Discours d’ouverture de M. Claude Bartolone
Messieurs les Présidents d’Assemblées,
Monsieur le Président du Sénat, Cher Gérard Larcher – qui accueillera demain la suite de nos travaux,
Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki Moon,
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et du Développement international,
Mesdames et Messieurs les parlementaires, Chers collègues,
Bienvenue à l’Assemblée nationale !
Je veux vous dire, au nom de tous les députés français, combien nous sommes émus de vous accueillir dans cet hémicycle, de vous voir sur ces bancs où siègent, depuis 1798, les députés de la nation française.
C’est ici que s’est, en grande partie, dessinée notre histoire politique. C’est ici qu’ont mûri notre République et notre démocratie. Ces murs sont les témoins quotidiens de nos communions et de nos discordes, de nos doutes et de nos espérances.
Nous y débattons aussi des défis et des enjeux globaux, de nos partenariats extérieurs, et des axes de notre politique étrangère. Les occasions d’ouvrir ces lieux à la « communauté internationale » demeurent néanmoins exceptionnelles - aujourd’hui, près de 90 Parlements nationaux et plus de 20 Parlements régionaux sont représentés, ainsi que les Nations Unies, au plus haut niveau.
L’émotion est d’autant plus grande que notre réunion intervient dans un contexte perturbé, où la mutation et la recrudescence du djihadisme international nous mettent au défi d’une coopération plus vigoureuse.
***
Nous sommes rassemblés pour aborder la question du dérèglement climatique, lutter contre ses causes et ses effets. Le changement climatique n’est pas un fantasme, une vue de l’esprit.
Personne ne peut plus ignorer les conclusions des études conduites, en particulier celles du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui démontrent la réalité du phénomène, et celle des menaces qu’il fait peser sur la planète.
Rien de cela n’est abstrait ! La planète, c’est la fertilité de nos terres, l’équilibre de nos écosystèmes, la préservation de plusieurs milliers de kilomètres de littoral. Le dérèglement climatique, c’est la désertification, la multiplication des phénomènes climatiques sévères – typhons, sécheresses et inondations – la fonte des glaces et la montée du niveau des mers et des océans.
Les victimes, nous les connaissons. J’entends souvent que nous nous battons pour les générations futures, pour la survie de l’humanité. C’est vrai. Mais ces formules me semblent confortables; elles nous donnent, assez paradoxalement, l’illusion d’avoir du temps. Or le changement climatique se fait déjà sentir ! Le nier, c’est insulter tous ceux qui ont déjà été contraints au déplacement, voire à l’exil.
Ils sont déjà des centaines de millions – plus nombreux que les réfugiés de guerres ! – à avoir fui les catastrophes naturelles, à fuir la faim et la soif.
***
Tous nos pays s’accordent donc sur le diagnostic comme sur le traitement à prescrire : il faut contenir la hausse des températures mondiales et, pour cela, un accord est nécessaire et urgent. Il devra être dynamique et durable, suffisamment contraignant pour nous imposer de poursuivre les discussions et d’approfondir les engagements. Il serait incompréhensible qu’aucun consensus sur ce principe ne soit trouvé.
Il devra aussi être juste et souple, prendre en compte les spécificités et les inquiétudes de chacun.
Qu’on s’entende. Il ne s’agit ni d’exonérer les uns, ni de concentrer les efforts sur les autres, mais simplement d’admettre que nous sommes à des stades différenciés de développement économique, et que ce dernier constitue naturellement une priorité. Chaque nation doit présenter son effort le plus abouti, évalué en fonction de ses capacités.
Gardons à l’esprit qu’en certains endroits de la planète, des peuples qui n’ont contribué que très modestement au dérèglement climatique, sont pourtant particulièrement exposés à ses effets, et qu’ils cumulent parfois cette vulnérabilité avec d’immenses besoins socio-économiques. Malgré le potentiel de leurs pays, il est cohérent qu’une aide leur soit apportée : ce n’est pas de la charité, mais une juste compensation, d’ailleurs encore insuffisante.
