Santé et Environnement - Seizième débat du cycle des Mardis de l’Avenir

Les Mardis de l’Avenir
« Environnement et santé »
Mardi 6 octobre 2015 – Hôtel de Lassay

 

Madame la Ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, chère Marisol,
Messieurs les Professeurs de médecine,  
Mesdames et Messieurs les scientifiques,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les représentants des associations et des entreprises,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Je suis très heureux de vous retrouver ce soir à l’Hôtel de Lassay pour la reprise des Mardis de l’Avenir, après la traditionnelle pause estivale. Deux ans déjà !
Nous sommes à moins de deux mois de la plus grande conférence sur le climat de l’histoire. La réussite de la COP21 dépend de notre capacité à engager toute la société dans la transition écologique.
Ainsi, nous abordons ce soir un thème trop longtemps délaissé par le débat public mais qui est primordial, vital même, pour nos concitoyens : celui de « la santé environnementale ».

***

Santé et environnement. Pourquoi lier ces deux termes ? Pour la simple raison que l’état du premier dépend largement de la qualité du second. Un environnement sain et préservé est la clé d’une meilleure santé. Nous subissons aujourd’hui indirectement toutes les dégradations auxquelles notre environnement se trouve confronté : pollution de l’air, pesticides, perturbateurs endocriniens. Ces derniers prolifèrent dans notre vie quotidienne sans que nous en soyons toujours conscients : dans notre eau, dans notre nourriture, dans nos produits d’hygiènes, dans nos meubles, dans les jouets de nos enfants, dans notre air… On pourrait multiplier les exemples et on commence à percevoir la multiplicité des facteurs pathogènes et la complexité des origines.
De plus en plus d’études pointent l’impact très nocif de ces différentes pollutions sur notre santé. L’augmentation inquiétante des grandes maladies chroniques, que sont les maladies cardio-vasculaires, les cancers ou encore le diabète ou l’asthme, est en majeure partie imputée à la dégradation globale de notre environnement.
Quelques chiffres pour illustrer l’ampleur des dégâts : le nombre d’accidents vasculaires-cérébraux a augmenté en France de 76 % entre 2003 et 2013. Sur la même période, le nombre de cancers a cru de 23 %. La pollution atmosphérique est une des premières causes environnementales de décès par cancer selon l’OMS.

***

Depuis le début du XIXème siècle, nous vivons avec la croyance d’un progrès continu et indéfectible, associé à une plus grande richesse, à un meilleur état de santé et à une diminution de la mortalité. Mais nous arrivons aujourd’hui à un point de rupture. La détérioration de notre environnement provoquera peut-être dans quelques années une inversion de la courbe de l’espérance de vie. Voilà l’aberration contre laquelle nous devons nous élever.
Un certain nombre continueront d’être amnésiques et de nier le problème du lien entre la détérioration de l’environnement et l’explosion des maladies chroniques. Ce lien n’est certes pas visible à l’œil nu. Il n’est pas aussi spectaculaire qu’une catastrophe naturelle. Et c’est pourquoi il est si dangereux : il se relativise. Un travail d’éducation, d’information et de responsabilisation citoyenne est indispensable si nous voulons sortir de notre torpeur collective et lutter contre des préjugés simplistes. Nous ne pouvons reproduire une nouvelle fois les erreurs commises avec l’alcool et le tabac, en négligeant trop longtemps leur impact sur notre santé. Il est temps d’affirmer clairement que toutes les pollutions que nous subissons sont autant de menaces pour notre santé, c’est-à-dire sur notre bien le plus précieux, parce qu’il est la condition de tous les autres.

