Résolution sur la gratitude et la reconnaissance de l’Assemblée nationale pour les actes d’héroïsme du Débarquement.

Mot d’introduction - Réception après l'examen de la proposition de résolution Débarquement

Hôtel de Lassay, mardi 6 mai, 17h15

 

Monsieur le Ministre (Louis Mexandeau),

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs les diplomates,

Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

 

Je suis très heureux de vous souhaiter, à toutes et à tous, la bienvenue à l’Assemblée nationale, la maison du peuple français, à l’issue du débat parlementaire sur la Résolution commune avec le Sénat des Etats-Unis exprimant la gratitude et la reconnaissance de l’Assemblée nationale pour les actes d’héroïsme du Débarquement.

Cette Résolution, au titre à la fois si sublime et si grave, a abouti grâce aux efforts et au talent de ma première vice–présidente, Laurence Dumont, que je tiens à saluer particulièrement chaleureusement en cette occasion, et à féliciter. Saluons également avec amitié les députés et élus de cette région si belle et si chargée d’Histoire, la Basse-Normandie, les départements de la Manche, du Calvados, de l’Orne, qui portent encore sur leurs terres les traces des actes d’héroïsme dont nous nous souvenons ce soir.

Nous faisons bien plus que nous en souvenir. Nous les remercions, nous les célébrons. Il suffit de se promener dans vos terres, mes chers collègues. Des crevasses de la pointe du Hoc à l’humble clocher de Sainte-Mère-Eglise, des ruines des quais de béton d’Arromanches au manteau de croix de marbre blanc qui couvre l’herbe de Colleville, le combat et la victoire ont laissé tant de traces qui font gonfler les cœurs et couler les larmes. Ces quelques jours de juin 1944 sont gravés de manière indélébile entre les plages, les marais et les bocages de Normandie, et ajoutent à votre longue et prestigieuse histoire une page éclatante de l’Histoire des grandes choses humaines. De Guillaume le Conquérant au Débarquement, l’Histoire de la Normandie se confond avec celle des grandes épopées.

Vous avez souffert bien sûr. Tant de villes détruites, Caen, Lisieux, Vire, Le Havre. Tant de vies arrachées à leurs familles, à leur avenir. Tant d’enfants, de femmes, d’humbles vieillards morts sous les bombardements, ou exécutés par une armée nazie en déroute, entre le 6 juin et fin août 1944. Plusieurs dizaines de milliers de civils ont disparu. Lorsque l’on se promène dans les quartiers de Bayeux, la première des villes libérées, et ainsi préservée, on se laisse aller à rêver à la beauté de ce qu’étaient ces quartiers de Caen et de Lisieux partis en fumée. Ces combats, beaucoup de Français hors de la Normandie l’oublient, ne se réduisent pas à la nuit du 6 juin, mais ont mobilisé les normands jusqu’à la fin de l’été ! Les batailles de Cherbourg et de Caen, la bataille des Haies ou la Poche de Falaise, ces moments de souffrances et de vaillance, rejoignent dans notre imaginaire Marignan et Austerlitz. Tant de normands se souviennent des bruits des avions, de la peur des bombes qui les faisaient se jeter dans les fossés au bord des routes, de la hâte de couvrir le corps d’un fils, d’une nièce, d’un ou d’une amie pour atténuer les dommages des souffles des obus.

On peut voir encore et pour longtemps dans des bibliothèques normandes des livres à la couverture creusée, arrachée par endroits, qui témoignent de la violence de ces trois mois.  

Sword, Juno, Omaha, Utah… Ces noms que des millions de touristes égrènent sur les plages de la Manche et du Calvados ont fait rentrer dans la poésie même des territoires le souvenir de nos libérateurs.

L’effort de mémoire est ici effort de reconnaissance. La Résolution est sur ce point extrêmement claire, elle parle de «dette de reconnaissance et de gratitude envers les membres de cette génération » qui a pris sur elle de libérer l’Europe, de concert avec l’armée russe de l’après Stalingrad, de la barbarie. Cette dette de gratitude, nous ne l’honorerons jamais comme il se doit, bien sûr. Mais nous tenterons, et tentons aujourd’hui, d’en porter le témoignage le plus sincère et le plus fort possible.

Ma génération a bien connu les anciens combattants de cette époque. C’étaient nos pères, nos mères, nos oncles, les amis de nos parents. Nous les avons vus parfois aborder cette époque et ces évènements avec une pudeur, une discrétion que les historiens ont dû sonder et accepter.

C’est pourquoi je suis très heureux que des jeunes d’aujourd’hui, et notamment les jeunes gens de Normandie qui nous font l’honneur de leur présence ce soir, puissent rencontrer des témoins et héros de cette époque. Je salue au nom de l’Assemblée nationale la présence de Léon Gautier, vétéran du Commando de fusiliers marins Kieffer, commando qui a participé à la Libération de Ouistreham, aux portes de Caen. C’est un grand honneur de pouvoir de vive voix, M. Gautier, vous assurer de la gratitude de la nation.

La transmission n’est pas chose facile, surtout pour les jeunes générations. Quand l’évènement devient date chronologique, quand la poudre fait place à l’encre, quand la cible devient monument, quand la souffrance devient minute de silence, quand la peur devient recueillement et la victoire commémoration, nous avons toujours peur que quelque chose manque à la dignité du sacrifice. Nous avons toujours peur que le cœur ne saura pas suivre ce que la raison lui dicte. Nous avons toujours peur, disons-le en un mot, de l’ingratitude de ceux qui vivent libres grâce à ceux dont la gloire, parfois, écrase et intimide.

C’est pour cela que cette Résolution, sans ostentation, sans orgueil, sans volonté de revanche ou de vengeance, avec les mots simples et clairs de l’envie de dire merci, de dire heureusement que vous étiez là, fait œuvre utile. Il s’agit ce soir, dans un large mouvement d’embrassement des deux rives de l’Atlantique, de porter haut dans l’échelle des valeurs humaines, l’élan d’un sacrifice dont tant et tant de frères d’ici et cousins de là-bas, n’ont pu voir les suites et les réussites.

Ce soir, nous pensons à eux, à toute cette génération, et nous assurons à ceux qui sont morts et ceux qui demeurent que toujours, et pour l’éternité, les enfants de la liberté porteront au plus profond d’eux-mêmes la fierté de leurs aînés.

Merci.