Remise du rapport de la commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015

Remise du rapport de la commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015
mardi 12 juillet 2016

Monsieur le Président, Georges Fenech,
Monsieur le rapporteur, cher Sébastien Pietrasanta,
Mesdames et messieurs les commissaires, mes chers collègues,
Mesdames et messieurs,

C’est peu de dire que le rapport que vous me remettez aujourd’hui est attendu.

C’est peu dire qu’il a déjà fait l’objet de nombreux commentaires.

C’est peu dire enfin qu’il est parfois nécessaire de rappeler que le Parlement travaille en toute indépendance et que les commissions d’enquête sont apparues en France avec le régime parlementaire, le droit d’enquête étant considéré comme un corollaire du droit de contrôle de l’assemblée.

Leur existence est, depuis la révision du 23 juillet 2008, inscrite à l’article 51-2 de la Constitution.

Ce rapport est important, parce que la barbarie terroriste a frappé la France à plusieurs reprises depuis janvier 2015.

Il est important, parce que ces attaques entendaient faire vaciller nos institutions démocratiques et les fondements de notre société ouverte, laïque.

Le 26 janvier dernier était créée la commission d’enquête parlementaire sur les mesures mises en place par l’État suite aux attentats terroristes.

La richesse du présent rapport démontre l’étendue de vos interrogations. A l’issue de la commission, vous avez auditionné 190 personnes, au cours de 125 heures. Et je ne compte pas les nombreux déplacements auprès de différents services de lutte contre le terrorisme, en France bien sûr, mais aussi en Belgique, aux Pays-Bas, en Grèce, en Turquie, en Israël, et jusqu’aux Etats-Unis où vous avez rencontré les personnes chargées de la lutte antiterroriste, dans une approche renouvelée après les attentats du 11 septembre.

Ce rapport est le fruit de votre réflexion, indispensable afin de faire reculer la peur et les tentations de réponses simplistes aux menaces auxquelles nos sociétés démocratiques doivent faire face. Il constituera à n’en pas douter un document de référence pour l’étude des événements qui nous ont frappés.

Les témoignages recueillis nous replongent, avec les victimes, les secours, les forces de l’ordre, dans l’horreur des attentats de janvier et novembre 2015. En écho aux déclarations d’une rescapée du Bataclan, il y a dans ces pages le pire de l’être humain. On y trouve aussi le meilleur.

Au-delà de la violence inouïe, les différentes auditions démontrent l’extrême professionnalisme des intervenants au moment des attentats. Les policiers, les médecins, les pompiers, les secouristes. Leur dévouement, toujours. Leur héroïsme aussi.

Je retiens le récit de ce fonctionnaire de police, membre du premier équipage arrivé sur les lieux du Bataclan, qui, alors qu’il est la cible de tirs nourris des terroristes, se dit : « tant qu’on tire sur moi, on ne tue personne d’autre ».

Votre travail était nécessaire car nous devons aux victimes et à leurs proches la vérité sur ce qu’il s’est passé en janvier et en novembre. Leur deuil, la douleur qu’ils doivent surmonter nous obligent. Naissent des interrogations légitimes parmi nos concitoyens.

Les procédures judiciaires suivent leur cours. Elles apporteront leur part de réponses. Mais il était également nécessaire d’interroger le fonctionnement de l’État. Seule une commission d’enquête parlementaire pouvait le faire.

Et je dois dire que votre engagement, Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues, a été total.

La chronologie que vous établissez montre que l’appareil de l’Etat a su se mobiliser. L’Etat, les institutions n’ont pas vacillé. C’est le sens de votre travail. J’ai salué à l’instant l’héroïsme des  intervenants, professionnels, parfois simples citoyens.

Derrière ces comportements individuels qui ont sauvé des vies, les dispositifs mis en place ont globalement fonctionné. Loin d’une vision simplificatrice, vos auditions ont démontré la difficulté extrême du combat contre le terrorisme.

Vous évoquez des pistes d’amélioration, notamment dans le cadre de l’accompagnement et de l’information des victimes. Mais loin d’une image d’un État impréparé, vos travaux démontrent que nos institutions ont pris la mesure de la menace qui pèse sur notre pays.

Votre rapport démontre la volonté permanente au sein des services  à s’adapter pour faire face à une menace multiforme. Cet effort d’adaptation existait avant que le terrorisme frappe de nouveau notre pays en 2015. Cette détermination s’est poursuivie depuis, notamment par l’augmentation sensible des moyens dévolus à la lutte antiterroriste, et par les leçons tirées des attentats.

