Réception en l’honneur des membres du Comité exceptionnel des signataires de l’Accord de Nouméa
Hôtel de Lassay, jeudi 4 juin 2015 – 18 h.
Madame la ministre des Outre-mer, chère George
Pau-Langevin,
Madame et messieurs les parlementaires, élus de la Nouvelle-Calédonie,
Mesdames et messieurs les députés, membres de la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie,
Monsieur le président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie,
Monsieur le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie,
Messieurs les présidents des assemblées des provinces,
Monsieur le haut-commissaire de la République,
Monsieur le directeur de cabinet,
Mesdames et Messieurs membres de la mission d’écoute et de conseil,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d’abord rendre un hommage républicain à la mémoire du grand chef Nidoïsh Naisseline décédé ce mercredi.
Héritier d’une longue lignée de chefs coutumiers, fils du premier à avoir répondu à l’appel du général de Gaulle, il aura été tout au long de sa vie un militant convaincu de la cause indépendantiste mais il aura toujours inlassablement prôné le dialogue et la négociation, rejeté la violence et défendu la vision ambitieuse d’une société calédonienne inclusive et ouverte à tous.
Mesdames et Messieurs, chers amis,
C’est avec un très grand plaisir que je vous retrouve ce soir, à la veille de la réunion exceptionnelle des signataires de l’Accord de Nouméa et des élus de la Nouvelle-Calédonie et de ses provinces.
Cette réception, ce soir à l’Hôtel de Lassay, s’inscrit naturellement dans le prolongement de mon déplacement, il y a quelques semaines, en Nouvelle-Calédonie.
Avec Jean-Jacques Urvoas et Philippe Gosselin – ce soir retenu en Normandie par les célébrations de l’anniversaire du Débarquement –, nous avions décidé de venir à vous, vous rencontrer et d’écouter chacun de vous et ce, sans aucun a priori.
Mais avec une certitude, inspirée des mots de Saint-Exupéry : l’impossible recule quand on avance vers lui.
Comment en effet se résigner à l’idée que, sur cette terre qui par deux fois a inscrit le sens du compromis dans l’histoire, inquiétudes, malentendus et, parfois hélas aussi, postures bloquent ce processus patient et absolument unique d’évolution politique, fondé sur la concorde et la réconciliation ?
Comment se résigner à ce que le doute s’installe alors que depuis 27 ans vos prédécesseurs et vous-mêmes faites le choix courageux de la confiance ?
Dans plusieurs propos au cours de cette semaine passée parmi vous, nous avons entendu l’inquiétude du retrait : le retrait du politique face au juridique mais aussi le retrait de l’État du processus.
A ces inquiétudes, je pense que nous avons répondu aussi simplement que clairement.
Je le redis ici ce soir devant la ministre des Outre-mer : il n’y a aucune position de retrait de l’État. Ni du Gouvernement, ni du Parlement.
Les travaux, dans cette maison, de la mission d’information sur l’avenir institutionnel du territoire est l’expression, s’il en était besoin, de l’intérêt et de l’implication de la Représentation nationale.
Nous avons bien perçu, lors de notre déplacement, combien le terme d’« équidistance » par lequel le Président de la République a désigné la position de l’État, a souvent été, sciemment ou pas, mal interprété.
Je le redis ce soir, comme je l’avais déclaré devant le Congrès : l’équidistance ne marque ni un désintérêt ni l’absence d’ambition politique.
Elle n’est la marque que du seul respect de chacun de vous, de votre sens du bien commun et du destin partagé de la Nouvelle-Calédonie.
Je rassure donc toutes celles et ceux qui craindraient encore je-ne-sais-quel agenda caché ou un effacement de l’État. Il y a tout au contraire l’exigence fondamentale de respecter le sens profond de l’Accord : c’est aux citoyens calédoniens qu’il appartient d’écrire l’avenir institutionnel du territoire.
Ce n’est pas l’opinion personnelle du Président de la République, du Premier ministre ou du Président de l’Assemblée nationale qui compte. Pas plus d’ailleurs que celle de nos prédécesseurs respectifs lors du précédent quinquennat. D’ailleurs, il n’aura échappé à aucun de vous qu’aucun de nous ne participera à la consultation de 2018.
