Discours de M. Claude BARTOLONE,
Président de l’Assemblée nationale
Mardi 5 novembre 2013
« Les transports du XXIe siècle »
1er débat du cycle des Mardis de l’Avenir
Allocution d’ouverture
Mesdames et Messieurs les députés,
Madame la directrice de l’IDDRI, chère Laurence Tubiana,
Madame la présidente de l’association Cartes sur Table, chère Agathe Cagé
Messieurs les présidents Rollier et Pépy,
Mesdames et Messieurs les élus,
Chère Amandine Bégot, qui animerez nos débats
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux de vous accueillir ce soir à la première session des Mardis de l’Avenir, qui portera sur la contribution des transports à la transition écologique.
Je l’ai dit au jour de mon investiture, je n’en varie pas, je veux faire de l’Assemblée nationale une maison ouverte sur le monde qui l’entoure.
Et je veux qu’on y entende battre le cœur de la démocratie.
J’ai lancé Les Mardis de l’Avenir pour ouvrir un nouvel espace de débat à l’Assemblée nationale.
Car il nous faut moderniser les institutions si l’on veut redonner foi dans la politique et dans ceux qui la pratiquent au quotidien, au service de tous les français.
Je souhaite que le caractère pluraliste, le mélange des genres, qui sont la marque de fabrique des Mardis de l’Avenir lui confèrent plus qu’une originalité, une véritable efficacité. Car le débat enrichit ceux qui s’y prêtent et produit plus d’intelligence.
Vous l’avez compris, j’ai choisi de faire de la transition écologique le fil rouge de ce cycle de débats à travers des questions très concrètes, en mettant bout à bout des politiques publiques, des initiatives industrielles et des actions citoyennes, par grand domaine d’intervention.
L’organisation de débats entre parties prenantes, comme celui sur la transition énergétique – que vous avez brillamment animé, chère Laurence Tubiana –, et la multiplication des processus de concertation dans les territoires, sont une avancée majeure pour le développement durable.
Je souhaite que les représentants de la nation soient associés à ces débats. Car je veux que le Parlement soit au cœur de la démocratie.
Je voudrais dire ce soir : retroussons nos manches, faisons bouillir nos méninges, pour montrer que l’économie peut se placer au service de l’écologie ! Et qu’à l’inverse, l’écologie peut être une chance pour notre économie.
L’écologie et le développement durable ne sont pas l’apanage de quelques privilégiés. Ils contribuent à inscrire le projet de développement de la France sur la voie du bien vivre ensemble.
La qualité de vie pour tous est un bien commun que l’État et la représentation nationale doivent placer au cœur de ce projet collectif. C’est une réponse aux difficultés socio-économiques auxquelles le pays est confronté.
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Les fondements de notre société sont ébranlés par les transformations du monde.
Mondialisation, changement climatique, ruptures technologiques et nouvelles formes de communication sont autant de failles dans la conception que nous nous faisons – que nous nous faisions ? – du monde qui nous entoure.
Face à l’inquiétude que peuvent susciter ces changements, certains seraient tentés par la politique de l’autruche, d’autres par le repli sur soi ou l’extrémisme.
Je n’en suis pas.
Je vois dans ces transformations un défi qui s’impose à tous les pays occidentaux, et que nous pouvons relever.
Plus nous assumerons l’importance de faire des choix stratégiques qui nous inscrivent dans ce nouveau monde, et plus nous développerons de la créativité, de l’inventivité. Et alors nous pourrons collectivement être fiers du chemin parcouru.
Il y a quarante ans, alors qu’éclatait le premier choc pétrolier, la France a fait le choix d’investir dans un programme massif de construction de centrales nucléaires. Cette stratégie autant industrielle qu’énergétique a trouvé un écho dans le monde entier, elle a permis à des leaders français d’émerger, et elle a façonné la France d’aujourd’hui.
Nous avions alors confiance dans notre avenir !
Nous n’avions aucun doute sur la capacité du pays à rebondir et à concevoir de nouvelles solutions technologiques à l’horizon de quarante ans !
Chers amis, si nous avons su engager une telle révolution industrielle il y a quarante ans, rien ne nous empêche de le refaire aujourd’hui.
Quittons cette morosité, cette frilosité qui nous étreint et nous angoisse.
Montrons à nos enfants – car en France nous n’avons pas de pétrole mais nous avons des enfants ! – qu’il existe une place pour la France, pour l’Europe dans le monde d’aujourd’hui et celui de demain.
