Présentation du rapport du groupe de travail sur l’avenir des Institutions

Présentation du rapport du groupe de travail sur l’avenir des Institutions :
Refaire la démocratie

Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les personnalités qualifiées,
Mesdames et Messieurs les journalistes,

C’est un grand plaisir pour nous de vous présenter aujourd’hui le rapport du groupe de travail sur l’avenir des Institutions.

Il est le fruit d’un an de débats.

Après 16 réunions, soit 64 heures d’échanges et de délibérations,  au cours desquelles nous avons procédé à l’audition de 31 personnalités, nous sommes aujourd’hui en mesure de vous présenter nos conclusions.

Mais avant d’en venir aux 17 propositions qui figurent dans ce document et qui ne manqueront pas, j’en suis sûr, de retenir votre attention, j’aimerais insister sur l’esprit dans lequel cette mission a été créée et a travaillé.

Car il est à mes yeux tout aussi important que les recommandations qui figurent dans ce document.  Par certains côtés, il l’est peut-être même plus.

Pourquoi ? Tout simplement, parce que des rapports sur les institutions, il y en a eu beaucoup.

Mais un rapport du Parlement sur la démocratie, élaboré lui-même de manière démocratique,  il n’y en a jamais eu.

Ce rapport, ne répond à aucune lettre de mission de l’exécutif.

Ce rapport, n’a pas été imaginé et construit par un groupe constitué exclusivement de hauts fonctionnaires et de juristes.

Ce rapport, n’a pas été débattu et rédigé à l’ombre, loin du regard des citoyens.

Oui, pour toutes ces raisons, le rapport que nous vous présentons aujourd’hui n’a pas de précédent.

Il pose un regard différent, d’une façon différente, sur notre démocratie.

Tout d’abord, du fait de la composition de notre groupe de travail. J’ai en effet souhaité qu’il soit mixte, paritaire, et transpartisan.  Co-présidé par Michel Winock – qu’il n’est nul besoin de présenter - et moi-même, le groupe de travail est  composé de onze parlementaires, issus de tous les groupes politiques, et de douze personnalités qualifiées, bien au-delà des seuls cercles juridiques. Il regroupe ainsi en son sein une grande diversité de profils : philosophe, historiens, professeurs de droit,  de sciences politiques, acteurs du monde syndical ou de l’entreprise…

S’il pose un regard différent, c’est ensuite parce qu’il est l’expression de nos convictions, mais aussi de nos doutes et de nos désaccords. Il ne cache rien, y compris sur la façon dont ont été adoptées toutes nos propositions.

La méthode retenue pour déterminer le choix des orientations et des propositions portées par le groupe de travail est  de fait également sans précédent.

J’ai voulu que le rapport soit bâti, non à partir de ma seule conviction ou même de celle des deux présidents, mais à partir des réponses que chaque membre avait, à l’issue de sa propre réflexion, décidé d’apporter au moyen d’un questionnaire préférentiel.

Ce questionnaire a été élaboré au terme du cycle des auditions menées par le groupe, afin d’embrasser l’ensemble des thématiques inscrites à son ordre du jour. Il comporte 83 questions principales et 50 sous-questions, soit un total de 133 questions.

Afin de permettre à la fois l’expression nuancée de nos opinions et la détermination d’orientations communes, chaque membre du groupe a été invité à indiquer, pour chaque proposition, son degré d’adhésion. Une proposition a été considérée comme adoptée lorsqu’une majorité relative de membres du groupe s’est prononcée en sa faveur qu’ils soient « tout à fait » ou «plutôt » d’accord avec cette orientation.

Vous trouverez en annexe, ce questionnaire ainsi que les notes globales obtenues par chaque proposition.  

Je précise, si besoin en était, qu’aucune prééminence particulière n’a été accordée aux réponses données par  Michel Winock ou par moi-même.