En revanche, nous sommes collectivement responsables d’avoir érigé, en modèle unique, un système destructeur pour la planète, vorace en ressources naturelles et en énergies; et d’avoir privilégié, parmi ces énergies, les plus polluantes. Ce système, nous l’alimentons tous, partout, tous les jours.
Il est encore temps de changer le cours des choses, de façon progressive mais déterminée, et sans détruire les perspectives de développement. De très nombreux économistes voient même, dans la transition énergétique, des opportunités formidables de croissance.
***
Nous nous réunissons en même temps que nos Chefs d’Etat, nos ministres et nos diplomates. Au cours des derniers mois nous avons suivi avec attention l’évolution de leurs positions, nous les avons interrogés, leur avons fait des suggestions. Je veux en profiter pour saluer le travail du gouvernement, en particulier celui du Ministre des Affaires étrangères et du Développement international, M. Laurent Fabius.
Une nouvelle étape de la négociation a été franchie ce matin, puisqu’une ébauche d’accord lui a été remise ce matin par les négociateurs. J’adresse aux ministres tous mes encouragements pour la semaine qui s’ouvre.
Nous sommes davantage que des observateurs, des commentateurs, ou des contrôleurs des négociations internationales. Nous avons la possibilité d’agir, à plusieurs niveaux, très concrètement, et j’ajouterai même indépendamment des résultats de ces négociations.
Par leur mandat, les parlementaires incarnent la volonté du peuple ; ils reflètent, par leur nombre et la variété de leurs opinions, la diversité de nos sociétés.
Échanger et construire entre parlementaires, c’est mieux comprendre les contraintes des pays partenaires, mieux appréhender les spécificités et la complexité des situations nationales, mieux évaluer la solidité des engagements, dans le temps long et au-delà des alternances politiques.
D’où l’importance de cette « COP des Parlements ». Je félicite et remercie l’Union interparlementaire pour le travail qu’elle accomplit, et j’en profite pour rappeler qu’elle est l’organisation internationale politique, c’est-à-dire non spécialisée, la plus ancienne du monde. C’est d’ailleurs à Paris qu’elle est née. Déjà, en 1889, nos prédécesseurs vantaient les atouts de la diplomatie parlementaire, utile pour conforter, compléter ou nuancer la diplomatie des États.
***
Nous sommes, surtout, les artisans de la loi. Nous pouvons réfléchir, dès à présent, aux moyens législatifs et budgétaires nécessaires à l’adaptation de nos sociétés et de nos économies.
Engageons-nous à user de tous nos pouvoirs constitutionnels, et à le faire ensemble.
C’est la philosophie du plan d’action parlementaire promu par l’UIP.
Il prévoit, avant la fin de l’année 2017, d’analyser les corpus législatifs des États-membres pour évaluer leur compatibilité avec les engagements internationaux, et invite à ratifier rapidement l’accord qui sera trouvé d’ici le 11 décembre. Il est de notre responsabilité de veiller à sa traduction dans le droit.
Soyons vigilants, interpelons et convoquons sans relâche les ministres concernés; bousculons les administrations et lobbies qui agiraient comme des forces de blocage.
Ce plan d’action appelle à dépasser les clivages politiques devant l’urgence climatique, et à associer les sociétés civiles.
C’est une démarche d’ailleurs inaugurée par la présidence française de la COP 21. L’agenda des solutions, auquel les organisations non gouvernementales, les collectivités locales et les acteurs économiques contribuent, en est l’un des résultats. Il nous appartient à nous, parlementaires, de susciter et d’encourager, sur le terrain, les initiatives citoyennes.
Enfin, la question environnementale, pour être traitée efficacement, doit irriguer l’ensemble de l’action publique, et donc inspirer toutes les commissions de nos Assemblées: chaque député doit donc être aidé à s’informer, et à se former.
***
Je suis convaincu que nos deux journées de débat donneront l’occasion d’échanges fructueux, et feront émerger des solutions concertées et concordantes.
Merci pour votre attention. La parole est à Monsieur Laurent Fabius, Ministre des Affaires étrangères et du développement international.