Le travail que vous avez entrepris participe de cette volonté de repenser la réponse à la menace terroriste. Je tiens à souligner l’importance des 40 propositions que vous formulez dans un souci de perfectionner le fonctionnement de nos institutions.

C’est là la richesse d’une commission d’enquête : contrôler, éclairer, expliquer, et proposer des améliorations dans une démarche dépassant les clivages politiques.

La menace à laquelle notre pays est confronté, sa forme inédite, sa volonté affichée de mettre à terre notre modèle de société mérite que le Parlement se montre à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés. Il ne doit pas s’agir d’ouvrir des polémiques qui n’aboutiraient qu’à l’affaiblissement de nos institutions, mais de construire ensemble le cadre de la sécurité de nos concitoyens.

Nous, représentation nationale, leur devons un discours de vérité. Loin des propos populistes, nous devons avoir le courage de dire que le risque zéro n’existe pas en matière de lutte contre le terrorisme. Nous devons pouvoir dire que ce combat sera long, complexe, et devra être mené aussi bien en France que sur la scène internationale. La richesse de vos travaux le démontre.

Certaines de vos propositions ont déjà été longuement débattues. Je pense notamment à l’organisation des secours ou à la question de la refonte des services de renseignements.
Deux points méritent toute notre attention.

Le premier réside dans l’importance de la communication entre les services de l’Etat participant à la lutte antiterroriste. Vos débats démontrent le nécessaire dialogue devant présider à la réponse à une vague d’attentats mais également à leur prévention : articulation entre secours et forces de sécurité, entre renseignement et autorité judiciaire, entre services d’accompagnement et d’information aux victimes et institutions régaliennes.

Ces évolutions étaient en marche avant 2015. Elles se sont accélérées depuis. Il s’agit pour beaucoup d’une révolution de pratiques mais tous ont à cœur d’assurer la sécurité des Français.

Ce dialogue doit également présider au niveau européen et international.

Comment penser aujourd’hui que la solution résiderait dans le fait de se barricader, de se replier sur son territoire, alors que nous sommes touchés au même titre que nos frères belges ou turcs ?

Quelle irresponsabilité que de dire que l’on est plus fort pour relever ces défis seul que dans le concert des nations ?

Qui pense réellement qu’il suffit de refouler les individus ayant basculé dans la fureur et la haine hors de nos terres pour mettre fin à la menace ? Et vers où les renvoyer ? Vers nos voisins, eux aussi victimes du terrorisme ?

L’Europe ne va pas assez vite en la matière, mais les outils de coopération d’ores et déjà mis en place ont démontré leur pertinence.

Les insuffisances que vous avez mises en lumière doivent être comblées, non pas dans un réflexe de repli sur soi, mais dans une détermination à retrouver la voie de l’approfondissement de nos institutions communes.

En pointe dans la coopération en matière de lutte antiterroriste, la France doit continuer à porter les projets de coopération en matière de sécurité et de justice devant les institutions européennes.

A l’internationalisation de la menace doit répondre l’internationalisation de la lutte antiterroriste.
Élever des barricades à ses frontières n’a jamais préservé de la violence terroriste.

Au contraire, c’est en renforçant les ponts entre nos démocraties confrontées aux mêmes défis que notre sécurité sera renforcée. Et l’Europe nous offre ce cadre de coopération et de dialogue nécessaire à ce combat.

C’est là la voie de la raison et de l’efficacité. Nous le devons aux victimes de Paris, de Montrouge, de Villejuif, de Saint Denis, de Bruxelles ou d’Istanbul.

Les moments de recueillement au sein de notre hémicycle à la mémoire des victimes du terrorisme international se multiplient. Ils constituent autant de rappels insupportables de notre responsabilité commune à faire cesser cette litanie.

Oui, ce rapport est attendu, comme l’ensemble de nos institutions sont attendues pour répondre à l’impératif de sécurité, sans trahir les exigences démocratiques qui fondent notre société.

Je sais pouvoir compter sur votre détermination, Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour veiller à ce que les efforts indéniables entrepris par les pouvoirs publics soient poursuivis, renforcés quand cela est nécessaire.

C’est uniquement dans ces conditions que nous serons à la hauteur de ceux qui ont payé de leur vie le fait de croire en notre idéal républicain.

Je vous remercie.