Je l’ai dit lors de sa création : si j’ai souhaité créer ce groupe de travail ce n’est pas pour être la chambre d’enregistrement de mes positions, ni de celles de qui que ce soit d’ailleurs. Il n’y avait pas de plan caché, il n’y en a toujours pas.

J’ai souhaité cette mission pour que nous puissions ensemble dépasser les clivages et les postures, pour nous placer sur le terrain des idées. Je crois que, de ce point de vue, ce rapport prouve que les choses sont, en vérité, bien plus ouvertes que certains ne voudraient nous le faire croire…

Je regrette d’ailleurs ici sincèrement, et cela malgré le grand respect que je lui porte, que le président du groupe Les Républicains, Christian Jacob, ait tenté, en vain, mardi dernier,  de replacer ce débat dans un affrontement entre formations politiques, en déclarant que nos propositions étaient, je cite, un « non-sens » et que son groupe politique s’y opposerait quoi qu’il arrive.

Je rappelle, tout d’abord, que ce groupe de travail est composé majoritairement de personnalités qualifiées, reconnues pour leur indépendance, et non d’élus appartenant à telle ou telle formation politique. Je ne sais pas, ensuite, si nos propositions sont un « non-sens », comme il l’affirme, je sais en revanche  que nous comptons, dans nos rangs, des hommes et des femmes qui ont un certain sens de l’histoire…

Enfin et surtout, il ressort clairement des réponses apportées par chaque membre, et des comptes rendus de nos réunions qui figurent dans le tome II du rapport, que les distinctions sur ces sujets  – je pense par exemple à la question du septennat ou de l’introduction d’une dose de proportionnelle – n’épousent pas les frontières des groupes parlementaires, mais au contraire traversent en leur sein bien des formations politiques.

Il n’en demeure pas moins, il est vrai, comme l’a souligné Michel Winock, que nos débats ont mis en avant un clivage,   entre ceux, très minoritaires, qui ne veulent rien toucher à la Constitution de la Vème République, et ceux qui jugent qu’en 2015 notre société n’est plus celle de 1958, que nous avons changé de monde et que les institutions de la Ve République n’ont pas été pensées pour ce monde-là. Elles n’ont pas été pensées à l’heure de l’Europe, de la mondialisation, du capitalisme financier, de la révolution numérique, du changement climatique.

Elles n’ont pas été pensées pour un monde où les décisions ne font plus autorité simplement parce qu’elles ont été décrétées.

Le citoyen de 1958 n’est pas celui de 2015. Il a de nouvelles aspirations, de nouvelles angoisses, de nouvelles espérances.

***

Si nous ne prônons pas ici une VIème République, nous aspirons en revanche, au terme de ce rapport, à une nouvelle démocratie.

Nos 17 propositions vont dans ce sens.

Pour ma part, j’insisterai sur trois points.

Et cela d’autant plus que nous avons entendu ou lu, au cours des derniers jours, bien des choses inexactes.  

Le premier point c’est que je revendique le fait d’avoir moi-même, à l’instar de beaucoup d’autres membres de cette mission, évolué sur un certain nombre de questions, grâce à nos débats.

Je crois d’ailleurs que si c’était pour camper sur ses positions ce groupe de travail n’aurait eu aucun sens : cela aurait fait tout simplement obstacle à toute proposition commune.

Ainsi, il y a un an, une partie d’entre nous appelait de ses vœux l’instauration d’un régime présidentiel, quand une autre défendait l’idée d’un régime parlementaire strict.

Au fil de nos débats, nous nous sommes retrouvés sur l’idée que, tout d’abord, nous partagions bien un même constat : le quinquennat, en mettant le Président de la République en première ligne, a ajouté à la confusion des rôles entre le chef de l’État et le Premier ministre. Puis, que le débat entre régime présidentielle et régime parlementaire strict était peut-être, en vérité, quelque peu dépassé.

Et que nous pouvions trouver un accord sur l’idée d’un septennat non renouvelable, rénové, et repensé, permettant de clarifier le rôle de chacun et de renforcer la responsabilité du pouvoir exécutif et la lisibilité de ses décisions.