***

Ces maux écologiques représentent un coût économique très important. Le coût des décès imputables à la pollution de l’air en France est estimé à 48 milliards d’euros, soit 2,3 % du PIB national selon une étude récente de l’OCDE et de l’OMS.
À l’heure où la rigueur budgétaire devient une nécessité et où l’on s’interroge sur la manière de résorber le déficit de la Sécurité sociale et de pérenniser notre modèle sanitaire et social, nous devrions penser à agir davantage en amont pour réduire les différentes pollutions, afin de diminuer les dépenses en aval, quand il est déjà trop tard.
Ces coûts sont d’autant plus insupportables qu’ils touchent en priorité les populations les plus en difficulté. Les effets de la dégradation de l’environnement révèlent malheureusement des inégalités géographiques et sociales.
Une étude de 2013 de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique s’intéresse au lien entre quartiers défavorisés et pollution atmosphérique dans les villes de Paris, Marseille, Lyon, et Lille. La pollution atmosphérique est environ 20 % plus élevée dans les quartiers les plus défavorisés de ces villes. Selon cette étude, le risque de mourir du fait de la pollution de l’air à Paris est cinq fois plus élevé pour les plus pauvres que pour le reste de la population. Les populations les plus déshéritées vivent, en effet, près des usines, des aéroports, des grandes routes. Les plus humbles sont assignés à résidence.
Réduire l’exposition aux polluants va par conséquent de pair avec un objectif de réduction des inégalités de santé, des inégalités sociales et économiques.

***

Le constat peut paraître alarmiste. Mais les relations entre santé et environnement apparaissent de plus en plus comme une préoccupation dans les politiques internationales et nationales.
Au niveau européen, la Charte Européenne de l’Environnement et de la Santé, adoptée en 1989 reconnait le droit inaliénable de chaque individu à « bénéficier d’un environnement permettant la réalisation du niveau le plus élevé possible de santé et de bien-être ». Depuis 1999, les Etats membres de l’Union européenne se sont engagés à élaborer des Plans nationaux pour l’environnement et la santé.
En France, cet engagement s’est concrétisé par l’adoption par le gouvernement d’un premier plan le 21 juin 2004. Suivant cette démarche, la loi de santé publique du 9 août 2004 reconnait la « santé environnementale » comme l’une des cinq préoccupations majeures de santé publique. Nous en sommes au troisième plan national, nous verrons avec la ministre quel bilan on peut en tirer.
Les pouvoirs publics ont la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour accompagner les acteurs économiques et les citoyens dans de nouveaux modes de production et de consommation. Nous aurons l’occasion d’en débattre, mais la fiscalité écologique est un des outils clés de la transition. Nous ne pouvons plus regarder l’avenir dans le rétroviseur.
L’action publique en matière de santé doit changer de paradigme. Nous devons renforcer notre régime de prévention afin de soulager notre régime de soins. « Prévenir plutôt que guérir » : c’est le bon sens qu’il faut retrouver. La santé environnementale requiert une révolution culturelle dans nos institutions et notre système de santé.

***

Mais dans ce combat, l’Etat ne peut pas être efficace seul. Car la transition écologique ne pourra passer que par une mutation globale, intégrée et citoyenne. Pour changer, il nous faudra jouer sur trois leviers :
-    Continuer de toujours mieux comprendre les impacts des pollutions sur la santé.
Je tiens à remercier nos experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, qui sont à nos côtés ce soir.
-    Soutenir l’innovation, qui permet de trouver des réponses aux enjeux multiples auxquels nous sommes confrontés. Je salue à ce titre les acteurs de l’entreprise qui s’engagent et prouvent encore une fois qu’il est possible de réconcilier la rentabilité économique et la soutenabilité écologique. Il y en a avec nous ce soir.
-    Et bien sûr, sensibiliser, éduquer, former, pour changer les comportements et nos modes de vie. Je salue le Réseau Environnement Santé et l’association Générations cobayes pour l’admirable travail qu’ils font, notamment pour l’une, auprès de la jeune génération.
Nombreux sont les jeunes qui innovent, qui aspirent à consommer différemment et qui réclament de vivre mieux. Cette jeunesse en mouvement, c’est le signe de la vitalité du combat engagé. C’est une très bonne chose car c’est de la jeunesse que viendra le renouveau.

Je laisse maintenant toute sa place au débat : comment réparer le passé, et surtout comment préparer l’avenir avec vous.

Je remercie une fois de plus Amandine Bégot pour la qualité de son animation et je lui passe la parole en vous remerciant tous de votre présence.