Réunion de la troisième rencontre trilatérale des Bureaux des chambres basses des pays du Triangle de Weimar

Réunion des Bureaux des chambres basses du Triangle de Weimar
Ouverture de la réunion trilatérale
Assemblée nationale, salle Lamartine, jeudi 16 juin 2016

Monsieur le Président de la Diète de Pologne, cher Marek,
Monsieur le Président du Bundestag, cher  Norbert,
Mesdames et messieurs les parlementaires de Pologne, d’Allemagne, de France, chers collègues,
Chers amis,

Je vous souhaite la bienvenue en France, la bienvenue à Paris, la bienvenue à l’Assemblée nationale. C’est avec un grand plaisir que nous pouvons, ensemble, déclarer ouverte cette troisième rencontre trilatérale des Bureaux du Bundestag allemand, de la Diète polonaise et de l’Assemblée nationale française en format Triangle de Weimar.

Vous arrivez en France dans un moment particulier, et j’espère que vous saurez goûter l’atmosphère festive que la coupe d’Europe de football des nations donne à tout pays qui l’organise. En ce moment, dans toutes les villes de France, des milliers de supporters de tous les pays d’Europe chantent des hymnes nationaux, des chansons populaires de leurs pays, brandissent des écussons, des drapeaux et des banderoles, composent, comme les troubadours de jadis, des odes, des ballades à la gloire de leurs héros, dont l’épopée n’est plus militaire mais sportive. Dans les rues de France aujourd’hui, on parle de stratégie, de tactique, de mouvements offensifs, et de défenses renforcées. Mais le but n’est pas d’obtenir par les armes un Traité de Westphalie avec des concessions territoriales entre nos pays, mais une coupe d’Europe brandie dans la joie et la fête.
C’est donc un moment particulier, et je me réjouis que nous puissions, nous Français, vous offrir cette visite la plus agréable possible d’une ville, Paris, que les Français ont toujours considérée comme une cité devant recueillir l’esprit des autres nations. Paris ne serait pas Paris sans les héritages philosophiques, artistiques allemand et polonais. Que seraient les Lumières parisiennes sans le baron d’Holbach ou le baron Grimm ? Que serait la poésie romantique à Paris sans Heinrich Heine ou Adam Mickiewicz ? Qu’aurait été la musique romantique dans les salons de Paris sans Frédéric Chopin ? Et de qui Napoléon aurait été amoureux s’il n’avait pas rencontré Marie Walewska ? Bref, en un mot, vous êtes ici chez vous.

Mais j’en viens à l’ordre du jour d’aujourd’hui. Nous sommes réunis pour une sorte très particulière de musique et de poésie, la coopération parlementaire. En cette matière également, il y a des harmonies, des études, des préludes, des trios et des nocturnes.

En cette matière également, il peut y avoir, et c’est heureux, des dissonances, pourvu qu’elles soient suivies de cadences, et pourquoi pas d’un Te Deum final !  C’est l’objet des réunions de nos trois Chambres sous le format du Triangle de Weimar.

Ce format a été créé en 1991, et il fonctionne à d’autres niveaux que le nôtre : chefs d’État et de gouvernement, ministres des affaires étrangères. Ce succès n’est pas surprenant : nous avons, nous trois, la faculté de représenter plusieurs visions au sein de l’Union européenne. Nous avons, nous trois, l’expérience historique de trois peuples fiers, qui, en ce début de siècle, incarnent des visions, des sentiments pour l’avenir. Le triangle de Weimar a déjà donné des résultats intéressants : en matière de coopération de Défense, en matière de formations, de coopération audiovisuelle, universitaire, dans le domaine de la recherche, le triangle de Weimar a agi et construit des actions durables.

Un Weimar parlementaire ne pouvait que refléter la même qualité d’écoute, de dialogue et d’analyse. Nous l’avons vu à Essen, en 2010. Nous l’avons vu à Cracovie, en 2013.

Lors de ce même sommet de Cracovie, j’avais parlé de l’importance particulière de nos rencontres en ce qu’elles permettent la mise en commun d’expériences constituant un « échantillon représentatif des problèmes et des attentes européens ». Je le pense toujours, plus que jamais, et notamment, et surtout, après l’année que nous venons de vivre.