C’est la raison pour laquelle j’ai, pour ma part, aux termes des réponses que j’ai apportées au questionnaire, non pas proposé la suppression du Premier ministre, mais pris parti en faveur de cette troisième voie qui pouvait nous permettre aux uns et aux autres de converger.

Le deuxième point sur lequel je souhaite insister est le référendum d’initiative populaire. Cette proposition permettrait demain à un certain nombre de citoyens d’engager une procédure référendaire, à leur initiative.

Elle est à mes yeux capitale. L’actuel article 11 de la Constitution, relatif au référendum, ne prévoit en vérité rien de tel. Pourtant, je crois que la démocratie ne peut plus se limiter au temps de l’élection. Les citoyens doivent avoir la possibilité d’interpeller leurs représentants entre deux échéances électorales.

Rendre du pouvoir aux citoyens, c’est tout le sens de cette proposition. Et je crois que c’est aussi le sens de notre rapport.

Cela m’amène au dernier point sur lequel je souhaitais  insister : la question du lien entre les citoyens et leurs représentants et par-là même la question du scrutin proportionnel.

J’indique d’ailleurs, à titre liminaire, que dans le cadre de notre échange avec le Président de la République – contrairement à ce que j’ai pu lire -  je ne l’ai pas, pour ma part, entendu exclure explicitement le scrutin proportionnel, pas plus que je ne l’ai entendu dire qu’il y était favorable.

Quoi qu’il en soit, notre groupe de travail prend lui clairement position en faveur de ce mode de scrutin et tord le cou au passage à ce vieux mythe selon lequel il se traduirait nécessairement par une instabilité du pouvoir.

Bien d’autres points pourraient être évoqués. La partie sur la justice, et je dirai même sur le pouvoir judiciaire, qui a fait l’objet d’un réel consensus et sur lequel je vous invite à vous pencher.

Mais je ne peux pas ici résumer un an de travail. Je vous laisse découvrir ce rapport, notamment la partie sur le parlement du non cumul, dans laquelle nous faisons des propositions importantes de nature notamment à renforcer la fabrique de la loi.

Quant au bicamérisme rénové, c’est une invitation là aussi au débat. Je crois que nos Institutions et la démocratie mérite mieux qu’une polémique sur ce sujet. Un sujet qui se pose d’ailleurs dans bien des démocraties aujourd’hui.

Je regrette néanmoins qu’un seul sénateur ait accepté de participer à notre groupe de travail et que le groupe LR du Sénat ait donné la consigne de boycotter notre mission, au motif que cela ne serait, selon les termes utilisés à l’époque par son président, « ni la bonne méthode, ni le bon moment ».

On se demande au regard du degré de confiance de nos citoyens dans leurs institutions, et au regard de la composition de ce groupe de travail, composé d’une majorité de personnalités qualifiées indépendantes, quand est-ce que cela  sera, enfin, le bon moment et la bonne méthode…

***

Mesdames et Messieurs,

Le rapport du groupe de travail sur l’avenir des institutions s’intitule « Refaire la démocratie ». Non qu’il prétende, à lui seul, être en mesure de répondre à la crise démocratique qui nous ronge.  

Mais parce que nous souhaitons à travers ce document et ces propositions, inviter chaque citoyen, chaque citoyenne, à participer au débat et à se saisir de cette question.

Initier un débat sur la démocratie à venir, c’est tout le sens de ce rapport.

Et parce c’est à nous, citoyens et citoyennes de décider, ensemble, de la démocratie dans laquelle nous souhaitons  vivre, je vous invite à compter d’aujourd’hui à vous rendre sur le site Internet de l’Assemblée nationale et à répondre en ligne à ces 130 questions sur l’avenir de nos Institutions, comme nous l’avons fait nous-mêmes.

Vous y retrouverez tous nos débats et tous les documents qui peuvent alimenter cette réflexion.  

Le débat est lancé, que vive la démocratie !