l'initiative de propositions de lois, anticiper les calendriers, défricher les sujets.
C’est pour cela que je défends une Assemblée ouverte sur la société, ouverte sur les forces vives, ouverte sur l’Europe comme sur les territoires. Ouverte sur l’innovation aussi.
Le Parlement dispose donc d'une force considérable - comme cet Office – pour travailler de manière très approfondie sur les textes. Il faut s'en saisir.
Le président de la République a réaffirmé à de nombreuses reprises depuis 2012 son attachement à ce que la France demeure une République parlementaire. Le sillon est ainsi tracé.
Ce que vous faites aujourd’hui fait en ce sens honneur à cette démocratie parlementaire.
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Chers amis,
Le sujet qui nous réunit aujourd’hui, « le principe d’innovation » s’inscrit dans la suite de nombreuses réflexions sur le principe de précaution et sur l’innovation.
Il est l’aboutissement pour vous de nombreuses interrogations auxquelles il n’est pas facile de répondre. Par exemple : Le principe de précaution, mal appliqué, ne risque-t-il pas de freiner l’innovation, voire de l’entraver ?
Cette crainte est-elle justifiée ?
Je n’ai pas de réponse définitive à cette question. Pour autant, quand je regarde les classements internationaux - qu’il s’agisse de ceux de l’OCDE ou de l’Union Européenne - je m’attriste de voir la France à un rang qui ne devrait pas être le sien, celui de « suiveur de l’innovation ». C’est un douloureux constat, mais c’est un constat nécessaire si nous voulons aller de l’avant et saisir notre place parmi les grands États de l’innovation.
Car l’innovation c’est la croissance et la préservation du modèle social, l’innovation c’est le bien-être des citoyens et l’amélioration du niveau de vie. Et cela n’appartient pas qu’aux grandes entreprises, mais à toutes les entreprises ; pas à quelques secteurs de l’industrie mais à tous les secteurs.
L’innovation n’est pas seulement économique. Elle a aussi une dimension sociale, culturelle, organisationnelle.
Aujourd’hui, l’objectif de l’audition publique de l’OPECST est de clarifier les termes de ce débat. Certains éléments sont en effet largement partagés, alors que d’autres entraînent de nombreuses discussions.
Le rapport de l’Office sur l’innovation à l’épreuve des peurs et des risques a permis de s’en rendre compte. Ses deux auteurs que je tiens à saluer, messieurs Claude Birraux et Jean-YvesLe Déaut, ont montré clairement combien l’acceptation du progrès dépendait de l’acceptation du risque.
Celle-ci n’est du reste pas uniforme dans notre société. Elle est liée à des facteurs socio-économiques, mais aussi à l’âge et au niveau d’éducation.
Je ne vais pas entrer dans vos débats, il y a ici des intervenants plus engagés dans la réflexion.
Je souhaite juste évoquer 2 points qui me paraissent importants dans ce débat.
Le premier –je l’évoquais à l’instant- concerne le principe de précaution qui est à mon sens trop souvent utilisé contre l’innovation. Il ne faut pas confondre précaution et abstention. Le principe de précaution doit être un principe d’action. Il prévoit en effet d’intervenir sans attendre en situation d’incertitude, d’évaluer les risques et de prendre des mesures qui pourront être modifiées si nécessaire.
Le second point concerne nos concitoyens. Dans ce nouveau monde qui se dessine sous nos yeux, sans que nous soyons toujours certains de son évolution, nos concitoyens demandent de la réassurance. Il y a l’affirmation croissante d’une exigence de sécurité par des citoyens inquiets. Il faut les comprendre, cela s’explique souvent par une perte de confiance envers les institutions chargées d’assurer leur protection, du fait de crises mal gérées et de normes confuses et inadaptées.
Le débat d’aujourd’hui doit vous permettre aussi de répondre à ces deux difficultés.
Mais je ne voudrais pas présager de vos débats que je souhaite particulièrement riches. La qualité des participants réunis aujourd’hui à l’Assemblée nationale en est l’excellent augure.
Je vous remercie.