Une place dont ils pourront être fiers et qui les inscrira à leur tour dans une ère de progrès social et technique.
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Ne soyons pas pour autant naïfs.
De réelles questions se posent sur la durabilité d’un modèle économique à croissance faible, et dont on ne sait mesurer l’impact social, notamment sur la création d’emplois.
Mais devons-nous pour autant nous résoudre à voir fermer les usines sans offrir à nos concitoyens les clés et les opportunités pour s’inscrire dans ce nouveau monde ?
Devons-nous accepter de voir la qualité de notre production tirée vers le bas par la concurrence inéluctable des pays émergents, et de certains de nos voisins européens ?
Je ne le crois pas.
Je crois que nous devons réussir une nouvelle révolution industrielle et productive qui nous tire vers le haut. La plus-value d’un pays comme la France dans une économie mondialisée, c’est sa richesse culturelle, ses territoires, ses terroirs même, c’est la « marque France ».
L’affirmation de la transition écologique et énergétique peut être le levier de cette montée en gamme dans nos entreprises. Source d’innovation et de différenciation, l’exigence environnementale peut permettre à l’industrie française de retrouver une nouvelle jeunesse sur les marchés mondiaux.
Et quelle industrie mieux que celle de l’automobile et des transports peut relever ce défi ?
Nous avons inventé l’automobile ! Nous avons inventé le TGV ! Nous avons créé Airbus ! Les constructeurs français ont longtemps été des références mondiales. Et aujourd’hui encore nos équipementiers sont des champions qui s’exportent à grande échelle.
Les transports, rappelons-le, sont à l’origine de plus de 30 % des consommations finales d’énergie en France, et les carburants pèsent lourd dans la balance commerciale. C’est un défi de taille que de réduire cette dépendance.
Nous devons redonner à nos entreprises du transport un cap face aux transformations du monde.
Cela passe tout d’abord par une qualité technologique qui leur confère de l’autorité face à leurs concurrents.
Je crois que des projets fédérateurs, assortis de programmes de recherche, comme celui de la voiture économe, qui consommera 2L aux 100, sont de nature à stimuler notre filière automobile.
Et je me félicite d’accueillir ce soir Michel Rollier qui nous dira comment de telles initiatives peuvent nous aider à faire entrer nos entreprises de plain-pied dans la transition écologique.
Et que dire des trains du futur ? Cher Guillaume Pépy, devrons-nous attendre le prochain siècle pour que les trains intelligents nous permettent de gérer notre mobilité au plus près de nos besoins ?
Les élus que nous sommes ont une grande responsabilité face à ces questions, au niveau local comme au niveau national.
Prenons le projet du Grand Paris, qui me tient particulièrement à cœur : ce projet de métro – un métro du XXIe siècle ! - est la réponse structurelle aux difficultés que rencontrent au quotidien nos concitoyens pour se déplacer en région parisienne.
Imaginé en complément des initiatives de nos opérateurs pour améliorer et moderniser leur service, il donne une opportunité historique de mobiliser la filière du transport collectif et de stimuler l’innovation chez nos constructeurs à grande échelle.
Mais la réussite passe aussi par une complémentarité et une coopération renforcée avec nos alliés européens.
Nous mourons aujourd’hui de la confrontation industrielle avec l’Allemagne, – et les exemples ne manquent pas dans le domaine des transports ! – alors qu’ensemble nous pourrions mettre sur pied de véritables champions continentaux.
Alors si l’Europe peut encore servir à quelque chose, croyez-moi, c’est à l’industrie des transports et à la transition écologique !
J’en termine.
En vous invitant ce soir, j’ai cherché à réunir toutes les familles d’acteurs qui œuvrent au quotidien à faire des transports un levier de croissance économique et de progrès social en France.
Vous êtes ceux qu’on appelle les « sachant » sur ce sujet. Chacun d’entre vous y a un intérêt politique, commercial, intellectuel…
Et bien je souhaite que nous produisions ensemble des idées, des stratégies, qui ne soient pas élitistes mais réalistes.
Nous tirerons des échanges de ce soir, comme des suivants, un livret de propositions. Cet ouvrage sera diffusé largement et je compte sur votre énergie pour en faire un best-seller !
Je passe maintenant la parole à notre journaliste, Amandine Bégot, qui devra assumer une tâche délicate : faire de cette soirée un vrai débat foisonnant, tout en maintenant l’ordre !
Et pour ma part, je vous donne rendez-vous le mardi 3 décembre prochain pour un nouveau débat qui portera sur la question nucléaire.