Nous ne serons pas surpris par les positions des uns et des autres sur les thèmes qui occuperont les discussions. Tout d’abord L’Union européenne face aux défis des réfugiés et des questions migratoires.
Du côté français, la Présidente de la Commission des affaires européennes, Danielle Auroi, députée du Puy-de-Dôme, introduira les débats avec ses homologues allemand et polonais, Mme Kloc et M. Krichbaum.

Ensuite, un second thème nous occupera, Les conséquences du référendum britannique sur l’avenir de l’Union européenne. Il sera introduit par Sandrine Mazetier, députée de Paris et Vice-Présidente de notre Assemblée nationale, avec ses homologues Mme Bulmahn du Bundestag et M. Terlecki de la Diète.

Ces deux thèmes étaient incontournables, et nous n’avons pas vraiment eu de difficultés à nous mettre d’accord entre nous pour les distinguer de la masse des actualités. Je me suis exprimé à plusieurs reprises devant vous sur ces deux sujets, et notamment devant mes homologues il y a quelques jours, à Luxembourg, à l’occasion de notre Conférence européenne des Présidents de Parlement.

J’avais par ailleurs, un peu avant, eu l’honneur de développer mes analyses sur ces sujets devant le groupe de Visegrad, où nous avons pu, cher Marek, avoir une belle et intense discussion. Je m’exprimerai de nouveau sur ces sujets en conclusion de notre réunion en tenant compte de vos analyses. Vous êtes ici dans une enceinte libre, une assemblée d’expression sans entrave, et j’attends avec impatience, sans préjugé, vos analyses, vos impressions, vos sentiments et vos propositions.

Même ce soir, nous ne serons pas d’accord sur tout. Vous savez qu’avec Norbert, Laura Boldrini, présidente de la Chambre et Mars Di Bartolomeo, nous avons lancé une Déclaration européenne où nous appelions à un sursaut européen pour que l’Union européenne s’engage dans davantage d’intégration et se hisse vers son idéal. Quinze présidents de Parlements dans quinze pays ont signé ce texte.

Pour que les peuples retrouvent le goût de l’aventure européenne en s’exprimant sur elle, non pas en la subissant, j’ai proposé ensuite aux citoyens français une plate-forme d’expression, de doléances et de propositions sur le site de l’Assemblée nationale. Ce fut une belle consultation populaire.

Les résultats montrent que seule une minorité infime des citoyens est explicitement europhobe, et qu’ils sont très attachés à la libre circulation des personnes et à l’Europe sociale.

Cher Marek, vous avez proposé une autre Déclaration, que vous appelée L’Europe des États Solidaires, où vous proposez d’autres idées. Bien entendu, les souverainetés des États sont indépassables. Le cadre de notre dialogue peut être fertile, prospère, pour le plus grand bien des européens et l’intérêt général de chacun de nos peuples.
Nous ne sommes pas réunis ce matin comme des délégations des anciennes diplomaties européennes, chuchotant dans le silence d’une salle sombre les secrets d’un complot intéressant une nation contre une autre. Nous ne sommes pas dans les couloirs du traité de Münster ou de Versailles, nous sommes sous le regard vigilant, informé, énergique, des citoyens de nos pays libres. Nous sommes les mandataires de peuples vivants, empreints d’idéal et de bonheur, héritiers d’une superbe civilisation dont Paris, Marseille, Berlin, Dresde, Cracovie, Varsovie portent en elles les trésors et les élégances. Il n’y a pas de pignon, de façade, de voûte ou de fresque qui ne soient, dans nos villes et nos villages, le résultat de nos dialogues, de nos échanges et de nos amitiés.

Deux manifestations scelleront nos réunions : un match de football entre vos deux nations, où l’on verra qui de Kaputska ou de Thomas Müller sera l’idole du soir.

Demain, nous irons au Musée d’Art Moderne de Paris, où l’exposition de l’allemand Paul Klee illumine nos consciences. Paul Klee justement, a écrit un jour que « L'art ne reproduit pas le visible, il rend visible ». Je pense la même chose de la politique : rendons, tous ensemble, nos trois nations, main dans la main, rendons visible à nos peuples le chemin que nous devons tous emprunter. Certains méandres sont encore dans l’obscurité, certaines clairières sont encore cachées sous des broussailles, mais c’est à nous, à nous représentants du peuple, à nous amis de la liberté et de la fraternité, d’y mettre un peu de lumière.

Vive le triangle de Weimar !

Vive la Pologne ! Vive l’Allemagne ! Et vive la France !