Signature d’une convention de coopération
Intervention de M. Claude Bartolone,
Président de l’Assemblée nationale
Jeudi 16 avril 2015
Monsieur le Président de la Chambre des Représentants du Royaume du Maroc,
Monsieur le Président de la Chambre des Conseillers,
Mesdames et Messieurs les présidents des groupes d’amitié France-Maroc et Maroc-France des Parlements français et marocains,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur l’Ambassadeur,
Chers invités,
Bienvenue à Paris !
Jamais je n’aurai eu tant de plaisir à retrouver des confrères, des partenaires, des amis.
Depuis la première session du Forum interparlementaire en 2013, au Maroc – et je veux de nouveau vous remercier pour l’accueil très chaleureux que vous nous y aviez réservé – des incidents malheureux ont secoué notre amitié.
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Je ne reviendrai pas sur les incompréhensions, et la distance que nous avons prise ces quinze derniers mois : elles sont derrière nous, c’est là que je veux les laisser.
Il s’est agi d’une véritable crise, je ne veux pas la minimiser. Mais je veux la replacer dans la longue histoire qui nous lie : une amitié installée depuis plusieurs siècles. Monsieur l’Ambassadeur, vous perpétuez, par votre présence en France, une tradition diplomatique ancrée dans notre pays depuis le XVIIème siècle. Je suis heureux que nos gouvernements aient renoué ce dialogue séculaire, et rétabli dans son intégralité la coopération exceptionnelle qui les lie.
Ils n’ont pas tardé, et nous autres parlementaires avons œuvré dans ce sens.
Il y a, parmi nous, des députés qui se sont personnellement engagés pour une reprise du dialogue. Je veux saluer à ce titre l’action conduite par Élisabeth Guigou, présidente de la Commission des Affaires étrangères, et par Luc Châtel, président du groupe d’amitié. Nous nous sommes investis car nous représentons nos concitoyens, et qu’ils ont été les premiers affectés, au quotidien, par la suspension de la coopération judiciaire. Pouria Amirshahi, qui représente les Français vivant dans votre pays, pourrait témoigner de la façon dont ils ont été pénalisés.
Ils sont plus d’un million, Marocains de France, Français du Maroc, et des centaines de milliers de binationaux ; ils étudient, travaillent, investissent, voyagent, écrivent, réalisent et produisent pour nos deux pays ; ils sont le cœur battant de la fraternité franco-marocaine, et c’est une immense fierté pour nous de les représenter. Par notre présence au Maroc il y a deux ans, par le dialogue que nous avons maintenu ces derniers mois, et par votre visite à Paris, nous leur démontrons que nous préservons intacts les liens qu’ils ont noués entre eux, et que nous les protégeons du mieux que nous pouvons des aléas de la diplomatie des Etats.
C’est là l’esprit premier de la diplomatie parlementaire.
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Un deuxième objectif anime notre relation parlementaire : c’est le dialogue politique de fond.
Le Maroc et la France sont engagés dans des réformes majeures et des réflexions parfois similaires :
- sur les grandes questions de société, les droits des femmes, la fin de vie, l’avortement ;
- sur la gestion du champ religieux, la liberté d’expression et le vivre-ensemble ;
- sur le fonctionnement de leur État, son financement, sa décentralisation ;
- sur l’état de l’économie, l’emploi des jeunes, les retraites, la formation, la transition énergétique ;
- et enfin sur la sécurité de la Nation, le renseignement, et la lutte contre le terrorisme.
Dans tous ces domaines, nous pouvons tirer profit de nos expériences respectives. C’est ce que nous avons fait tout au long de la journée, et je m’en réjouis.
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Le troisième objectif est de renforcer le poids de nos parlements dans leurs systèmes politiques respectifs.
La convention que nous signons ce soir formalisera une coopération déjà dense – le Forum interparlementaire, l’un des rares à réunir Chambres basses et Chambres hautes, en est une illustration. En la formalisant, nous lui donnons toutes les chances de perdurer et de s’intensifier.
J’entends souvent que le Maroc aurait échappé aux printemps arabes. C’est faux.
Le Maroc a vécu son propre printemps. Dans le sillage de la révolution tunisienne, des dizaines de milliers de Marocains, dans des dizaines de villes, se sont mobilisés pour réclamer davantage de transparence, dénoncer la corruption, exiger la démocratisation et un meilleur partage des richesses.
Sa Majesté le Roi les a entendus, et a donné l’impulsion à une réforme de fond du système marocain.
Le Maroc a donné, en 2011, une preuve supplémentaire de sa capacité à adapter son système politique aux mutations de sa société et aux transformations de son environnement. Est-ce si surprenant de la part d’un Etat mûr de plus d’un millénaire, et d’une monarchie expérimentée de trois siècles ?
Votre Assemblée, Mesdames et Messieurs les Représentants, accompagne cette mutation paisible du Maroc, et c’est pourquoi nous voulons être à vos côtés. Vous avez, Monsieur le Président, dans votre discours d’ouverture de la session de Printemps à Rabat, appelé à accélérer l’adoption des lois présentées à la Chambre des Représentants, et notamment des lois organiques qui parachèveront le chantier constitutionnel entamé en 2011 et le nouveau modèle de développement marocain. Certaines ont déjà été votées, qui consacrent la création du Conseil supérieur de l’autorité judiciaire ou encore la régionalisation du Royaume. Vous avez appelé vos confrères à s’imposer davantage comme force de proposition, à privilégier la qualité des lois à leur quantité, et à améliorer toujours leur rôle de contrôle de la chose publique.
L’Assemblée nationale française veut concentrer ses efforts diplomatiques sur ses partenaires les plus solides. Et vous participez, chers amis, du fonctionnement d’un État qui s’inscrit dans la durée, maîtrise les enjeux de sa diversité linguistique et religieuse, et constitue ainsi l’un des partenaires les plus anciens et les plus sûrs de la France. Il est donc tout naturel que nous vous consultions pour parfaire notre connaissance des enjeux et que nous répondions, de manière adéquate, aux besoins qui se posent à votre Assemblée.
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Je voudrais conclure sur le déplacement que vous effectuerez demain. Les deux guerres que nous commémorons cette année nous renvoient à une page commune de notre histoire. Le Maroc a ressenti les premiers effets de la Grande guerre, les rivalités économiques puis militaires entre les grandes puissances européennes. Dès les débuts de la seconde guerre mondiale, le Sultan Mohammed V a appelé à se tenir aux côtés des Français et des Anglais contre l’Allemagne, et refusé de livrer les Marocains de confession juive au régime de Vichy. Quelques années plus tard, la France lui imposa l’exil.
Enfin et surtout, les Marocains ont combattu pour la France dans les deux guerres, et nous leur en sommes pour toujours reconnaissants.
Je ne pourrai malheureusement pas vous accompagner demain dans le Calvados, mais j’aurai pour vous, en vous sachant sur les plages de Normandie, une pensée pour les débarquements de Safi, Casablanca et Mehdia qui, en 1942, ont contribué au tournant de la guerre.
Le Maroc et la France ont surmonté la libération comme la lutte pour les indépendances, sans qu’aucun esprit de revanche ne s’installe. Ils continueront d’avancer unis, comme ils l’ont fait tout au long du XXème siècle, j’en ai la certitude.
Vive le Maroc, vive la France, vive l’amitié franco-marocaine !