Réception pour la remise du rapport de la Commission des affaires étrangères sur la Francophonie
Intervention de M. le Président Claude Bartolone
Madame la Ministre,
Madame la Présidente,
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur de la mission d’information,
Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs, chers collègues,
Monsieur le Président de la Sorbonne,
Mesdames et Messieurs.
La langue est un vecteur de civilisation. La langue est un facteur de puissance. Le combat pour la Francophonie forgera notre nouveau monde, celui du XXIe siècle.
En proposant cette mission d’information sur la francophonie le 16 octobre 2012, le Bureau de la commission des affaires étrangères a pris une initiative importante.
La Francophonie est un patrimoine, un réseau de solidarité internationale. La Francophonie est aussi, n’ayons pas peur de le dire, une mesure de la capacité d’influence de la France.
Nous avons basculé depuis quelques années déjà dans un nouveau monde. Celui-ci obéit toujours à l’ancienne grammaire des relations internationales, celle de la force et de la puissance.
Mais les rapports de domination s’y exercent aussi de manière bien plus subtile que par le passé : l’économie, les technologies, la culture, la science forgent aujourd’hui les rapports du fort au faible.
La puissance s’exerce au moyen de nouvelles médiations, où la langue, le véhicule des échanges, porte des représentations du monde et des valeurs. Ces repères s’imposent beaucoup plus subtilement que les idéologies d’hier, qui étaient martelées à coups de canons. Mais ils n’en façonnent pas moins le monde. Voilà l’enjeu de la Francophonie : un enjeu de culture, de civilisation, mais aussi de puissance.
Le rapport de votre mission d’information prend place dans ce contexte. Je tiens à souligner la qualité du travail des membres de la mission d’information sous l’égide de nos collègues François Rochebloine et Pouria Amirshahi.
Cher Pouria, je veux tout particulièrement saluer votre implication sur cette thématique, qui est le pain quotidien de votre travail de député au sein de la 9ème circonscription des Français établis hors de France. Dans vos 16 pays, vous êtes confronté à deux enjeux majeurs qui doivent nous mobiliser : assurer la vitalité de notre langue et renforcer la place du français là où elle est une langue pionnière, souvent concurrencée par l’anglais.
Dans les pays francophones où je me suis récemment rendu, au Sénégal, au Mali, en Algérie, au Maroc, j’ai pu constater l’attachement des élites au Français et à sa culture.
J’ai été par exemple frappé par l’éloquence de Moustapha Niasse, le Président de l’Assemblée nationale sénégalaise. Les mots de nos poètes résonnaient, Césaire et les poètes de la négritude, bien sûr, mais encore Apollinaire ou Aragon. Mustapha Niasse, avec la culture de sa génération, nous rappelle que notre patrimoine culturel tend à l’universel.
Mais rien n’est acquis : combien de temps le français sera-t-il encore la langue d’une élite qui envoie ses enfants dans les universités anglo-saxonnes ?
Et que signifie la francophonie si elle reste la langue des privilégiés ? Comme vous l’écrivez cher Pouria : la francophonie sera populaire ou ne sera pas.
Aujourd’hui la francophonie est l’héritière de notre passé colonial, avec son lot de déchirures. Mais elle n’est pas que cela. Il faut lui donner du sens, construire la francophonie du XXIe siècle, pour la France, et pour tous les pays qui ont la langue française en partage. Comment faire?
En s’appuyant sur la vitalité de la langue française. Il y a dans le monde entre 220 et 250 millions de francophones. Ils seront en 2050 entre 700 millions et un milliard, en Europe, en Amérique du Nord, en Asie, et bien sûr en Afrique, le continent francophone de l’avenir.
Ce qui se jouera, ce n’est pas seulement l’augmentation du nombre de locuteurs, c’est aussi la diffusion d’une conscience.
J’ajoute, ce n’est pas exclusif, l’extension d’un vaste marché de consommateurs de biens culturels et immatériels en langue française, à travers les médias et les technologies numériques.
Voilà qui justifie la détermination de la France à défendre l’exception culturelle à Bruxelles et dans nos négociations commerciales avec les États-Unis.
Le développement de la francophonie par la démographie est une chance, mais elle ne fait pas tout. La francophonie a besoin d’un soutien institutionnel.
En tant que parlementaires, nous avons accès à la plateforme de dialogue précieuse qu’est l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. Avec nos collègues Pascal Terrasse et Jean-Pierre Dufau, nous y disposons d’un relai d’influence efficace.
Je souhaite que nous coordonnions plus étroitement notre engagement au sein de l’APF et notre coopération parlementaire bilatérale. 60 % des 200 actions de coopération de l’Assemblée nationale sont d’ores et déjà à destination des pays francophones. Il faut renforcer ces synergies.
Je veux souligner le rôle essentiel de la diplomatie parlementaire dans la promotion de la francophonie. Au Sénégal, j’ai vu la nouvelle Assemblée nationale se mettre en place début 2013, avec un profond renouvellement de ses députés. Des femmes y sont entrées en nombre ! Il s’agit d’une formidable avancée démocratique.
Mais qu’a-t-on constaté dans le même temps ? Que le rajeunissement et la féminisation sont allés de pair avec un recul du français au profit du wolof.
C’est pourquoi j’ai souhaité que l’Assemblée nationale puisse former ces nouveaux députés au Français. Ce qui est bon pour le Sénégal est bon pour la France.
J’ai décidé, dans mes prochains déplacements, de répondre aux invitations des pays d’Afrique francophone. Pour leur dire combien ils comptent pour la France, combien leur attachement pour la langue française est important pour nous. Bien loin des stéréotypes sur la Françafrique.
Une francophonie de solidarité et de conquête : voilà deux pistes qui seront suivies dans le sillage de votre rapport.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les députés et sénateurs, je forme ici le vœu que votre rapport trouve un très large écho, bien au-delà de nos murs.
Madame la ministre, ce rapport est notre contribution parlementaire à votre engagement quotidien en faveur de la francophonie. Je suis très heureux que vous ayez pu vous joindre à nous aujourd’hui et, par avance, vous dire ma reconnaissance pour le suivi attentif que vous pourrez donner à ces propositions.
Merci à toutes et à tous de votre présence.