Comme il ne vous a pas échappé que l’avenir de la Nouvelle-Calédonie n’est plus et ne redeviendra pas un enjeu de politique partisane dans l’Hexagone.
Ce n’est pas à l’aune des opinions ou des fraternités partisanes que se définissent les relations de l’État avec les institutions de la Nouvelle-Calédonie.
De ce principe absolument fondamental découle donc une méthode, constante depuis 1998 : au-delà de l’exercice légitime de ses compétences, l’État est présent pour accompagner, pour éclairer et pour faciliter. Et il n’y a pas eu en la matière la moindre rupture en 2012.
Voyez-y tout simplement l’expression d’une éthique démocratique.
L’État n’est pas là pour favoriser l’expression d’une parole plutôt plus qu’une autre.
Ni pour dire qu’une parole est bonne et l’autre pas.
Tel est le sens de l’équidistance.
L’État n’est donc pas un spectateur impassible. Mais il ne saurait être un acteur impatient.
C’est bien parce que l’Etat n’est pas absent qu’on ne peut croire ou laisser croire que le politique s’est effacé devant le juridique. Lorsque j’ai fait part par téléphone au Premier ministre de la teneur de nos échanges à Nouméa, il a immédiatement décidé du principe de ce comité exceptionnel pour permettre à un accord politique d’émerger sur un point très précis mais nous le savons, très signifiant pour toute une partie d’entre vous.
Mais ainsi que nous vous l’avions souligné à Nouméa, il ne faut pas pour autant tomber dans un discours facile mais mensonger : votre accord politique devra s’inscrire dans le champ des possibles de notre socle constitutionnel parce que la moindre censure sur la prochaine loi organique serait un mauvais signal. Dans cette maison où s’écrit, se discute et se vote la Loi, vous tenir tout autre langage ne serait que forfaiture.
Chacun parmi vous, en tant que signataire ou en tant qu’héritier des signataires, connaît la responsabilité qui est la sienne : poursuivre patiemment l’œuvre entamée en 1988 vers une décision claire des citoyens calédoniens sur leur avenir sans jamais oublier que cette décision ne sera qu’une étape d’un destin qui sera, quoi qu’il en soit, commun.
Pour reprendre les mots de Jean-Paul Sartre, « chaque parole a des retentissements. Chaque silence aussi. Le silence même se définit par rapport aux mots, comme la pause en musique, reçoit son sens des groupes de notes qui l’entourent. Se taire, ce n’est pas être muet, c’est refuser de parler, donc parler encore ».
Aujourd’hui, vous avez décidé d’être à nouveau tous présents autour de la table du comité des signataires. C’est une décision sage que je salue.
Notre monde n’a pas simplement traversé une crise économique majeure au cours de la dernière décennie. Nous sommes pleinement entrés dans un nouveau monde.
La Nouvelle-Calédonie doit y trouver sa place et tracer, au cœur des interdépendances si fortes dans ce bassin du Pacifique, son chemin vers le progrès, économique et social. Et cela sera vrai quelle que soit la nature de ses institutions.
Afin de poursuivre le travail de développement et de modernisation déjà accompli dans chacune des provinces, afin de mobiliser toutes les forces vives et en particulier de cette jeunesse qui doit pouvoir trouver la place qui lui revient, l’avenir institutionnel ne doit pas être une hypothèque pesante.
C’est pourquoi je vous invite, mesdames, messieurs, chers amis, à toujours préserver et mettre en œuvre le dialogue patient qui vous a permis d’avancer, ensemble, depuis les Accords. Si demain des points de désaccord devaient subsister, que personne n’en fasse l’occasion de déclarations fracassantes.
En étant fidèles à l’esprit qui a présidé à la signature des Accords, vous saurez, je n’en ai aucun doute, trouver les réponses pragmatiques pour continuer à avancer, même sur les points les plus sensibles.
Ce n’est pas un vœu pieux ni une formule rhétorique mais une conviction profonde et la Représentation nationale sera à vos côtés sur ce chemin.
Je vous remercie.